Victime ou acteur de sa vie ? Se libérer des schémas de souffrance
6/1/2025

Victime des autres, bourreau de soi-même : Comment sortir des schémas répétitifs de souffrance ?

Avez-vous déjà eu le sentiment d’être enfermé dans une spirale de souffrance, où les mêmes situations douloureuses se répètent inlassablement ? Avez-vous parfois l’impression que le monde vous en veut, que les autres vous maltraitent ou que, malgré vos efforts, rien ne change ? C’est précisément ce que Guy Corneau, psychanalyste québécois, explore dans son ouvrage Victime des autres, bourreau de soi-même.À travers une approche accessible et bienveillante, il met en lumière les mécanismes psychiques qui nous enferment dans ces cycles de douleur et nous invite à reprendre notre pouvoir personnel. Si nous avons été blessés, nous avons aussi un rôle actif dans notre propre guérison.

Table des matières

« Ce que le patient ne se rappelle pas, il le répète. Il le répète sans savoir qu’il le répète. » Freud, Études sur l’hystérie

Pourquoi avons-nous l’impression de subir toujours les mêmes épreuves ?

Corneau montre avec justesse que nous ne reproduisons pas nos souffrances par masochisme, mais parce que quelque chose, dans l’inconscient, cherche désespérément à réparer ce qui a été brisé. La compulsion de répétition, concept central en psychanalyse, est ce mouvement étrange qui nous pousse à rejouer les mêmes scènes, les mêmes rencontres, les mêmes impasses — comme si le psychisme tentait de réécrire le passé pour, enfin, en sortir vainqueur.

Mais ce qui devait guérir finit souvent par réouvrir la blessure.

Prenons Claire.
Enfant, elle vivait sous l’autorité d’un père dur, cassant, dont les mots la faisaient se sentir minuscule. Devenue adulte, elle choisit, sans en avoir conscience, des hommes qui la dévalorisent. Non par goût de la souffrance, mais parce que ce schéma lui est familier : il porte la signature émotionnelle de son enfance. Chaque relation toxique devient une tentative de « faire mieux », d’être enfin reconnue, aimée, validée.

Mais l’histoire se répète. Et chaque nouvelle déception réactive la même morsure intérieure : « je ne compte pas ». Le cercle se referme, encore et encore.

Tant que Claire ne voit pas ce mécanisme à l’œuvre, elle continuera à l’alimenter malgré elle. La répétition, si elle n’est pas nommée, finit par devenir une sorte de destin psychique, une trajectoire invisible mais tenace, que nous confondons avec la malchance, l’injustice ou le “toujours pareil”.

Repérer la répétition, c’est déjà commencer à en sortir.

Quelques chiffres

  • Une étude réalisée au Royaume-Uni montre qu’« un tiers des jeunes (enfance/adolescence) ont subi un traumatisme » et que ce traumatisme double le risque de développer une pathologie de santé mentale.
  • Aux États-Unis, environ 61 % des hommes et 51 % des femmes déclarent avoir vécu au moins un événement traumatique au cours de leur vie.
  • Selon l’article de Bessel van der Kolk, « le traumatisme peut se répéter à des niveaux comportementaux, émotionnels, physiologiques et neuro-endocrinologiques ».

Ces chiffres permettent de souligner que la répétition, comme celle dont parle Guy Corneau, n’est pas une simple métaphore, mais un phénomène réel : l’inconscient, le corps, le système neuro-émotionnel continuent de rejouer ce qui n’a pas été intégré.

« Répéter, c’est souvent espérer que l’histoire se terminera autrement. » Racamier, Le génie des origines

Le piège du triangle dramatique : victime, bourreau ou sauveur ?

Corneau s’appuie sur le modèle du triangle dramatique de Karpman pour expliquer comment nous nous enfermons dans des rôles relationnels qui alimentent notre souffrance. Dans ce jeu psychologique, trois positions se répondent et s’entretiennent :

Un exemple frappant est celui de Julie. Elle se plaint souvent d’être maltraitée par ses supérieurs et ses collègues, mais chaque fois qu’elle change de travail, elle finit par revivre la même situation. Lorsqu’elle tente de s’affirmer, elle devient agressive, prenant alors le rôle du bourreau. Puis, lorsque l’entourage réagit à son comportement, elle revient à sa posture de victime, renforçant sa conviction que le monde est injuste.

Ce cycle est difficile à briser, car il est profondément enraciné dans notre histoire personnelle et familiale.

Comment se libérer de ces schémas répétitifs ?

Prendre conscience de ces mécanismes est la première étape vers le changement. Mais savoir n’est pas suffisant : il faut aussi agir différemment. Corneau propose plusieurs pistes pour amorcer ce processus de transformation.

Accepter que nous avons une part de responsabilité

Il ne s’agit pas de se culpabiliser, mais de reconnaître que nous avons un rôle actif dans la perpétuation de nos souffrances. Tant que nous nous considérons uniquement comme des victimes, nous restons impuissants. En revanche, en prenant conscience de nos comportements et de nos choix, nous retrouvons une marge de manœuvre.

Julie, par exemple, pourrait se demander :

  • Pourquoi suis-je toujours en conflit avec mes collègues ?
  • Comment mes propres réactions influencent-elles leur attitude envers moi ?

En changeant de regard, elle pourrait identifier les dynamiques qu’elle alimente elle-même et ainsi commencer à agir différemment.

Observer ses émotions sans les fuir

Beaucoup d’entre nous ont appris à éviter la souffrance en développant des mécanismes de défense comme le déni, la colère ou la fuite. Pourtant, nos émotions sont des indicateurs précieux qui nous renseignent sur nos blessures profondes.

Lorsqu’une situation réactive une douleur ancienne, Corneau conseille de prendre un moment pour l’accueillir, au lieu de chercher à la repousser immédiatement. Il s’agit de se demander :

  • Quelle est l’émotion que je ressens exactement ?
  • À quel moment de mon passé me rappelle-t-elle quelque chose ?

Cette introspection permet de dissocier le passé du présent et d’éviter de réagir de manière automatique.

Apprendre à poser des limites saines

Sortir de la position de victime implique souvent d’oser dire non et de s’affirmer. Cela ne signifie pas devenir agressif, mais plutôt apprendre à exprimer clairement ses besoins et ses limites.

Si Claire, qui a longtemps subi des relations toxiques, commence à dire « non » aux comportements irrespectueux, elle brise son schéma de soumission. Au début, cela lui semble inconfortable, mais progressivement, elle prend conscience de sa valeur et attire à elle des relations plus équilibrées.

Transformer la colère en énergie constructive

Plutôt que de laisser la frustration nous enfermer dans une attitude passive ou destructrice, il est possible d’utiliser cette énergie pour construire quelque chose de positif.

Un exemple frappant est celui de Marc, qui a longtemps nourri une rancœur envers sa famille pour son manque de soutien. Plutôt que de ruminer cette douleur, il décide de s’engager dans un travail personnel et d’écrire sur son expérience. En transformant sa souffrance en un projet qui lui tient à cœur, il reprend le contrôle de son histoire.

Se faire accompagner si nécessaire

Parfois, ces schémas sont si ancrés qu’il est difficile de les déconstruire seul. Un accompagnement thérapeutique peut être une aide précieuse pour identifier les blessures inconscientes et apprendre à fonctionner autrement.

Un psychanalyste, un psychothérapeute ou même un groupe de parole peuvent offrir un espace sécurisant pour explorer ces mécanismes et amorcer un véritable changement intérieur.

Conclusion : Vers une posture plus libre et authentique

Le message essentiel de Victime des autres, bourreau de soi-même est que nous ne sommes pas condamnés à rejouer indéfiniment les mêmes souffrances. Certes, nous avons été blessés, mais nous avons aussi la capacité de nous en libérer.

Changer demande du courage, car cela signifie accepter de voir nos propres responsabilités et modifier des comportements profondément enracinés. Mais c’est aussi une opportunité extraordinaire : celle de sortir d’un cycle de douleur pour retrouver une vie plus libre et authentique.

Si nous cessons d’attendre que les autres changent et que nous prenons en main notre propre transformation, alors nous ne sommes plus victimes des autres, ni bourreaux de nous-mêmes. Nous devenons simplement les auteurs de notre propre existence.

FAQ – Sortir des schémas répétitifs de souffrance

Pourquoi ai-je l’impression de revivre toujours les mêmes situations douloureuses ?

Ce sentiment vient souvent d’un mécanisme inconscient : on rejoue ce qui n’a pas pu être compris ou symbolisé dans le passé.

Les mêmes émotions se réactivent, les mêmes comportements se mettent en place, presque automatiquement. C’est une manière de tenter, maladroitement, de « réparer » une blessure ancienne. Parler avec un thérapeute ou un psychologue peut aider à repérer ce qui se répète réellement, ce qui appartient au passé, et ce qui pourrait être transformé aujourd’hui pour retrouver davantage de liberté intérieure.

Comment savoir si je suis coincé dans une posture de “victime” ?

On s’en rend compte lorsque l’on se sent impuissant face aux situations, que l’on a le sentiment que tout « arrive » sans possibilité d’agir.

Le vécu émotionnel devient lourd, parfois anxieux, et l’on rejoue les mêmes impasses relationnelles. Ce n’est pas un défaut, mais souvent un mode de survie appris très tôt. Un praticien ou un thérapeute formé à une approche analytique ou relationnelle peut vous aider à comprendre ce qui vous maintient dans cette position… et comment en sortir progressivement.

Ces répétitions sont-elles forcément liées à un traumatisme ?

Pas toujours, mais c’est fréquent.

Un événement traumatique, ou simplement une relation marquée par la peur, la honte ou la dévalorisation, peut laisser une empreinte durable. Le corps, l’émotionnel et le psychisme gardent alors une mémoire qui influence les choix et les réactions. Certains praticiens travaillent avec des approches intégratives, psychanalytiques ou comportementales pour comprendre comment le passé s’invite dans le présent. Explorer ces traces permet souvent d’apaiser ce qui semblait immuable.

Pourquoi est-ce si difficile de sortir de ces schémas ?

Parce qu’ils constituent une forme de sécurité intérieure, même lorsqu’ils font souffrir.

Ils sont familiers, prévisibles, “connus” de l’inconscient. Changer implique d’aller vers quelque chose de nouveau, parfois vécu comme menaçant. C’est aussi un travail relationnel : on apprend souvent dans le lien ce qui n’a pas pu être appris dans l’enfance.

Un accompagnement thérapeutique, qu’il soit analytique, systémique ou comportemental, peut offrir un cadre stable pour expérimenter un autre rapport à soi et aux autres.

Pourquoi suis-je attiré(e) par des personnes qui me font souffrir ?

Parce qu’on ne choisit pas seulement avec le cœur : on choisit aussi avec son histoire.

Une dynamique relationnelle douloureuse peut paraître “normale” lorsqu’elle a été vécue très tôt. Elle devient alors un repère, même si elle est blessante. Certaines personnes se sentent inconsciemment “chez elles” dans des relations où elles doivent prouver leur valeur. Comprendre cela avec un thérapeute ou un praticien expérimenté permet de distinguer l’amour véritable d’une répétition, et d’ouvrir la voie à des liens plus nourrissants.

Quelle thérapie peut m’aider à sortir de ces répétitions ?

Cela dépend de votre sensibilité.

Les thérapies analytiques permettent de comprendre les racines inconscientes du schéma ; les approches comportementales (comme les TCC) travaillent sur les réactions automatiques ; les thérapies systémiques explorent les liens familiaux ; les méthodes humanistes soutiennent l’expression émotionnelle. Beaucoup de psychothérapeutes proposent aujourd’hui une approche intégrative, combinant plusieurs outils.

L’essentiel reste la relation avec le thérapeute : c’est elle, plus que la méthode, qui constitue un espace de transformation réelle.

Est-ce normal de me sentir “bourreau de moi-même” ?

Oui, cela arrive plus souvent qu’on ne le pense.

Certaines personnes se critiquent, s’épuisent ou se sabotent parce que leur histoire les a amenées à croire qu’elles n’ont pas droit à mieux. Ce n’est pas un choix conscient mais un automatisme psychique. Le travail thérapeutique aide à identifier ces voix intérieures et à découvrir d’où elles viennent. Peu à peu, on apprend à se traiter avec plus de douceur, de respect et d’affirmation... ce qui change profondément la relation à soi.

Puis-je m’en sortir seul(e), ou dois-je consulter un thérapeute ?

On peut déjà faire un long chemin seul : observer ses émotions, repérer les situations répétitives, poser des limites, se reconnecter à ses besoins.

Mais lorsqu’un schéma est ancré depuis longtemps, l’accompagnement d’un psychologue, thérapeute ou psychiatre peut vraiment accélérer le processus. La thérapie offre un espace où la parole peut se déployer sans jugement, et où les mécanismes inconscients deviennent visibles. C’est parfois ce regard extérieur qui permet enfin de sortir de la boucle.

Est-ce que ces schémas peuvent créer du stress, de l’anxiété ou de la fatigue émotionnelle ?

Oui.

Revivre encore et encore les mêmes déceptions épuise le système nerveux et fragilise la santé mentale. Le corps réagit : tensions, anxiété, irritabilité, fatigue profonde. Ce n’est pas de la faiblesse, mais un signe que votre psychisme tente de gérer un trop-plein. Certaines approches thérapeutiques, qu’elles soient relationnelles, comportementales ou analytico-émotionnelles, aident à apaiser ces réactions et à comprendre ce qui les déclenche. Lorsque le schéma se transforme, le niveau de stress diminue naturellement.

Comment savoir si ma thérapie fonctionne réellement ?

La thérapie n’apporte pas des résultats instantanés, mais vous devriez sentir peu à peu des changements subtils : une meilleure compréhension de vos réactions, une prise de conscience de vos schémas, une capacité à poser des limites, un apaisement émotionnel.

Vous commencez à réagir différemment à des situations qui, autrefois, déclenchaient les mêmes souffrances. Si vous vous sentez plus aligné, plus clair, plus vivant… alors votre thérapie fonctionne. Le travail inconscient demande du temps, mais il transforme en profondeur.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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