Faut-il toujours pardonner à ses parents ?
9/6/2025

Faut-il toujours pardonner à ses parents ?

« Les parents, ça merde tout le temps ! » m’a un jour lancé ma première psy. Une phrase brute, mais juste. Derrière elle, une vérité que bien des patients finissent par entrevoir : aimer ne suffit pas. Et parfois, une parole de reconnaissance manque cruellement. Dans l’imaginaire collectif, les parents sont censés aimer, protéger, éduquer. Et cela suffit souvent à justifier leurs maladresses ou leurs silences : « Ils ont fait de leur mieux », « Ce n’était pas si grave », « À leur époque, on ne parlait pas de tout ça… » Pourtant, de nombreux adultes en thérapie témoignent d’une souffrance ancienne, tenace, liée non pas à ce qui a été fait, mais à ce qui n’a jamais été reconnu. Et si ce n’était pas toujours à l’enfant de pardonner ? Et si, parfois, les parents avaient une responsabilité symbolique à assumer : demander pardon ?

Table des matières

En bref : Pourquoi les parents devraient parfois demander pardon...

Et si l’amour ne suffisait pas à tout réparer ?

Dans cet article, nous explorons une idée forte : demander pardon à son enfant peut devenir un acte thérapeutique et symbolique puissant.
Quand les blessures du passé restent sans mots, quand les silences pèsent plus que les cris, une reconnaissance sincère de la part du parent peut transformer profondément la relation et libérer l’enfant devenu adulte.

Nous verrons comment cette parole peut rompre les loyautés toxiques, apaiser la mémoire et rendre au sujet sa dignité psychique.

Vous êtes parent ? Enfant blessé ? Ce texte s’adresse à vous.

Allez, c’est parti…

Quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes

🔹 62 % des adultes français déclarent avoir été blessés émotionnellement par au moins un de leurs parents durant l’enfance.

(Source : enquête IPSOS pour la Fondation pour l’Enfance, 2020)

🔹 1 adulte sur 3 affirme avoir grandi dans un climat familial marqué par des non-dits, des silences ou des tensions récurrentes.

(Source : Baromètre Observatoire des Familles, UNAF, 2022)

🔹 44 % des adultes reconnaissent avoir “pris sur eux” pour ne pas blesser leurs parents, même lorsqu’ils auraient voulu exprimer colère ou incompréhension.

(Source : Enquête IFOP sur les liens familiaux, 2021)

🔹 78 % des personnes en psychothérapie déclarent que leur travail personnel a impliqué à un moment ou un autre la relation à leurs parents.

(Source : Fédération Française de Psychothérapie, enquête interne 2019)

🔹 27 % des parents disent avoir des regrets sur la manière dont ils ont élevé leurs enfants, mais seuls 9 % d’entre eux osent le leur dire en face.

(Source : Étude OpinionWay pour Psychologies Magazine, 2021)

Lorsque l’amour ne suffit pas : les ratés ordinaires de la parentalité

Nous avons beau aimer nos enfants, cela ne nous empêche pas de les blesser...

Et c’est peut-être là le premier malentendu fondateur de la parentalité : l’amour n’immunise pas contre les blessures psychiques.

Bien sûr, la majorité des parents aiment profondément leurs enfants. Mais ce n’est pas l’intention affective qui construit un sujet, c’est la qualité des liens, la manière dont les besoins sont perçus, accueillis, traduits.
Entre ce qu’un parent pense donner, ce qu’il donne réellement, ce que l’enfant reçoit, et ce que son psychisme en fait… il y a un gouffre. Ce gouffre s’appelle l’inconscient.

Il ne s’agit pas de juger, mais de nommer une réalité : même les parents les plus aimants peuvent être absents, envahissants, incohérents ou blessants. Par maladresse. Par répétition. Par défaut d’élaboration de leur propre histoire.

Et dans bien des cas, l’enfant, lui, n’a aucun autre choix que de prendre sur lui. Il s’adapte. Il se tait. Il développe des stratégies : faire plaisir, devenir invisible, surperformer ou somatiser. Il devient le symptôme du dysfonctionnement familial.

Or, ce qui fait traumatisme, ce n’est pas toujours ce qui est violent. C’est ce qui est invisible, banalisé, nié, impensé. Une phrase, une absence prolongée, un climat émotionnel constant d’insécurité ou d’instabilité. Tout ce qui ne laisse pas de trace visible, mais qui s’imprime dans le psychisme comme un manque de contenance.

« Ce n’est pas l’erreur qui est pathogène, c’est son absence de reconnaissance. » Donald W. Winnicott
(Inspiré des écrits sur le rôle de la mère suffisamment bonne et la fonction réparatrice du holding)

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Quand un « pardon » change tout

Lorsque je reçois S., une femme d’une quarantaine d’années, elle me parle immédiatement de sa colère sourde, incrustée depuis l’adolescence. Sa mère, très présente physiquement, avait toujours tout contrôlé : les vêtements, les amies, les résultats scolaires. Et pourtant, jamais un mot sur ses émotions, jamais un regard posé sur sa tristesse. Dans le cabinet, elle dit : « Elle m’a toujours dit qu’elle m’aimait. Mais je ne l’ai jamais sentie me voir. » Un jour, à la suite de plusieurs mois de travail, S. ose écrire à sa mère une lettre. Non pas une lettre d’accusation, mais une demande de reconnaissance : « M’as-tu seulement remarqué quand j’allais mal ? Te rends-tu compte de ce que j’ai dû taire pour ne pas te décevoir ? » Contre toute attente, sa mère lui répond. Une lettre courte. Pas très élaborée. Mais au milieu des phrases convenues, un mot inattendu : « Je suis désolée. J’aurais dû te voir davantage. » S. pleure longuement. Pas de joie. Pas de soulagement immédiat. Mais un dégel. Quelque chose s’ouvre. Elle me dira plus tard : « Pour la première fois, j’ai senti qu’elle avait vu que j’avais existé comme une personne, pas juste comme sa fille. » Ce « pardon » maternel, imparfait, timide, mais vrai, a agi comme un acte symbolique fort. Il a ouvert une voie d’élaboration, non pas pour tout réparer, mais pour sortir enfin du silence et reconstruire un lien à soi moins figé dans le ressentiment.
« Tout est langage. Même le silence. Mais seul le pardon relie les êtres au-delà de leurs blessures. » Françoise Dolto

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Quand le silence crée la blessure : la clinique de l’oubli organisé

Dans bien des histoires familiales, ce ne sont pas les cris, ni même les conflits, qui laissent les traces les plus profondes.

C’est le silence. Ce silence glacial, impensé, celui qui s’installe autour des événements, des émotions, des blessures non reconnues.
Celui qui enseigne, sans le dire, que ce qui ne se dit pas n’existe pas.

Ce silence-là n’est pas toujours un refus de parler. Il est souvent hérité. Transmis de génération en génération comme une stratégie de survie : on ne parle pas de ce qui fait mal, on oublie pour tenir. On « tourne la page », sans jamais l’avoir lue.

Mais l’enfant, lui, sent ce qui manque. Il sent qu’il y a quelque chose de faux, d’inauthentique, dans les récits familiaux trop bien lissés. Il perçoit les non-dits, les tensions larvées, les sujets interdits. Et à défaut de mots pour les comprendre, il les inscrit dans son corps, ses comportements, ou ses symptômes.

Comme le dit Nicolas Abraham :
« Ce qui n’a pas pu être symbolisé dans une génération revient sous forme de symptôme dans la suivante. »

C’est ce que j’appelle la clinique de l’oubli organisé. Une forme de pacte familial inconscient, où l’on se protège collectivement… au prix du sujet. Et ce pacte repose souvent sur un postulat toxique : « Ce qui a été fait ne peut pas être remis en question. »

Or, dans ce contexte, demander pardon devient un acte de rupture avec le silence.
C’est redonner une voix au vécu de l’enfant, et rompre le cercle des loyautés muettes.
C’est autoriser, enfin, la parole là où régnait l’indicible.

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Le silence de la guerre

P. a 32 ans. Il vient me consulter pour des troubles anxieux persistants, une fatigue diffuse, et ce qu’il appelle lui-même un « fond d’angoisse inexplicable ». Rien, dans son histoire apparente, ne justifie une telle tension. Il dit avoir eu une enfance « normale ». Mais très vite, en séance, un vide narratif s’installe. « Mon père ? C’est quelqu’un de bien. Il travaillait beaucoup. On ne parlait pas beaucoup à la maison, mais c’était comme ça. Il n’y a rien de spécial à dire. » Et pourtant… des lapsus, des silences, des regards fuyants quand il évoque certains souvenirs. Peu à peu, un détail émerge : son grand-père paternel a été prisonnier pendant la guerre d’Algérie. Personne n’en parle jamais. Jamais un mot, même dans les enterrements. Un jour, alors qu’il évoque un cauchemar récurrent — il se retrouve enfermé, sans nom, dans un endroit inconnu — il lâche, comme à mi-voix : « J’ai toujours eu l’impression que dans ma famille, on ne savait pas qui on était. » À partir de là, le travail change. Il ne s’agit plus de « guérir une anxiété », mais de redonner sens à un silence hérité, à une histoire enfouie sous des générations d’oubli volontaire. Le jour où P. ose dire à son père : « Je ressens un poids, et j’aimerais que tu me dises ce que tu sais de ton père… »
… il n’obtient pas de réponse immédiate, mais une larme. Et dans cette larme, pour lui, le début d’une reconnaissance.
« Ce qui n’a pas été symbolisé dans une génération est porté comme une dette psychique par la suivante. » René Kaës (Les alliances inconscientes, Dunod)

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Demander pardon : un acte symbolique, pas un règlement de compte

Il y a une immense différence entre culpabiliser et se responsabiliser.

Demander pardon à son enfant — qu’il ait 5 ans ou 45 — n’est pas un acte de faiblesse ni une soumission. C’est un acte symbolique fort, un geste de transmission réparatrice, une façon d’assumer la part d’ombre inhérente à toute parentalité.

Demander pardon, c’est faire une place à l’enfant dans son propre récit. C’est lui dire : « ce que tu as vécu n’est pas une illusion », « ce que tu ressens est légitime », « il y a eu un raté, et je le reconnais. »

C’est une manière de lui redonner le droit d’avoir souffert, sans avoir à trahir l’amour qu’il porte à ses parents pour l’exprimer.

Dans bien des familles, la défense s’organise autour du déni :
« Tu exagères. On a toujours tout fait pour toi. Tu n’as manqué de rien. »

Mais ce déni-là enferme. Il empêche toute possibilité d’élaboration. Il piège l’enfant — devenu adulte — dans une impasse affective où soit il accuse, soit il se tait.

Dire « pardon », ce n’est pas chercher à se faire aimer ou à être excusé. C’est introduire du tiers, du symbolique, du manque, là où le lien est resté figé dans la confusion ou la dette implicite.

C’est aussi faire tomber l’illusion de toute-puissance parentale. Et accepter, enfin, que nos enfants ne nous doivent rien — pas même leur indulgence.

« Tout est langage. Même le silence. Mais seul le pardon relie les êtres au-delà de leurs blessures. » Françoise Dolto

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Une parole qui répare, une reconnaissance qui transforme

Ce n’est pas l’aveu qui soigne. Ce n’est pas non plus l’excuse.

C’est la reconnaissance pleine et entière d’un impact.

Une parole adressée, incarnée, reçue. Une parole qui dit, sans détour : « Ce que tu as vécu a compté. Je le reconnais. »

Il ne s’agit pas de tout verbaliser ni de rejouer le passé dans une scène de tribunal émotionnel. Il s’agit de rétablir le lien symbolique là où il s’était rompu. De permettre au sujet — devenu adulte — de se réapproprier son histoire sans devoir la nier pour continuer d’aimer.

« Je t’ai fait du mal sans le vouloir. Je ne l’ai pas vu à temps. Et je te demande pardon. »
Cette phrase, si elle est sincère, n’efface pas les blessures.
Mais elle les déplace du corps vers la parole.
Elle les désolidarise du silence, ce qui les rend enfin élaborables.

C’est là que la réparation devient possible : non dans une fusion nouvelle, mais dans l’établissement d’une frontière claire entre deux sujets — le parent et l’enfant — où chacun peut enfin être responsable de sa part.

« Tu as souffert, ce n’est pas de ta faute. »
« J’ai manqué, et je l’assume. »

Cette parole, même tardive, peut changer le cours d’une vie psychique.
Elle permet au sujet de cesser de tourner en rond dans l’alternative infernale : haïr ou se taire. Elle ouvre un espace tiers — ni vengeance, ni refoulement — un lieu pour penser, digérer, et parfois, commencer à pardonner.

Comme le dit Roussillon :

« Ce n’est pas le souvenir du trauma qui soigne, c’est la transformation de son inscription dans l’appareil psychique. »

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Faut-il toujours pardonner à ses parents ?

Non. Et surtout : pas au prix de soi-même.

Le pardon ne peut pas être une injonction morale. Ni un devoir filial.

Le pardon vrai ne se donne pas sur commande, ni par culpabilité. Il ne vient ni du surmoi, ni de la peur de blesser, mais d’un travail psychique long, intime, parfois douloureux, où le sujet reprend possession de ce qu’il a vécu, sans devoir le minimiser.

Trop souvent, on demande aux enfants — devenus adultes — d’être « compréhensifs », « indulgents », de « faire la paix avec leur passé ». Mais qui demande aux parents de comprendre l’effet de ce qu’ils ont transmis malgré eux ?

Le vrai renversement symbolique, c’est peut-être là :
et si ce n’était pas toujours à l’enfant de pardonner,
mais au parent de demander pardon ?

Cela ne signifie pas que l’enfant sera prêt à l’entendre, ni même à l’accepter.
Mais ce geste remet de la justesse dans le lien : il reconnaît un déséquilibre, il remet de la verticalité là où le lien restait flou, confus, parfois toxique.

Dans la logique psychanalytique, le pardon n’est jamais un objectif.
C’est, tout au plus, une conséquence possible d’un travail de vérité.

Et parfois, ne pas pardonner est un acte de survie. Une manière de dire : « Je n’oublie pas, je n’excuse pas, mais je choisis de ne plus me taire. »

Le pardon, s’il vient, vient comme un effet, jamais comme une obligation.
Et c’est précisément pour cela que la parole du parent — “je te demande pardon” — peut agir comme un déclencheur de transformation, parce qu’elle ôte enfin à l’enfant la charge d’avoir à tout porter seul.

Comme le dit Serge Tisseron :
« Le pardon n’est pas une amnésie, mais une métamorphose du souvenir. »

Lire aussi : Comment la thérapie familiale peut réparer les blessures du lien

Conclusion : Demander pardon à son enfant

— même devenu adulte — n’est ni une défaite, ni un aveu de faiblesse. C’est un acte éthique, un choix de sujet.

Un geste de transmission inédit, qui ne repose plus sur le déni ou l’omission, mais sur la reconnaissance lucide de ce qui a été vécu.

C’est aussi un changement de paradigme. Dans une société qui attend encore trop souvent des enfants qu’ils comprennent, qu’ils pardonnent, qu’ils se taisent ou qu’ils « passent à autre chose », oser dire “je t’ai blessé, et je te demande pardon” est un acte révolutionnaire.

Cela ne change pas le passé.
Mais cela change ce qu’on en fait.

Dans l’espace analytique, cette parole peut avoir la puissance d’un acte fondateur. Elle redonne au sujet une place, une voix, un droit : celui de ressentir, de se dire, d’exister.

Et si nous faisions ce pari fou mais salutaire : que la responsabilité assumée, la parole juste, la reconnaissance des manquements, valent mille fois plus que toutes les justifications du monde ?

Être parent, ce n’est pas incarner la perfection.
C’est peut-être, au fond, accepter de devenir humain aux yeux de son enfant.

Et cela, paradoxalement, fait de vous un parent véritablement digne d’amour.

Lire aussi : Quelle différence entre psychothérapie et psychanalyse

FAQ – Pardon parental et reconnaissance symbolique

🔹 Est-il vraiment nécessaire que les parents demandent pardon à leurs enfants ?

Ce n’est pas toujours nécessaire, mais cela peut être profondément transformateur.

Lorsqu’un parent reconnaît qu’il a blessé, même involontairement, il permet à l’enfant de ne plus douter de son ressenti. Ce geste symbolique ne vise pas à tout réparer, mais à rétablir un lien de sujet à sujet, fondé sur la responsabilité et non sur la toute-puissance. Cela libère aussi l’enfant de la culpabilité de « trahir » en parlant. Parfois, un pardon sincère vaut mille justifications.

🔹 Pourquoi est-ce si difficile pour certains parents de demander pardon ?

Demander pardon, c’est reconnaître qu’on a échoué là où on aurait voulu réussir.

Pour certains parents, c’est intolérable narcissiquement, car cela ravive leur propre sentiment d’insuffisance ou réactive leur propre enfance blessée. Il arrive aussi que le parent ne perçoive pas l’impact de ses actes ou qu’il le nie pour se protéger. Pourtant, cette difficulté est souvent ce qui maintient les souffrances en place. La demande de pardon suppose un travail de décentration, de lucidité et d’humilité.

🔹 Le pardon est-il nécessaire pour aller mieux ?

Non, le pardon n’est pas un passage obligé pour guérir.

Ce qui libère en thérapie, c’est la reconnaissance, l’élaboration psychique, et la possibilité de se dégager de la place de victime ou d’enfant éternel. Le pardon, s’il vient, est un effet secondaire possible, jamais un but. Il peut soulager, mais il ne doit pas être une injonction. Ce qui importe avant tout, c’est que le sujet reprenne possession de son histoire, même sans réparation réelle de la part du parent.

🔹 Et si mes parents ne veulent pas reconnaître leurs erreurs ?

C’est une impasse fréquente. Dans ce cas, le travail thérapeutique permet de dissocier la réparation intérieure d’une reconnaissance extérieure.

Vous pouvez cheminer vers la guérison, même en l’absence d’aveu parental. En donnant des mots à votre vécu, vous réintroduisez du sujet là où il n’y avait que du silence ou du doute. Il est même parfois salvateur de renoncer à une reconnaissance qui ne viendra pas, pour enfin vous autoriser à vivre sans attendre une validation extérieure.

🔹 Peut-on pardonner sans oublier ?

Oui, car le pardon ne signifie pas l’oubli, mais la transformation. Il s’agit de changer la place du souvenir dans votre psychisme, non de l’effacer.

Le passé reste, mais il cesse d’être une brûlure active. Le pardon permet de se souvenir sans que la mémoire fasse effraction. Cela suppose souvent un long travail thérapeutique, où le sujet parvient à mettre à distance la charge émotionnelle liée au souvenir, tout en maintenant une conscience claire de ce qui s’est produit.

🔹 Que faire si je culpabilise d’en vouloir à mes parents ?

Il est courant d’éprouver de la culpabilité lorsqu’on exprime colère ou ressentiment envers ses parents, surtout si on les sait eux-mêmes blessés.

Mais vos émotions ont le droit d’exister, même si vos parents ont fait de leur mieux. En thérapie, l’objectif n’est pas de juger, mais de comprendre, d’élaborer, et surtout de vous dégager d’une culpabilité qui empêche de penser librement. Reconnaître une blessure ne signifie pas rejeter l’amour, mais sortir de la confusion entre loyauté et silence.

🔹 Comment savoir si j’ai besoin de ce pardon pour avancer ?

Un bon indicateur est la présence d’une rumination persistante, d’un sentiment d’injustice ou d’un blocage émotionnel lorsque vous évoquez vos parents.

Si vous vous sentez empêché d’aller de l’avant ou encore « attaché » à des blessures anciennes, il se peut que quelque chose d’important n’ait pas été reconnu. Ce n’est pas nécessairement le pardon lui-même qui est requis, mais une réparation symbolique, une reconnaissance, qui peut parfois venir de vous-même ou du cadre thérapeutique.

🔹 Le pardon peut-il se faire sans contact avec ses parents ?

Oui. Le travail du pardon est intime, symbolique, parfois totalement indépendant d’un échange réel avec les parents.

En thérapie, le sujet peut réécrire psychiquement la scène, nommer ce qui n’a pas été dit, s’adresser à l’absent, qu’il soit éloigné, décédé ou dans le déni. Ce type de réparation symbolique peut suffire à apaiser le conflit intérieur. L’essentiel est que le sujet cesse de se taire à l’intérieur de lui-même, même sans retour concret de l’autre.

🔹 Faut-il confronter ses parents pour aller mieux ?

Pas toujours. La confrontation n’est pas une fin en soi, et elle peut parfois réactiver des blessures ou provoquer une réaction défensive.

Ce qui compte, c’est que le sujet puisse exprimer son vécu quelque part — en thérapie, en écriture, dans un travail symbolique. Parfois, une lettre jamais envoyée est plus thérapeutique qu’une discussion réelle. Le plus important est de se dégager de l’attente d’une reconnaissance impossible, et de récupérer sa liberté intérieure.

🔹 Est-ce égoïste de demander à ses parents des comptes ?

Non. C’est humain.

Ce n’est pas « demander des comptes » dans une logique de vengeance, mais chercher à comprendre, à mettre du sens, à obtenir une reconnaissance. Ce n’est pas un caprice, c’est souvent une nécessité psychique pour avancer. Lorsque cette demande est posée avec respect et sans agressivité destructrice, elle peut devenir une opportunité de transformation du lien. Et si le parent ne peut ou ne veut pas entendre, cela ne vous prive pas du droit de penser.

🔹 Peut-on pardonner à un parent toxique ou maltraitant ?

C’est possible, mais ce n’est ni obligatoire, ni toujours souhaitable.

Dans certains cas de violence grave ou de manipulation persistante, le pardon peut être une manière inconsciente de minimiser le traumatisme.

La priorité est la protection psychique et physique du sujet, pas la réconciliation à tout prix. Ce n’est qu’après un long travail de séparation intérieure, de reconstruction, que le pardon éventuel peut surgir — non comme une obligation morale, mais comme un mouvement libérateur.

🔹 Comment travailler le pardon en thérapie ?

Le travail du pardon ne se décrète pas.

Il se construit pas à pas, à travers l’élaboration de l’histoire, l’expression de la colère, la reconnaissance des blessures. Il peut passer par des lettres, des jeux de rôle symboliques, des rituels internes. L’accompagnement du thérapeute est essentiel pour tracer un chemin singulier, adapté à votre rythme, vos résistances, vos défenses. C’est moins un but qu’un processus, où ce qui n’a pas été entendu peut enfin être dit.

🔹 Pourquoi certains enfants se sentent toujours redevables envers leurs parents ?

Parce que dans de nombreuses familles, l’amour est conditionnel : il est associé à des attentes implicites (réussir, être sage, ne pas faire de vagues).

L’enfant grandit alors avec la sensation de devoir rembourser une dette, de ne jamais en faire assez. Cela crée une emprise affective invisible, qui empêche d’exister librement. Travailler en thérapie permet souvent de dissoudre cette dette symbolique, de sortir de la loyauté toxique, et de retrouver une posture adulte affranchie.

🔹 Est-ce que les parents qui demandent pardon sont de « bons » parents ?

Demander pardon ne signifie pas être un parent parfait, mais un parent capable de reconnaissance symbolique.

C’est une marque de maturité psychique, d’humilité, et d’amour véritable. Il ne s’agit pas de tout réparer, mais d’accepter sa part humaine, faillible, et de la nommer. Ce geste n'efface pas le passé, mais il ouvre un espace nouveau dans la relation. Il montre à l’enfant qu’il a le droit d’exister en dehors du rôle de miroir ou de débiteur affectif.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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