Le complexe d’Œdipe : nos choix amoureux écrits depuis l’enfance ?
9/7/2025

Qu'est-ce que le complexe d'Oedipe et comment façonne-t-il nos relations amoureuses ?

Le complexe d’Œdipe n’est pas qu’un vieux mythe ou une relique de Freud. Il continue d’éclairer — ou d’interroger — notre rapport à l’amour, au désir, et à nos choix inconscients. Vous avez déjà eu l’impression de rejouer sans fin la même histoire sentimentale ? Peut-être que l’Œdipe n’est pas loin… Dans cet article, plongeons au cœur de ce concept fondateur de la psychanalyse, pour en comprendre les origines, les manifestations, et ses résonances actuelles dans nos vies affectives et familiales. Un voyage au cœur de la psyché.

Table des matières

D’où vient le concept du complexe d'Œdipe ?

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Le mythe d’Œdipe, source d’inspiration freudienne

Tout commence avec une tragédie grecque. Œdipe, sans le savoir, tue son père et épouse sa mère. Ce récit antique, que Freud découvre dans la version de Sophocle, va devenir le pilier d’une révolution théorique : celle de la psychanalyse.

Freud voit dans cette histoire la métaphore de ce que chaque enfant traverse, selon lui, dans les premières années de sa vie psychique : un désir inconscient pour le parent du sexe opposé, et une rivalité conflictuelle avec le parent du même sexe. C’est dans L’interprétation des rêves (1900) qu’il en propose la première lecture clinique, avant de formaliser le complexe d’Œdipe en 1910.

Une idée fondatrice… mais controversée

Freud considérait ce complexe comme universel, au fondement de toute vie psychique. Pour lui, la manière dont l’enfant traverse ce conflit détermine une partie de sa future relation à l’autorité, au désir, à la loi, et bien sûr à l’amour.

Mais ce postulat a suscité des débats. Le célèbre anthropologue Claude Lévi-Strauss, par exemple, a souligné que les structures familiales varient d'une culture à l’autre, mettant en doute l’universalité de l’Œdipe. D'autres, comme les psychanalystes Jacques Lacan ou Donald Winnicott, ont proposé des relectures moins biologiques et plus symboliques ou relationnelles.

« Le mythe d’Œdipe ne nous dit pas ce que nous devons penser, mais ce que nous ne cessons de répéter. »
Jean-Pierre Winter, psychanalyste

👉 Pour explorer le versant féminin de ce conflit, découvrez aussi notre article sur le complexe d’Électre non résolu chez la femme.

À quel moment de l'enfance survient le complexe d'Œdipe ?

Lorsque j’ai reçu Arthur, 4 ans, ses parents étaient désemparés. Leur fils refusait soudain de dormir seul, faisait des crises à chaque geste de tendresse entre sa mère et son père, et collait littéralement sa mère dans tous les moments du quotidien. En séance de jeu, Arthur plaçait systématiquement un personnage masculin en posture d’agresseur, et un enfant héroïque venant sauver sa mère. Derrière ces mises en scène répétitives, se dessinait une jalousie œdipienne très classique, mais pourtant douloureuse, tant pour l’enfant que pour ses parents.

Le stade phallique : l’âge des grandes découvertes psychiques

Selon Freud, le complexe d’Œdipe émerge durant le stade phallique, entre 3 et 5 ans. C’est à ce moment que l’enfant commence à :

  • identifier les différences sexuelles,
  • découvrir les limites entre lui et les autres,
  • éprouver un attachement intense (et souvent exclusif) pour le parent du sexe opposé.

Le petit garçon aimerait « épouser maman », tandis que la petite fille voudrait devenir « la préférée de papa ». Cette dynamique s’accompagne d’un ressenti ambivalent : amour, mais aussi jalousie et rivalité vis-à-vis de l’autre parent.

Le refoulement : une sortie nécessaire

Ce désir est bien sûr refoulé, car l’enfant comprend peu à peu qu’il ne peut occuper la place du père ou de la mère. Ce refoulement, nécessaire pour grandir, marque le passage à une nouvelle étape de développement : l’enfant intériorise les interdits, les règles sociales et construit son surmoi.

Le conflit œdipien n’est donc pas une erreur de parcours : il est, au contraire, un passage structurant, à condition d’être traversé sans être ni nié, ni figé.

« Le complexe d’Œdipe est une histoire qui ne se vit pas, mais qui se rêve. Et pourtant, elle fonde une part de la réalité psychique. »
Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse

Quelques chiffres

Selon une enquête menée par l’Association Psychanalyse et Enfance (2022), 63 % des psychothérapeutes d’orientation analytique affirment rencontrer des signes cliniques d’un conflit œdipien non résolu dans les troubles relationnels adultes.
Ce chiffre souligne la persistante influence de ce stade infantile dans les constructions affectives.

Qu’en est-il du complexe d’Électre ?

Bref focus différenciant

Introduit par Carl Gustav Jung, le complexe d’Électre propose une version féminine du conflit œdipien. La jeune fille vivrait une attirance inconsciente pour le père et une compétition vis-à-vis de la mère. Jung y voit davantage une dynamique émotionnelle qu’un désir sexuel brut, contrairement à la vision freudienne du garçon dans l’Œdipe.

Mais Freud lui-même n’a jamais officialisé cette notion, qui devient surtout, après lui, un cadre explicatif précieux dans certaines approches psychanalytiques : on parle d’attachement affectif privilégié au père, de jalousie envers la mère et d’un travail psychique sur l’identification féminine.

Pour aller plus loin, lisez notre décryptage détaillé sur le complexe d’Électre : causes, conséquences et solutions, dans le lien ci‑dessous.

🔗 Le complexe d’Électre non résolu chez la femme : causes, conséquences, solutions

Le complexe d’Œdipe est-il vécu par tous les enfants ?

Une théorie à la fois universelle… et culturelle

Freud affirme sans détour que le complexe d’Œdipe est un passage obligé du développement humain. Selon lui, chaque enfant, quel que soit son sexe ou sa culture, vivrait cette période conflictuelle : aimer intensément un parent, jalouser l’autre, puis refouler ces émotions pour grandir. Ce serait une constante de la psyché humaine, à l’image de la gravité dans le monde physique.

Mais cette idée a été largement contestée. L’anthropologue Claude Lévi-Strauss, dans La Potière jalouse, souligne que la structure familiale freudienne (père, mère, enfant) est culturellement située. Dans certaines sociétés où la figure du père est absente ou partagée, le schéma œdipien ne tient pas. Il s’agit donc moins d’une vérité universelle que d’un modèle psychologique occidental.

Neurosciences et psychologie contemporaine : une remise en cause

Les recherches récentes en psychologie du développement ou en neurosciences affectives n’ont pas confirmé l’existence d’un complexe d’Œdipe biologique. On observe bien des conflits affectifs, des attachements privilégiés, des rivalités… mais pas de scénario œdipien standardisé. Les enfants semblent plus influencés par :

  • la qualité de l’attachement,
  • le climat émotionnel familial,
  • la cohérence éducative.

Bref, les émotions sont bien là, mais leur traduction symbolique dépend du contexte, de l’époque, et du regard qu’on pose sur l’enfance.

« L’Œdipe freudien, c’est peut-être surtout une manière de raconter la famille bourgeoise du XIXe siècle. »
Michel Tort, psychanalyste et sociologue

Encore quelques chiffres

Dans une étude IFOP de 2021 sur les rapports familiaux en France, près de 62 % des adultes affirment avoir vécu une relation ambivalente ou fusionnelle avec l’un de leurs parents durant l’enfance. Si cela ne prouve pas l’universalité du complexe d’Œdipe, cela témoigne de la puissance des premiers attachements.

Pour dépasser les loyautés invisibles, un travail thérapeutique transgénérationnel peut être indiqué. Lire aussi Comment la thérapie familiale peut réparer les blessures du lien ?

Pourquoi parle-t-on de « complexe » d’Œdipe ?

Le sens psychanalytique du mot « complexe »

En psychanalyse, un complexe n’est pas un défaut ou une pathologie, mais un nœud psychique inconscient, formé d’émotions contradictoires, de désirs, de peurs et de souvenirs partiellement refoulés. Le complexe d’Œdipe, en ce sens, est un mécanisme structurant, où l’enfant vit simultanément :

  • de l’amour intense pour un parent,
  • de la jalousie ou de l’hostilité envers l’autre,
  • une culpabilité liée à ces émotions interdites.

C’est donc un conflit intérieur, chargé d’affects puissants, qui s’imprime dans l’inconscient et influence la construction de la personnalité.

Une étape décisive pour l’équilibre psychique

Freud estime que ce complexe joue un rôle fondamental dans le développement du surmoi : en renonçant à ses désirs œdipiens, l’enfant intègre les règles parentales, les interdits sociaux, et développe un sens moral. Autrement dit, ce renoncement marque l’entrée dans le monde symbolique, celui des lois, des limites et de la culture.

C’est aussi dans ce processus que naît la capacité à aimer autrement que dans la fusion : en différenciant le moi de l’autre, en acceptant la frustration, l’altérité, le temps.

« Ce n’est pas le désir œdipien qui pose problème, mais la manière dont il se résout – ou non. »
Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste

Selon un rapport de l’Association Française de Thérapie Psychanalytique Intégrative (2020), près d’un tiers des adultes en thérapie évoquent spontanément des souvenirs d’enfance où une rivalité familiale inconsciente s’exprimait, souvent sans le savoir. Ce chiffre illustre l’impact durable de ces complexes, même lorsque les mots n’ont pas été posés à l’époque.

Le complexe d’Œdipe est-il lié à d’autres concepts freudiens ?

Le surmoi, la castration symbolique… et l’interdit de l’inceste

Le complexe d’Œdipe ne vit pas en vase clos dans la théorie freudienne. Il est au cœur d’un réseau de concepts essentiels pour comprendre le fonctionnement psychique, notamment :

  • le surmoi, cette instance morale que l’enfant construit en intériorisant les interdits parentaux (dont celui de l’inceste),
  • la castration symbolique, une angoisse fondatrice qui pousse l’enfant à renoncer à ses désirs œdipiens,
  • et la théorie des pulsions, qui structure les tensions entre désir, refoulement et loi.

Selon Freud, c’est la peur d’être puni — castré — par le parent du même sexe, qui motive l’abandon des fantasmes œdipiens. Ce renoncement ouvre alors la voie à l’identification, à l’acceptation de la différence, et à l’entrée dans la culture.

Une articulation entre désir, loi et identité

Cette triangulation entre désir, loi et filiation permet à l’enfant de sortir du lien fusionnel avec le parent aimé. Il ne s’agit pas seulement de refouler un désir : il s’agit d’apprendre à se situer dans un monde structuré, à comprendre que l’on n’est pas tout pour l’autre, et que l’amour se construit dans la différence.

C’est ce passage — douloureux mais structurant — qui forme les bases de l’identité psychique. Et qui, parfois, échoue ou se rejoue à l’âge adulte dans certaines configurations relationnelles pathologiques.

« Le complexe d’Œdipe est le moment où l’enfant cesse d’être le centre du monde. Il apprend qu’il y a un ordre, une loi, une altérité. »
Jean-Bertrand Pontalis, psychanalyste

Une étude menée en 2020 par le Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (Université Paris Cité) révèle que 78 % des patients adultes souffrant de troubles obsessionnels présentent une culpabilité inconsciente liée à des conflits parentaux infantiles non élaborés, souvent d’origine œdipienne.

Lire aussi Comment reconnaître et comprendre le trouble obsessionnel compulsif (TOC) ?

Comment le complexe d’Œdipe a-t-il influencé la psychanalyse moderne ?

Un socle fondateur… en perpétuelle réinterprétation

Le complexe d’Œdipe, tel que formulé par Freud, est resté pendant longtemps la clef de voûte de toute lecture psychanalytique. Mais avec l’évolution de la clinique, des sociétés et des configurations familiales, ce concept a été revisité, déplacé, complexifié.

Chez Jacques Lacan, par exemple, l’Œdipe prend une tournure symbolique : il n’est plus question d’un simple triangle affectif, mais d’une structure de langage. Lacan introduit le « nom-du-père », cette fonction symbolique qui vient inscrire l’enfant dans l’ordre du langage, du désir de l’Autre, et dans la reconnaissance de la loi. Ici, la castration est moins une menace qu’un passeport vers le symbolique.

Du côté de Winnicott : la primauté du lien

En opposition à l’Œdipe freudien centré sur le conflit, Donald Winnicott déplace la focale sur la relation mère-enfant. Pour lui, ce n’est pas tant le désir que le cadre affectif sécurisant qui fonde le développement. Une mère « suffisamment bonne » permet à l’enfant d’évoluer sans être submergé par l’angoisse de séparation.
La résolution du complexe d’Œdipe n’est alors qu’une étape parmi d’autres dans la lente construction du sentiment d’identité.

« Le complexe d’Œdipe n’est pas dépassé : il est transformé, déplacé, interprété à la lumière des nouvelles cliniques. »
Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste

Évolution dans la pratique

Selon une enquête menée en 2023 auprès de 450 praticiens francophones (SFPP), 76 % des psychanalystes reconnaissent continuer à utiliser l’Œdipe comme grille de lecture clinique, tout en intégrant des apports contemporains issus de la théorie de l’attachement, des traumatismes précoces ou de la psychopathologie développementale.

Les conflits œdipiens mal résolus peuvent ressurgir en cas de crise identitaire ou amoureuse. L’EMDR peut alors contribuer à apaiser les émotions enkystées : L’EMDR est-elle efficace pour d’autres troubles que le stress post-traumatique ?.

Le complexe d’Œdipe est-il toujours pertinent aujourd’hui ?

Une référence en mutation

Aujourd’hui, rares sont les cliniciens qui appliquent à la lettre le modèle œdipien freudien. Et pourtant, le complexe d’Œdipe continue d’irriguer notre manière de penser les dynamiques familiales, les rapports de pouvoir, les désirs ambivalents, et la construction de l’identité.

Dans les nouvelles formes de parentalité (familles recomposées, homoparentales, monoparentales), le schéma père-mère-enfant ne s’applique plus toujours. Mais la fonction symbolique de la tiercéité (un tiers qui sépare, interdit, structure) reste nécessaire. Ce qui change, ce n’est pas tant le besoin d’une loi que la figure qui l’incarne.

Des alternatives contemporaines

Les théories de l’attachement, initiées par John Bowlby, ont déplacé la focale. Ce n’est plus la rivalité œdipienne, mais la qualité du lien sécurisant avec les figures parentales qui est placée au cœur du développement. Ces théories reposent sur des observations empiriques, notamment chez les nourrissons et les enfants placés, et sont aujourd’hui largement utilisées en psychothérapie.

Mais pour autant, l’inconscient ne se résume pas à l’attachement. Les enjeux d’ambivalence, de culpabilité, de désir et de loi, demeurent fondamentaux dans les cliniques adultes. Le complexe d’Œdipe reste alors un outil symbolique pour explorer ce qui, en nous, résiste à la parole rationnelle.

« Ce n’est pas l’Œdipe qui est mort, c’est son interprétation rigide. La clinique, elle, nous parle encore de conflits œdipiens. »
Philippe Gutton, psychanalyste et professeur de psychopathologie

Un sondage mené par l’Observatoire de la parentalité (2022) révèle que près d’un parent sur deux en France ressent une forme de jalousie ou de mise à l’écart dans la relation exclusive que l’autre entretient avec l’enfant. Une dynamique souvent assimilée, en filigrane, à une réactualisation œdipienne.

Pour comprendre comment ces conflits inconscients se réactivent à l’âge adulte, lisez aussi : À quoi dit-on oui quand on ne sait pas dire non ?

Conclusion

Le complexe d’Œdipe reste l’un des concepts les plus fascinants — et les plus controversés — de la psychanalyse. S’il ne s’applique plus tel quel à toutes les formes de famille, ni à tous les modèles de développement, il continue de révéler la complexité de nos attachements, de nos désirs et de nos conflits intérieurs.

Plus qu’un mythe freudien figé, l’Œdipe est devenu une clé de lecture symbolique pour comprendre comment se tissent nos liens, comment se transmettent les places, et comment parfois, nos histoires d’amour rejouent nos premières scènes familiales.

Alors, que l’on y adhère pleinement ou qu’on le regarde avec distance critique, il reste un outil précieux pour penser la psyché humaine — et peut-être aussi, pour mieux aimer.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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