Il existe des réalités qui, parce qu'elles se dissimulent sous des apparences anodines, méritent d’être regardées avec la plus grande attention. Les jeux dangereux, présents dès l’école primaire et exacerbés à l’adolescence, font partie de ces phénomènes à la fois silencieux et mortifères. Derrière des pratiques que certains jeunes qualifient de "jeux", c’est bien souvent une mise en péril de l’intégrité physique et psychique qui est en jeu. Comprendre ces comportements, en repérer les logiques profondes, et penser des réponses adaptées devient aujourd'hui indispensable pour quiconque accompagne des enfants ou des adolescents dans leur développement.
Les jeux dangereux ne sont pas l’expression d’une volonté consciente de se nuire. Ils traduisent souvent une quête de sensations fortes, un besoin d'appartenance au groupe, ou parfois, de manière plus silencieuse encore, un appel au secours que l’enfant ou l’adolescent ne sait pas formuler autrement.
Si vous accompagnez des jeunes, gardez à l'esprit qu'ils ne cherchent pas seulement à transgresser. Ils tentent souvent, à travers ces mises en danger, d’éprouver leurs limites, de tester leur pouvoir d’agir sur eux-mêmes ou sur les autres, parfois au prix de leur propre sécurité.
Derrière ce nom presque anodin, se cache une pratique redoutablement dangereuse : provoquer volontairement une privation d’oxygène, par strangulation, compression thoracique ou apnée prolongée, afin d’atteindre un état de conscience modifiée décrit comme "planant", "euphorisant" ou "transcendant".
Mais ces jeux ont des conséquences immédiates et parfois tragiques : perte de connaissance brutale, lésions cérébrales irréversibles, arrêt cardiaque, décès.
Si vous êtes parent ou éducateur, sachez que ce n'est pas seulement l'attrait du danger qui motive ces gestes. Il s'agit souvent d’un besoin intense d’éprouver son corps, de franchir les frontières du vivant, ou encore de trouver un apaisement face à un stress émotionnel silencieux.
Ce qui rend ces jeux encore plus périlleux, c’est qu'ils sont parfois pratiqués en solitaire, à l’abri des regards, empêchant toute intervention en cas de perte de conscience.
La violence physique ou psychologique devient alors un outil pour appartenir, pour cimenter le groupe.
Si vous êtes confronté à ces situations, vous verrez parfois un groupe d’élèves cibler un pair : le soumettre à des coups, des humiliations, ou à des défis brutalisants sous couvert de "jeu".
Le plus troublant est que tout cela est souvent banalisé : "c'était pour rire", "il fallait bien jouer le jeu".
Pourtant, sur le plan psychique, les séquelles peuvent être profondes : traumatismes, perte de confiance en soi, isolement social, voire installation d’un syndrome de stress post-traumatique.
Ces jeux témoignent également d’une défaillance collective de l’empathie, où la souffrance de l’autre est invisibilisée au profit de la cohésion du groupe.
Sauter d’un toit, se filmer dans des situations périlleuses, relever des défis mettant en péril leur intégrité physique ou psychique : l’adrénaline et la recherche de visibilité immédiate prennent souvent le pas sur toute considération de sécurité.
Si vous accompagnez des adolescents, soyez attentif : derrière ces conduites spectaculaires, se cache parfois une fragilité narcissique, un besoin d’exister dans le regard de l’autre pour compenser une insécurité intérieure douloureuse.
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Ces pratiques trouvent leur origine dans des dynamiques psychiques complexes, où se croisent besoins développementaux, vulnérabilités émotionnelles et influences sociétales.
Dans cette dynamique, le corps devient un terrain d'expérimentation identitaire. Se confronter aux extrêmes n'est pas seulement un besoin de sensations fortes : c'est souvent une manière de se sentir vivant, d’affirmer son passage vers l'âge adulte.
Cette quête corporelle est en soi normale et saine. Ce qui devient inquiétant, c’est l'absence d’un cadre protecteur, ou l’escalade du risque, lorsque la mise en danger de soi-même devient un moyen, et non plus un simple accident du parcours.
Dans cet environnement, les jeux dangereux peuvent rapidement devenir des épreuves initiatiques : franchir les limites interdites pour prouver qu’on appartient à la communauté, pour se hisser au rang de ceux qui osent.
Refuser de participer, c’est risquer le rejet, l’exclusion. Accepter, c’est parfois gagner une place au sein du groupe, être reconnu, admiré, ne serait-ce que pour un temps.
Vous devez savoir que derrière chaque défi relevé se cache souvent une angoisse profonde d’abandon : perdre la face, c’est risquer de perdre son identité sociale naissante.
Dans ce contexte, le groupe devient une instance de validation identitaire, parfois au détriment de l’instinct de préservation.
Soyez attentif si vous accompagnez un jeune présentant :
Dans certains cas, s’exposer au danger est pour ces jeunes un moyen de reprendre un sentiment de contrôle, face à une existence qu'ils perçoivent comme morcelée ou insignifiante.
Lorsque vous voyez un jeune fasciné par ces contenus, rappelez-vous que derrière ce comportement se cache souvent le besoin d’être vu, reconnu, valorisé.
Les réseaux sociaux offrent une visibilité immédiate : un exploit, un défi filmé, quelques centaines de "likes", et l'illusion d’exister intensément à travers le regard d'autrui.
Mais dans ce contexte, la fonction constructive du risque – celle qui pousse à grandir, à se dépasser sainement – est court-circuitée. La prise de risque devient alors une quête effrénée de reconnaissance éphémère, où l’enfant ou l’adolescent risque de se transformer en objet de son propre spectacle, au mépris de sa sécurité et de son bien-être.
Les dommages physiques, psychologiques et sociaux associés aux jeux dangereux exigent une attention sérieuse et une action préventive forte.
Chaque accident, chaque drame, rappelle que ce qui se joue n’est jamais anodin, et que protéger les enfants passe par une vigilance quotidienne.
Ce qu'un jeune n'arrive pas toujours à dire, son corps, ses émotions et ses comportements peuvent l'exprimer. Votre vigilance, votre écoute attentive, votre capacité à accueillir sans juger seront des leviers essentiels pour l'aider à surmonter ce vécu.
En restant attentif à ces dynamiques, en intervenant rapidement, vous contribuez à restaurer un climat sécurisant, où l'intégrité physique et psychologique de chacun est une priorité.
Il est également important de savoir que certains effets n’apparaissent pas immédiatement.
Ne jamais sous-estimer l’après-coup psychologique. Soyez disponible, proposez des espaces de parole, même si l’enfant semble "aller bien". Car parfois, la douleur la plus profonde est celle qui ne trouve pas encore de mots.
Votre vigilance bienveillante peut faire toute la différence. Encore faut-il savoir quoi observer, et surtout comment réagir avec justesse.
Ces symptômes ne prouvent rien à eux seuls. Mais ils méritent toujours d’être accueillis avec attention, en cherchant à comprendre ce qui pourrait se cacher derrière.
Observez les changements de rythme, d'attitude, de rapport aux autres. Ce sont souvent eux qui parlent le plus.
Si vous percevez ce type de signaux, osez créer un espace de parole rassurant, sans jugement, où l'enfant ou l'adolescent pourra se sentir suffisamment en sécurité pour parler.
Dans le doute, privilégiez toujours le dialogue ouvert, sans accusation ni pression. Une simple question posée avec douceur peut parfois ouvrir une porte que la peur avait fermée.
Pour agir efficacement, sans renforcer l’angoisse ou la défiance, trois attitudes clés peuvent vous guider : informer, contenir, accompagner.
Expliquez clairement ce que sont ces pratiques, ce qu’elles peuvent entraîner, mais sans faire peur inutilement. Choisissez des mots simples, adaptés à l’âge de l’enfant ou du jeune, et laissez-lui la possibilité de poser ses questions.
Rappelez-lui que refuser un défi dangereux n’est pas un signe de faiblesse, mais une preuve de courage et de maturité. En créant un espace de parole sécurisant, vous l’aidez à se sentir écouté et soutenu.
Votre rôle est de poser un cadre clair, en rappelant sans ambiguïté que la mise en danger de soi ou d'autrui n’est pas acceptable. Mais il est tout aussi important de montrer que vous restez présent et fiable, même face à des comportements décevants ou inquiétants.
Contenir, ce n’est pas réprimer. C’est offrir un appui solide, un repère stable, là où le jeune a pu expérimenter le vertige du vide.
Dans certains cas, un accompagnement psychologique sera nécessaire pour permettre au jeune de surmonter l’événement sans laisser de traces durables.
N’hésitez pas à solliciter les équipes éducatives ou les professionnels de santé pour construire une réponse adaptée. Ensemble, vous pourrez redonner au jeune des moyens sains de s'affirmer, de s’intégrer, et de renforcer son estime de soi autrement que par la mise en danger.
Les jeux dangereux ne sont pas de simples actes de défi ou de provocation. Ils révèlent souvent des besoins profonds, des tensions silencieuses, des appels à exister autrement.
En observant ces conduites, vous êtes invités à vous poser d’autres questions :
Que cherche-t-il à éprouver ? À qui veut-il prouver sa valeur ? Quel vide intérieur essaie-t-il de combler ? Quel lien tente-t-il de tisser ou de retisser ?
Comprendre cela, c’est refuser de réduire l’enfant à ses actes. C’est reconnaître qu’il cherche, parfois de façon maladroite et dangereuse, à trouver un sens à son être au monde.
Si vous percevez que votre enfant prend des risques pour être vu, reconnu, intégré, sachez que ce besoin n’est pas en soi pathologique. C’est son mode d’expression qui peut l’être.
Votre rôle est de valoriser d’autres formes de reconnaissance : valoriser ses efforts, ses talents, son authenticité, sans qu’il ait besoin de se mettre en danger pour exister aux yeux d’autrui.
En tendant l'oreille à ces appels parfois silencieux, vous permettez au jeune de trouver d’autres chemins pour se sentir vivant, relié, important, sans passer par le corps blessé ou l’épreuve du vide.
Regarder au-delà du symptôme, c’est offrir à l’enfant l’opportunité de se raconter autrement que par la mise en danger, et c’est, peut-être, lui éviter bien des blessures invisibles.
Chaque jeune que vous accompagnez dans cette traversée délicate gagne ainsi en maturité, en conscience de soi, et en solidité intérieure.
En protégeant le corps, vous aidez aussi à construire l’esprit. En écoutant le symptôme, vous ouvrez la voie vers une parole plus libre, plus vivante.
Et surtout, n’oubliez jamais : ce n’est pas en supprimant le risque que l’on construit des adultes responsables, mais en leur apprenant à l’évaluer, à le nommer, à le respecter.
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Des cas ont été observés dès la maternelle. Les enfants peuvent être exposés à des pratiques comme le jeu du foulard ou des défis d'asphyxie, souvent par mimétisme ou curiosité. Il est essentiel de sensibiliser dès le plus jeune âge aux risques associés à ces comportements pour prévenir toute tentative.
Utilisez des mots simples pour expliquer les risques et encouragez le dialogue. Posez des questions ouvertes pour comprendre ce qu'il sait et ressens. L'objectif est de créer un climat de confiance où l'enfant se sent libre de parler de ses expériences et préoccupations.
La présence d'objets inhabituels (cordes, foulards) ou un intérêt soudain pour des vidéos de défis peuvent également être des indicateurs. Une communication ouverte est essentielle pour détecter et prévenir ces comportements.
Cependant, une implication répétée peut être le signe d'un mal-être sous-jacent. Il est important de rester attentif et, si nécessaire, de consulter un professionnel de santé mentale.
Un jeu dangereux, en revanche, expose l'enfant à des risques graves sans bénéfices éducatifs, comme le jeu du foulard. La clé est la présence d'un adulte, la connaissance des risques et la capacité de l'enfant à évaluer la situation.
Des défis viraux incitent les jeunes à reproduire des comportements à risque pour obtenir des "likes" ou de la reconnaissance. Il est crucial d'éduquer les enfants à une utilisation responsable des médias sociaux et de discuter des conséquences de ces défis.
Contactez immédiatement l'établissement scolaire pour signaler l'incident. Une collaboration avec les enseignants, le personnel médical scolaire et, si nécessaire, un psychologue, permettra de prendre en charge la situation et de prévenir d'autres incidents.
Des associations comme l'APEAS offrent également des outils et des interventions en milieu scolaire. Il est recommandé de se rapprocher de l'établissement scolaire de votre enfant pour connaître les actions mises en place et participer aux initiatives de sensibilisation.
Cependant, une augmentation est souvent observée à l'adolescence, période de recherche d'identité et de prise de risque. La vigilance doit être constante, quel que soit le contexte, car aucun enfant n'est à l'abri de ces pratiques.
Discutez régulièrement des valeurs familiales et des limites. Enseignez-lui des stratégies pour résister à la pression et pour demander de l'aide en cas de besoin. Une communication ouverte et un soutien constant renforcent la capacité de l'enfant à faire face aux influences négative.