Lorsqu'on parle de thérapie familiale, il est impossible de faire l'impasse sur le génogramme, cet outil riche et fascinant qui permet de cartographier les liens, les histoires et les émotions qui unissent (et parfois divisent) une famille. Vous avez peut-être déjà vu un génogramme, ou vous en avez entendu parler sans vraiment savoir à quoi cela sert. Explorons ensemble ce qu'est un génogramme, comment il est utilisé en thérapie familiale, et pourquoi il peut être un véritable révélateur de dynamiques invisibles. Un témoignage viendra également illustrer la puissance de cet outil.
Le génogramme est un outil essentiel en thérapie familiale pour mieux comprendre les dynamiques relationnelles et émotionnelles au sein des familles.
Contrairement à un arbre classique, le génogramme inclut des éléments émotionnels, des événements marquants, et des patterns (ou répétitions) qui se transmettent de génération en génération. On peut ainsi y inscrire des données telles que les mariages, les divorces, les décès prématurés, les secrets de famille, les maladies, les conflits, et bien d'autres informations qui influencent le vécu des membres de la famille.
Par exemple, un génogramme peut montrer que des comportements comme la surprotection des enfants ou des cycles d’endettement se répètent depuis plusieurs générations. Il devient alors possible d’explorer les raisons profondes de ces répétitions et de comprendre comment elles affectent les membres actuels de la famille.
Un génogramme peut également inclure des marqueurs symboliques pour représenter des conflits larvés ou des émotions refoulées. Par exemple, une flèche brisée peut indiquer une relation rompue ou un contact limité, tandis que des lignes doubles peuvent symboliser une relation fusionnelle. Ces symboles permettent une compréhension visuelle immédiate des dynamiques qui animent les membres de la famille.
Pourquoi certains conflits semblent-ils se transmettre d’une génération à l’autre ? Pourquoi certaines maladies, ou encore des schémas comme l’abandon ou la surprotection, se retrouvent-ils chez plusieurs membres de la famille ? Par exemple, dans une famille où des parents se sont séparés dans chaque génération, le génogramme peut aider à identifier des peurs inconscientes d’engagement ou des difficultés à maintenir des relations stables.
En explorant son génogramme, il découvre que son grand-père a été abandonné par sa mère pendant la guerre, et que son père, par réaction, est devenu très distant émotionnellement. Ces blessures transgénérationnelles ont façonné la manière dont cet homme perçoit l’intimité.
Dans certaines familles, des événements traumatiques – comme un suicide, une faillite, ou une violence – restent tus. Ces "non-dits" peuvent peser lourd sur les émotions et comportements des descendants. Lorsqu’un secret est mis en lumière grâce au génogramme, cela peut alléger une tension familiale latente et ouvrir la voie à une meilleure communication.
Par exemple, lors d’une séance de thérapie, une patiente a découvert que son anxiété chronique pourrait être liée au silence familial entourant le suicide de son oncle. En abordant ce sujet avec sa famille, elle a non seulement trouvé des réponses mais aussi libéré une émotion longtemps contenue.
En retraçant l’histoire de leur famille, les membres peuvent découvrir des réalités qui étaient jusque-là ignorées ou mal comprises. Cela aide souvent à adoucir les jugements et à renouer des liens abîmés. Par exemple, une femme qui réalise que son père distant a lui-même grandi sans affection parentale peut mieux comprendre ses comportements.
Le simple fait de créer un génogramme ensemble peut amorcer des discussions profondes et parfois libératrices entre les membres de la famille. Parler d’histoires familiales partagées peut aussi renforcer le sentiment d’appartenance.
Certaines familles découvrent, grâce au génogramme, des histoires positives qu’elles avaient oubliées, comme le courage d’un ancêtre ou les traditions familiales perdues. Ces récits permettent de reconstruire un patrimoine émotionnel positif.
Voici comment cela se passe généralement :
Parlez avec les membres de votre famille pour recueillir des données factuelles : noms, dates de naissance et de décès, événements marquants, relations importantes, etc.
Représentez les individus par des cercles (pour les femmes) et des carrés (pour les hommes). Les lignes entre eux peuvent indiquer des mariages, des divorces, ou d’autres liens significatifs. Par exemple :
Notez les relations conflictuelles, fusionnelles, ou marquées par des traumatismes. Indiquez également les maladies, les migrations, ou les pertes importantes.
Prenez du recul pour observer les schémas qui émergent. Y a-t-il des répétitions générationnelles ? Des non-dits ?
Si vous vous sentez dépassé(e) ou si vous souhaitez approfondir votre réflexion, n’hésitez pas à consulter un thérapeute familial qui pourra vous accompagner dans cette démarche.
Si vous lisez ces lignes, vous êtes peut-être curieux(se) de ce que votre propre génogramme pourrait révéler. Quels sont les événements marquants de votre famille ? Y a-t-il des répétitions ou des thèmes qui vous parlent ?
Faire un génogramme peut être une expérience très enrichissante, que ce soit seul(e), en famille, ou avec un thérapeute. C’est une manière de mieux comprendre d’où vous venez, et peut-être aussi de mieux vous libérer des poids qui ne vous appartiennent pas.
Sarah est venue me consulter car elle ressentait une profonde culpabilité vis-à-vis de sa fille adolescente. "Je me mets toujours à crier, puis je regrette, et après je me sens horrible. J’ai l’impression de tout rater." Lorsque nous avons commencé à dessiner son génogramme, plusieurs éléments troublants ont émergé.
Sa grand-mère avait été abandonnée à l’âge de 10 ans. La mère de Sarah, quant à elle, avait grandi avec un père violent et une mère dépressive. En discutant, Sarah a réalisé qu’elle portait inconsciemment la peur d’être une "mauvaise mère" comme elle pensait que sa propre mère l’avait été. Mais en explorant l’histoire familiale plus en profondeur, elle a aussi compris combien sa mère avait fait de son mieux, dans des conditions très difficiles.
En voyant ces dynamiques transgénérationnelles, Sarah a pu commencer à déconstruire ses propres peurs et à renouer différemment avec sa fille. "Maintenant, quand je sens la colère monter, je me rappelle d’à quel point ma mère a été forte, et que je peux l’être aussi. Mais je n’ai plus besoin de me juger aussi durement." Le génogramme lui a permis de transformer un cercle vicieux en cercle vertueux.
En mettant en lumière les filiations, les transmissions conscientes ou inconscientes, il offre une opportunité unique de transformer l’héritage familial en une force, plutôt qu’en un fardeau.