Pourquoi la peur de l'engagement nous paralyse-t-elle autant ?
18/4/2025

Pourquoi la peur de l'engagement nous paralyse-t-elle autant ?

S’engager, ce mot a priori banal, soulève pourtant des tempêtes intérieures. Il évoque autant la promesse que l’emprisonnement, la fidélité que le renoncement. Pourquoi un acte qui devrait rimer avec confiance, maturité et épanouissement suscite-t-il autant d’angoisse, de retrait ou de rejet ? Pourquoi l'engagement amoureux, professionnel ou même amical est-il aujourd’hui si souvent repoussé, évité, diabolisé ? Ce paradoxe mérite qu'on s’y arrête.

Le vertige de choisir : quand s'engager devient une épreuve

Choisir, c’est renoncer. Et s’engager, c’est souvent être confronté à cette peur archaïque : celle de refermer des portes, d’abandonner d’autres possibles.

Dans une société qui valorise le mouvement, l’ouverture, la polyvalence et la disponibilité permanente, s’engager, c’est se fixer. Et cela peut donner le vertige.

Pourquoi cette peur de l'engagement est-elle aussi fréquente aujourd’hui ? Parce qu’elle touche à un point de friction central : le conflit entre liberté et lien. D’un côté, nous aspirons à la connexion, à l’intimité, à l’ancrage. De l’autre, nous revendiquons notre indépendance, notre individualité, notre capacité de fuite.

Engagement et pression sociale : un duo toxique ?

Il ne suffit pas d’avoir peur. Encore faut-il affronter les regards extérieurs.

Dans notre culture, s’engager, c’est souvent répondre à une norme. Un couple sans projet de mariage ? On questionne sa solidité. Un trentenaire sans CDI ? On soupçonne une immaturité. Une personne célibataire heureuse ? On s’interroge sur son équilibre.

La pression sociale autour de l'engagement est omniprésente. Elle crée un double piège : ceux qui s'engagent peuvent se sentir coincés dans une image qu’ils doivent maintenir. Ceux qui refusent ou hésitent sont jugés, marginalisés, infantilisés.

S'engager, est-ce perdre sa liberté ?

C’est la grande question existentielle.

Pour beaucoup, l'engagement est vécu comme une entrave : une limitation de leurs choix, un cadre imposé, voire une aliénation douce mais réelle.

Cette vision repose sur une équation erronée mais ancrée : plus je m’engage, moins je suis libre.

Mais qu’en est-il réellement ? L’engagement, dans sa forme saine, peut justement être un acte de liberté suprême : celui de choisir consciemment une direction, une personne, un projet. Ce n’est pas la liberté de tout faire, mais celle de se consacrer, de s’investir, de construire.

« La liberté ne consiste pas à fuir le lien, mais à le choisir en connaissance de cause. »

Pourquoi la peur de l'engagement affectif est-elle si forte ?

Parler d'engagement, c’est souvent évoquer le couple, l’amour, le lien intime.

Et dans ce domaine, les peurs explosent. Pourquoi est-il si difficile de s’engager en amour ?

Beaucoup traînent des cicatrices émotionnelles. Des ruptures douloureuses, des trahisons, ou simplement des modèles parentaux dysfonctionnels. Quand on a vu ses parents s’entredéchirer, ou au contraire, fusionner à en perdre leur identité, il est difficile d’entrer en relation sans crainte de répétition.

Derrière chaque peur de l'engagement amoureux, il y a souvent une peur de revivre l’abandon, de se faire engloutir, de souffrir à nouveau.

Quand le passé sabote notre présent

Nos modèles d’attachement, façonnés dès l’enfance, influencent directement notre capacité à nous engager.

Un enfant ayant grandi dans un environnement instable peut devenir un adulte hypersensible au rejet, au contrôle, à la dépendance.

Ainsi, certains fuient l’engagement non par choix, mais par réflexe de protection. Ce qui se joue, ce n’est pas un refus conscient, mais une mémoire traumatique. L’engagement réactive une ancienne douleur : celle de ne pas être assez aimé, reconnu, ou d’avoir été trahi.

« On ne fuit pas l’amour, on fuit ce qu’il ravive en nous. »

Peut-on s'engager sans se perdre ?

Bonne nouvelle : oui. Mais cela demande un travail de conscience.

Il ne s’agit pas de dire « oui » à tout, de se sacrifier, de se fondre dans l’autre. Il s’agit de définir un cadre relationnel qui respecte l’altérité, qui autorise le désaccord, qui protège l’espace personnel.

Certains couples, certaines amitiés, certains projets professionnels permettent cet équilibre subtil entre le “nous” et le “je”. Cela implique de savoir poser des limites, d’apprendre à communiquer, à nourrir le lien sans s’y dissoudre.

Le non-engagement est-il une solution ?

Refuser de s’engager, c’est séduisant.

On reste libre, léger, sans comptes à rendre. Mais cette liberté apparente peut cacher une grande solitude.

Le non-engagement est souvent un refuge : on évite la déception, la douleur, l’échec. Mais on évite aussi la construction, la durabilité, la profondeur. Refuser de choisir, c’est parfois laisser la vie choisir pour nous.

Engagement subi ou choisi : quelle différence ?

Tous les engagements ne se valent pas.

Il y a ceux que l’on choisit avec cœur, conscience et liberté. Et ceux que l’on subit, par peur d’être seul, par pression familiale, par habitude.

Un engagement subi peut vite devenir une prison intérieure, un lieu d’étouffement psychique. Il alimente les ressentiments, la frustration, la fuite. À l’inverse, un engagement choisi est une expansion de soi. Il nous relie à quelque chose de plus grand, de plus signifiant.

Peut-on réinventer l’engagement ?

C’est peut-être là la clé. Et si le problème n’était pas l’engagement lui-même, mais notre manière de le penser ? S’il ne s’agissait pas de renoncer, mais de reformuler ?

Nous avons besoin d’inventer des formes d’engagement modernes, souples, évolutives, qui tiennent compte de l’individualité, de l’autonomie, des transformations de la vie. Des liens où l’on puisse se réajuster, rediscuter, négocier.

Redéfinir l’engagement, c’est oser dire :
— je choisis d’être ici, avec toi, avec ce projet,
— non pas pour toujours, mais pour maintenant,
— non pas parce que j’y suis contraint, mais parce que j’y trouve du sens.

En conclusion : et si s’engager, c’était vivre plus intensément ?

L’engagement, loin d’être un enfermement, peut devenir un acte de présence au monde.

Un moyen de sortir de la passivité, du zapping permanent, pour habiter pleinement une relation, une cause, une mission.

C’est une aventure risquée, oui. Il y aura des doutes, des tensions, des ajustements. Mais aussi des rencontres profondes, des transformations, des victoires intimes.

Le vrai danger n’est pas dans l’engagement. Il est dans le non-choix, dans cette vie tiède où l’on ne se risque jamais à aimer, créer, défendre, bâtir.

Alors, et vous ? Que pourriez-vous créer si vous osiez vous engager ?

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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