Je suis grand-parent et j'ai peur de ne plus voir mes petits enfants...
14/1/2025

Grands-parents et recomposition familiale : s’adapter pour préserver le lien intergénérationnel

L’arrivée d’un nouveau partenaire dans la vie de votre enfant bouleverse l’équilibre familial et suscite des émotions contrastées : joie, appréhension, incertitude. Votre place auprès de vos petits-enfants semble se redéfinir, et vous craignez parfois de perdre ce lien si précieux. Comment accepter ces changements tout en préservant votre rôle ? La recomposition familiale demande du temps, de l’adaptation et beaucoup de bienveillance pour construire un nouvel équilibre harmonieux.

Comment vivez-vous l’arrivée d’un nouveau partenaire dans la vie de votre enfant ?

Vous vous souvenez sans doute du jour où votre enfant, avec ce mélange de nervosité et d'excitation, vous a annoncé qu’il ou elle avait rencontré quelqu’un de nouveau.

Une nouvelle personne entre alors dans la vie de votre famille, un étranger, ou peut-être même une étrangère à vos yeux.

L’émotion est vive, bouleversante. Vous aviez peut-être tissé des liens profonds avec l’ancien partenaire, partagé des moments inoubliables, accueilli avec amour cette personne dans votre cœur et votre foyer.

Et voilà que tout bascule.

Pourtant, même face au sourire de votre enfant, vous ressentez une certaine inquiétude. Qui est ce nouveau venu ? Sera-t-il capable de comprendre, d’aimer votre enfant comme vous l’avez fait, comme l’ancien partenaire l’a fait ? Ce nouveau départ peut vous effrayer, car il chamboule un équilibre familial que vous aviez appris à accepter, peut-être même à chérir. Dans ce contexte, vous vous sentez parfois mis(e) à l’écart, observant de loin cette nouvelle dynamique se former, sans en saisir encore les contours.

Cette situation peut réveiller en vous des émotions complexes.

Vous ressentez peut-être une forme de tristesse, voire de jalousie, face à cette relation naissante qui semble effacer le passé. Ce mélange d’émotions est profondément humain, et pourtant, il est souvent difficile de trouver sa place dans ce nouveau schéma familial. Comme l’écrit Durand (2020) : "La recomposition familiale génère un ensemble de tensions émotionnelles chez les membres de la famille élargie, notamment chez les grands-parents, qui doivent réajuster leur perception des relations interpersonnelles" (p. 34).

Comment vivez-vous l’intégration des enfants qui ne sont pas les vôtres dans votre famille ?

Et puis, soudainement, il y a les enfants. Pas vos petits-enfants, non, mais les enfants de cette nouvelle personne, ce nouveau partenaire de votre enfant.

Des enfants qui ne portent pas votre nom, qui n’ont pas partagé votre histoire familiale, qui ne sont pas issus de votre lignée.

Ils arrivent pourtant dans votre vie, dans votre espace, dans vos traditions. Vous les voyez jouer avec vos petits-enfants, rire avec eux, et quelque chose se tord en vous.

Comment peut-on accepter ces nouveaux venus ?

Ils ne partagent pas votre sang, ni vos souvenirs. Ce n’est pas une question de rejet, mais de réalité. Ils sont là, et il faut composer avec leur présence. Peut-être ressentez-vous une distance naturelle, une forme de retenue dans vos interactions avec eux. Après tout, ils ne sont pas les vôtres. Mais à mesure que le temps passe, vous vous interrogez : est-il possible de les accepter pleinement, de les aimer même, sans trahir vos propres petits-enfants ?

Ces questionnements sont légitimes.

Vous n’êtes pas seul(e) à traverser ces bouleversements. Lefebvre (2019) rappelle que "l’intégration des enfants issus de relations antérieures dans la dynamique grand-parentale constitue un défi relationnel majeur pour les familles recomposées" (p. 46). Ce défi, vous le ressentez au quotidien, dans ces moments d’incertitude, dans cette recherche constante de votre place au sein de ce nouvel équilibre.

Ressentez-vous une compétition avec la famille du nouveau partenaire ?

Puis vient la réalité parfois douloureuse de la recomposition familiale : la présence de l’autre famille.

Celle du nouveau partenaire de votre enfant, cette famille que vous ne connaissez pas, mais qui, tout comme vous, cherche à occuper une place dans la vie de vos petits-enfants.

Vous les voyez à travers des anecdotes, des conversations que vous captez au détour d’une réunion de famille. "Chez mamie, c’était super", vous entendez vos petits-enfants dire avec enthousiasme. Mamie ? Pas vous, non. L’autre mamie. Et c’est là que le pincement au cœur se fait sentir.

Cette compétition silencieuse, presque invisible, s’installe peu à peu.

Qui sera la figure d’attachement privilégiée dans la vie de vos petits-enfants ? Qui aura le droit de les voir pour les fêtes, pour les vacances ? Vous ne l'avouez peut-être pas ouvertement, mais la peur est bien présente : la peur de perdre votre place, la peur que vos petits-enfants préfèrent l’autre côté de la famille, cette nouveauté qui semble les fasciner.

Cette rivalité tacite entre grands-parents n’est pas rare dans les familles recomposées.

Comme le souligne Tremblay (2021), "les familles recomposées présentent souvent des enjeux de loyauté affective, où les relations entre grands-parents et petits-enfants sont mises à l’épreuve par la présence de figures concurrentes d’attachement" (p. 28). Et vous, dans tout cela, vous tentez de préserver le lien fragile qui vous unit à vos petits-enfants, tout en composant avec cette autre famille qui fait irruption dans votre vie.

Vous sentez-vous en compétition pour être la figure d’attachement principale ?

La compétition, hélas, ne s’arrête pas là. Il y a aussi ce nouveau partenaire de votre enfant, cette nouvelle figure parentale qui entre dans la vie de vos petits-enfants.

Vous avez été là depuis le début, vous les avez tenus dans vos bras dès leur naissance, vous les avez consolés, aimés, chéris.

Et pourtant, à mesure que ce nouveau partenaire s'installe dans leur quotidien, vous ressentez une peur sourde : celle de voir votre rôle s’effacer peu à peu.

C’est peut-être un détail, un geste, un mot. Vous les voyez se rapprocher de cette nouvelle figure, partager avec elle des moments que vous pensiez vous être réservés. La douleur est là, bien réelle, bien que silencieuse. Vous vous demandez comment ce nouveau venu peut-il prendre cette place dans le cœur de vos petits-enfants. Ils vous aiment, vous le savez. Mais cette affection, cette complicité qui se construit avec cette nouvelle personne, vous la redoutez. Que se passera-t-il si, un jour, ils viennent à la considérer comme leur principale source de réconfort ?

Ces craintes, bien que douloureuses, sont compréhensibles.

Elles révèlent une réalité profondément humaine : l’attachement est fragile, et le voir se partager entre plusieurs figures est une épreuve émotionnelle difficile à traverser. Comme l’explique Marchand (2022), "les grands-parents des familles recomposées vivent une transition complexe, où la redéfinition des liens affectifs avec leurs petits-enfants constitue un enjeu majeur" (p. 19).

Comment ces tensions intergénérationnelles se manifestent-elles dans votre quotidien familial ?

Les tensions, souvent non exprimées, s’accumulent.

Elles apparaissent dans les petits moments du quotidien, dans ces échanges où le malaise s’installe, dans ces conversations où chacun cherche sa place.

Peut-être lors d’un simple repas de famille, où vous réalisez que votre voix compte un peu moins, où vous voyez que les habitudes ont changé. Les fêtes, ces moments autrefois si simples et joyeux, deviennent des champs de bataille invisibles. Qui invite qui ? Où se déroule Noël cette année ? Et si vos petits-enfants passent plus de temps avec l’autre famille, que reste-t-il pour vous ?

Ces tensions intergénérationnelles sont le reflet de l’évolution des dynamiques familiales. Les familles recomposées bouleversent les schémas traditionnels, et cela, vous le ressentez profondément. Mais comment exprimer cette douleur, cette sensation de perte, sans créer de conflits ouverts ? Comment rester présent dans la vie de vos petits-enfants sans imposer vos attentes, vos désirs ?

Le poids du passé, des souvenirs partagés, des traditions familiales semble parfois lourd à porter. Vous réalisez alors que l’histoire familiale, celle que vous avez contribué à construire, est en train de se transformer sous vos yeux. "Les grands-parents des familles recomposées doivent composer avec l’idée que leur place n’est plus immuable, mais qu’elle se redéfinit constamment à mesure que de nouveaux acteurs entrent en scène" (Girard, 2023, p. 22).

Quelques clés pour faciliter l’accueil du nouveau conjoint dans la famille :

  • Prenez le temps de le (ou la) connaître : Avant d’émettre un jugement, accordez-vous du temps pour découvrir cette personne. Quels sont ses valeurs, ses centres d’intérêt, sa manière de voir la famille ?
  • Exprimez vos ressentis à votre enfant : Il est normal d’avoir des inquiétudes, et en parler avec bienveillance peut permettre d’éviter des malentendus.
  • Restez ouvert(e) au changement : La recomposition familiale est une évolution, et votre rôle ne disparaît pas, il se transforme.

Quand de nouveaux enfants entrent dans la famille

Il se peut que le nouveau compagnon ou la nouvelle compagne de votre enfant ait déjà des enfants.

Ces enfants ne sont pas les vôtres, ils ne portent pas votre nom, ils n’ont pas grandi dans votre famille. Pourtant, ils font désormais partie du quotidien de vos petits-enfants et vont partager avec eux des moments qui vous étaient peut-être réservés.

Cette situation peut être source de questionnements : devez-vous les considérer comme vos petits-enfants ? Jusqu’où devez-vous aller dans l’affection et l’accueil ?

Trouver l’équilibre :

  • Respectez votre rythme : Il n’est pas nécessaire de forcer une proximité immédiate. Laissez le temps aux liens de se construire naturellement.
  • Créez un espace neutre : Lorsque vous organisez des moments en famille, veillez à ce que chacun se sente inclus, sans pour autant gommer votre histoire avec vos propres petits-enfants.
  • Valorisez votre rôle de grand-parent : Vos petits-enfants ont besoin de sentir que votre amour pour eux ne change pas, même si leur famille s’agrandit.

L’important est d’être à l’écoute de vos émotions et de ne pas culpabiliser si vous éprouvez des difficultés à accueillir ces nouveaux venus avec spontanéité. Comme toute relation, cela demande du temps.

La peur de perdre votre place auprès de vos petits-enfants

C’est sans doute l’une des plus grandes angoisses des grands-parents face à la recomposition familiale : que vos petits-enfants s’éloignent, qu’ils trouvent d’autres repères, qu’ils passent plus de temps avec l’autre famille.

Lorsque vous entendez vos petits-enfants parler avec enthousiasme de « l’autre mamie » ou du nouveau beau-parent, il est naturel de ressentir un pincement au cœur. Vous avez été là depuis leur naissance, vous avez partagé tant de moments précieux… et maintenant, il faut composer avec de nouvelles figures d’attachement.

Comment préserver votre lien ?

  • Ne tombez pas dans la comparaison : L’amour d’un enfant n’est pas exclusif. Il peut aimer plusieurs personnes sans que cela diminue l’importance de votre rôle.
  • Soyez présent(e) de manière qualitative : Ce qui compte, ce ne sont pas forcément la fréquence des rencontres, mais l’intensité des moments passés ensemble.
  • Cultivez vos traditions : Continuez à transmettre vos valeurs, vos souvenirs, vos petits rituels. Ces repères sont précieux pour vos petits-enfants et renforceront votre lien.

Gérer les tensions avec votre enfant et son nouveau partenaire

Même si vous faites preuve de bonne volonté, il peut arriver que des tensions apparaissent avec votre enfant ou son nouveau conjoint.

Peut-être ne partagez-vous pas les mêmes valeurs éducatives, peut-être ressentez-vous un éloignement progressif.

Si cela se produit, gardez en tête que le dialogue reste la clé. Plutôt que de reprocher, exprimez vos besoins et vos ressentis avec bienveillance.

Quelques conseils pour désamorcer les tensions :

  • Exprimez votre amour inconditionnel : Faites comprendre à votre enfant que, quels que soient les changements, vous serez toujours là pour lui et pour ses enfants.
  • Acceptez de ne pas tout contrôler : Votre rôle de grand-parent est important, mais c’est à votre enfant et à son conjoint de définir l’éducation et l’organisation familiale.
  • Suggérez, mais ne vous imposez pas : Parfois, il est tentant de donner son avis sur l’éducation ou la dynamique familiale, mais cela peut être perçu comme une intrusion.

Quand la thérapie familiale peut aider

Si les tensions sont trop importantes ou si vous ressentez un mal-être face à la recomposition familiale, il peut être bénéfique de consulter un thérapeute familial.

Ce que la thérapie peut vous apporter :

  • Un espace pour exprimer vos émotions sans crainte de blesser.
  • Des outils pour mieux comprendre et gérer les changements familiaux.
  • Un accompagnement pour renforcer vos liens avec vos petits-enfants.

Conclusion

La recomposition familiale est une étape qui peut être déroutante pour vous, grands-parents. Elle chamboule les habitudes, redéfinit les rôles, et impose de nouvelles dynamiques relationnelles. Pourtant, elle peut aussi être une opportunité de grandir, d’élargir votre cercle affectif et de découvrir de nouvelles façons d’aimer.

Votre rôle est toujours essentiel. Vos petits-enfants ont besoin de votre amour, de votre stabilité, de votre sagesse. Acceptez ces changements avec douceur, faites preuve de patience et d’ouverture, et surtout, gardez en tête que l’amour familial ne se divise pas… il se multiplie.

Références

Durand, C. (2020). La recomposition familiale : Enjeux et défis pour les grands-parents. Presses Universitaires de Lyon.

Girard, P. (2023). Familles recomposées et grands-parents : Entre acceptation et réinvention des liens. Éditions Sociales.

Lefebvre, M. (2019). Les nouvelles dynamiques familiales : Une perspective intergénérationnelle. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.

Marchand, A. (2022). Le rôle des grands-parents dans les familles recomposées : Une redéfinition de l'attachement familial. Revue de Psychologie Familiale, 17(2), 18-33.

Tremblay, L. (2021). Familles recomposées et relations intergénérationnelles : Quand les grands-parents perdent leur place. Cahiers de la Recherche Familiale, 10(1), 27-32.

Par Frédérique Korzine,
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