Qu'est-ce qu'un Glass Child ?
17/6/2025

Qu'est-ce qu'un Glass Child ?

Dans certaines familles, un enfant mobilise toute l’attention en raison d’une maladie, d’un handicap ou d’un trouble sévère. Et pendant ce temps, un autre enfant s’efface, sans faire de bruit. On l’appelle le glass child — l’enfant de verre. Non pas parce qu’il est fragile, mais parce qu’on le traverse du regard, sans le voir. Il devient le "bon élève", l'enfant parfait, sage comme une image, celui qui ne dérange pas, au prix de ses besoins niés. Ce qui suit explore le vécu silencieux de ces enfants oubliés, leur résilience discrète, et l’importance de leur offrir enfin une place à part entière dans la famille.

Table des matières

En bref…

Avant de plonger en détail dans le vécu des "glass children", résumons.
Ce terme désigne les enfants ayant grandi dans une famille où un frère ou une sœur était porteur d’un trouble grave : maladie, handicap, addiction, autisme, trouble psychique sévère… Loin d’être épargnés, ces enfants ont souvent appris à faire silence sur leurs propres besoins. Invisibles, mais pas indemnes, ils sont nombreux à porter les traces silencieuses d’un déséquilibre familial.
Allez, c’est parti…

Lorsque j’ai reçu Camille, 27 ans, elle m’a dit ceci, presque en s’excusant : « Je ne sais pas ce que je fais ici. J’ai eu une enfance normale. C’est mon frère qui allait mal, moi j’étais… la gentille. » Au fil des séances, des failles sont apparues. Une adolescence à s’effacer. Des crises d’angoisse qu’elle n’osait pas nommer. Un sentiment confus : avoir toujours été vue sans être regardée. Comme si son rôle, depuis toujours, avait été de ne pas déranger.

Quelques chiffres francophones

  • Environ 1 famille sur 20 a un enfant porteur d’un handicap ou d’un trouble neurodéveloppemental sévère (source : Insee, 2021).
  • Selon une étude de l’AFSA (Association française du syndrome d’Angelman), plus de 70 % des fratries rapportent avoir mis de côté leurs propres besoins dans l’enfance.
  • Moins de 30 % des parents disent s’être interrogés sur l’impact de la maladie de l’un de leurs enfants sur les frères et sœurs.

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Pourquoi parle-t-on d’un enfant de verre ?

Le terme "glass child", littéralement enfant de verre, ne fait pas référence à une fragilité personnelle.

Il évoque plutôt une transparence relationnelle : ce sont des enfants à travers lesquels on regarde, sans vraiment les voir.

Dans les familles où un enfant mobilise toute l’attention — en raison d’un handicap, d’un trouble du comportement, ou d’une pathologie grave — le frère ou la sœur "ne posant pas de problème" devient le bon élève, le discret, le raisonnable. Il s’adapte, se tait, et attend.

Ce que l’on voit ? Leur calme. Ce que l’on ne voit pas ? Leur solitude.

L’image du verre traduit aussi l’absence de filtres protecteurs : le glass child est souvent exposé aux conflits, à l’angoisse parentale, aux scènes violentes ou aux crises de l’enfant "prioritaire", sans qu’on ne le protège ou ne l’accompagne dans ce qu’il vit. Il devient un témoin silencieux des drames familiaux, avec cette consigne implicite : tu es fort(e), tu n’as pas besoin d’aide.

Et parce qu’il ne casse pas, on oublie qu’il peut se fissurer.

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Quels sont les signes typiques d’un glass child ?

Chaque enfant est unique, mais lorsqu’on écoute les récits de ceux qui ont grandi dans l’ombre d’un frère ou d’une sœur malade, des traits récurrents émergent.

Ces enfants, devenus adultes, parlent souvent de leur adaptabilité précoce, de leur besoin de ne pas déranger, et d’un rôle qu’ils n’ont pas choisi : celui d’être "celui qui va bien".

🎭 Les masques du glass child :

  • La maturité précoce : Il devient très vite autonome, raisonnable, et sage. Il comprend qu’il ne faut pas "en rajouter".
  • La loyauté silencieuse : Il défend ses parents, comprend leur fatigue, accepte que ses besoins passent après.
  • Le rôle de confident ou de parent : Il peut s’occuper de l’enfant malade, consoler ses parents, anticiper les tensions.
  • L’effacement de soi : Il intériorise très tôt l’idée qu’il ne doit pas se plaindre, ni exister trop fort.
  • Une ambivalence douloureuse : Il aime profondément son frère ou sa sœur, mais peut ressentir jalousie, colère, voire haine, sans jamais oser l’avouer.

🧨 Et plus tard…

À l’âge adulte, ces enfants peuvent :

  • chercher sans cesse à faire plaisir,
  • culpabiliser d’exister ou de réussir,
  • avoir des difficultés à identifier leurs besoins,
  • vivre des relations déséquilibrées, voire toxiques,
  • développer des troubles anxieux, dépressifs, ou somatiques, sans faire le lien avec leur passé.

En apparence solides, ils ont appris à tenir bon. Mais ce sont souvent des "bons soldats" épuisés à force d’avoir tout supporté sans jamais rien dire.

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Quelles sont les blessures invisibles des glass children ?

Les glass children ne sont pas toujours conscients de ce qu’ils ont traversé.

Ils ont souvent grandi en niant leur propre douleur, pensant que leur souffrance n'était pas légitime, comparée à celle de l’enfant malade. Pourtant, ces blessures, non reconnues et non dites, laissent des traces profondes.

💔 Ce qu’ils n’ont pas reçu

  • Une attention équitable : Leurs émotions ont été minimisées ou ignorées.
  • Un espace à eux : Le foyer était saturé par les besoins de l’autre.
  • Le droit de se plaindre : Ils ont intégré que "ça pourrait être pire", alors ils ont tout gardé pour eux.
  • Une reconnaissance de leur rôle : On les a souvent félicités pour leur sagesse, sans jamais entendre leur solitude.

🕳️ Ce qu’ils ont développé à la place

  • Un sentiment de non-légitimité à souffrir.
  • Une tendance à s’oublier pour les autres, jusqu’à l’épuisement.
  • Un besoin constant d’être irréprochable, pour ne jamais "devenir un problème".
  • Des anxieux discrets, des dépressifs fonctionnels, qui vont mal sans que personne ne s’en doute.

Une blessure invisible n’est pas moins douloureuse. Elle agit en silence, sous la peau du souvenir, et parfois, c’est le corps qui parle à sa place.

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Comment reconnaître et accompagner un glass child ?

Les glass children ne réclament rien.

Ils sourient, rassurent, s’occupent, et disent souvent "ça va". C’est justement ce calme apparent qui devrait nous alerter.

Car quand un enfant va toujours "trop bien" dans une famille en détresse, il se peut qu’il se soit mis en retrait, de peur de prendre trop de place.

🕯️ Quelques signaux à repérer :

  • Il ne demande jamais d’aide, même quand il est malade, triste ou stressé.
  • Il joue le rôle du médiateur, du soutien, du petit adulte.
  • Il évite les conflits et ne partage pas ses émotions.
  • Il semble toujours compréhensif, mais montre des signes de fatigue, d’angoisse ou de repli.
  • Il a parfois peur de réussir ou de briller, par loyauté envers l’enfant souffrant.

🤝 Comment l’accompagner avec justesse :

  • Reconnaître son rôle dans la dynamique familiale sans le valoriser excessivement.
  • Lui redonner une place d’enfant, en lui rappelant qu’il n’a pas à tout gérer.
  • Ouvrir un espace d’écoute rien que pour lui, sans évoquer sans cesse le frère ou la sœur malade.
  • Valider ses émotions, même celles jugées inavouables (jalousie, colère, soulagement…).
  • L’orienter vers un soutien thérapeutique, individuel ou familial, si le besoin se fait sentir.

Ce n’est pas l’enfant qui est trop sage : c’est souvent la famille qui ne lui a pas laissé d’autre choix.

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Et ensuite ? Offrir à ces enfants une reconnaissance tardive… mais essentielle

On ne naît pas glass child — on le devient, par loyauté, par amour, par nécessité.

Grandir dans un contexte où l'autre a besoin de toute l’attention laisse peu d’espace pour soi.

Mais il n’est jamais trop tard pour nommer ce vécu, reconnaître les blessures silencieuses, et redonner une voix à celui ou celle qu’on a été.

La reconnaissance du passé ne change pas l’histoire, mais elle permet d’en guérir les cicatrices.

Que vous soyez parent, thérapeute ou concerné par ce vécu, rappelez-vous : un enfant trop sage est parfois un enfant qui souffre sans bruit.

« Le problème, ce n’est pas ce que l’on a vécu, c’est ce qu’on n’a pas pu dire. »
— Boris Cyrulnik

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Questions fréquentes sur les glass children (enfants de verre)

Qu’est-ce qu’un glass child en psychologie ?

Un glass child est un enfant qui a grandi aux côtés d’un frère ou d’une sœur avec un handicap, une maladie grave ou un trouble sévère, et dont les besoins ont été invisibilisés.

Il devient « l’enfant qui ne pose pas de problème », sage, discret, mature… mais souvent au prix de sa propre souffrance. Transparent aux yeux de l’entourage, il se rend invisible pour ne pas déranger. Ce rôle laisse des blessures invisibles qui peuvent resurgir à l’âge adulte.

Quels sont les signes qu’un enfant est un glass child ?

Un glass child ne se plaint jamais, aide beaucoup, rassure les adultes, et ne montre pas ses émotions.

Il joue souvent le rôle de médiateur dans la famille. Il peut sembler très mature, mais cette sagesse précoce est souvent le masque d’une profonde solitude. À l’adolescence ou à l’âge adulte, cela peut se traduire par de l’anxiété, une difficulté à dire non, ou un sentiment d’inexistence intérieure. Le "trop sage" est parfois celui qui souffre en silence.

Est-ce que les glass children deviennent dépressifs à l’âge adulte ?

Oui, c’est fréquent.

Le fait d’avoir été mis de côté émotionnellement, de s’être suradapté toute l’enfance, peut créer un terrain propice à la dépression. Le glass child a souvent refoulé ses émotions et n’a jamais appris à reconnaître ses propres besoins. Cela peut conduire à une tristesse chronique, une fatigue émotionnelle, ou un sentiment de vide. Heureusement, un accompagnement thérapeutique peut permettre d’en sortir et de réparer ces blessures enfouies.

Comment savoir si j’ai été un glass child ?

Si vous avez toujours été "l’enfant parfait", celui qui ne faisait pas de vagues, que vous avez grandi dans une famille où un autre enfant concentrait toute l’attention, et que vous avez le sentiment d’avoir été oublié, il est possible que vous ayez été un glass child.

D’autres signes peuvent inclure une hyper-adaptabilité, un besoin de plaire à tout prix, une culpabilité à exister ou à réussir, et une tendance à vous oublier pour les autres.

Peut-on guérir quand on a été un glass child ?

Oui, tout à fait. Il n’est jamais trop tard pour entamer un travail de réparation.

Cela commence par reconnaître ce que vous avez vécu : non, vous n’exagérez pas. Ensuite, un accompagnement thérapeutique peut vous aider à remettre de la lumière sur cette part de vous qui a appris à se taire. Guérir, c’est aussi vous autoriser à exister, à dire non, à ressentir. Ce processus demande du temps, mais il peut transformer durablement votre rapport à vous-même.

Que ressent un glass child envers son frère ou sa sœur malade ?

Un mélange d’amour, de loyauté… et parfois de colère, de jalousie ou de rancune.

Et c’est tout à fait humain. Le glass child se sent souvent coupable de ces émotions, car il pense qu’il n’a pas le droit de les éprouver. Il aime profondément son frère ou sa sœur, mais a aussi souffert de ne pas exister à côté. Ces sentiments ambivalents méritent d’être entendus et accueillis, sans jugement. Ils sont la clé d’une réparation affective.

Est-ce que le glass child peut en parler à ses parents ?

Oui, mais cela peut être délicat. Souvent, les parents n’ont pas mesuré l’impact de la situation familiale sur l’autre enfant.

Ouvrir le dialogue peut être libérateur, à condition que l’espace soit suffisamment sécurisé. Parfois, une thérapie familiale ou une médiation avec un professionnel permet de mettre les mots justes, sans accusation. Ce n’est pas une mise en cause, c’est une demande de reconnaissance. Dire « moi aussi, j’ai souffert » est un acte profondément réparateur.

Ce rôle de glass child peut-il influencer la vie amoureuse ?

Oui, très souvent. Un ancien glass child peut avoir du mal à s’affirmer, à poser ses limites, ou à croire qu’il a droit à l’amour pour lui-même.

Il peut tomber dans des relations déséquilibrées, où il donne beaucoup sans recevoir. Parfois, il rejoue inconsciemment le rôle de l’aidant, ou s’efface pour ne pas déranger. Mais en prenant conscience de ces mécanismes, il est possible de construire des relations plus équilibrées, plus nourrissantes, et plus justes.

Comment aider un enfant qui est glass child ?

Commencez par lui accorder un temps à lui, sans évoquer son frère ou sa sœur. Valorisez son ressenti, même s’il exprime des choses difficiles.

Dites-lui qu’il a le droit d’être triste, jaloux, ou en colère. Ne le chargez pas de responsabilités d’adulte. Si besoin, proposez-lui un espace thérapeutique pour qu’il puisse parler librement, en dehors du système familial. L’aider, c’est lui redonner sa juste place : celle d’un enfant, avec ses propres besoins.

Existe-t-il des ressources ou des livres sur les glass children ?

Le terme glass child est encore peu connu en France, mais on trouve des ressources précieuses dans les domaines de la fratrie, du handicap et de la parentalité différenciée.

Des témoignages sont disponibles en anglais (sur YouTube ou dans des articles de psychologie). Certains ouvrages sur les fratries invisibilisées évoquent ce vécu. Et bien sûr, un·e psychologue spécialisé·e en thérapie familiale ou individuelle pourra vous guider dans vos recherches et votre parcours.

En guise de conclusion

Si vous avez été, ou êtes encore, un glass child, rappelez-vous ceci :
Ce n’est pas parce que vous avez tenu sans bruit que vous devez continuer à souffrir en silence.
Vous avez le droit d’exister. De ressentir. De parler. Et d’être entendu.

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Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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