A quoi ça sert de vivre ?
14/11/2024

A quoi ça sert de vivre ?

Voilà une question qui traverse les âges, et qui revient avec force dès que nous rencontrons des moments de doute, des épreuves, ou même dans le simple silence de la réflexion. Cette question a inspiré des penseurs comme Albert Camus, Viktor Frankl, ou même un film populaire comme Un jour sans fin. Tous nous confrontent à l'absurde, à cette sensation de vivre dans un monde où le sens semble parfois insaisissable, où les efforts semblent répétitifs et, parfois, vains. Mais si nous regardons bien, derrière cette question se cache une possibilité unique : celle de choisir...

Table des matières

Dans Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus nous confronte à cette question incontournable : pourquoi persister à vivre dans un monde apparemment dénué de sens ?

Sisyphe, c'est ce personnage mythologique condamné par les dieux à pousser un rocher jusqu’au sommet d’une montagne, éternellement. Et, à chaque fois, le rocher redescend, implacablement. Il représente pour Camus l’incarnation de la condition humaine face à l’absurde. Sisyphe symbolise l’homme engagé dans un effort inlassable et sans finalité apparente. Mais alors, pourquoi persister ? Et surtout, qu’est-ce que Camus veut vraiment nous dire à travers ce héros malheureux et pourtant libre ? Peut-on encore trouver du sens face à cet absurde ? C’est précisément dans cette confrontation avec l’absurde que l’homme découvre sa plus grande liberté : celle de choisir le sens de sa vie.

Donner du sens à la vie quand la vie n'a pas de sens... Absurde ?

Pour Camus, l’absurde naît de la rupture entre notre soif de sens et l’indifférence de l’univers.

Cette absence de réponse aux « pourquoi » essentiels de l’existence est certes vertigineuse, mais elle n’efface pas la possibilité du sens. Ce silence est un appel à une responsabilité intérieure, une invitation à prendre en main la signification de chaque moment de notre vie. L’absurde nous interpelle :

quel sens vais-je donner à mon existence, même face au vide ?

Le mythe de Sisyphe incarne ainsi non seulement une tragédie, mais une opportunité de liberté et de choix. Car le plus grand pouvoir de l’homme est précisément de décider du sens qu’il donnera à son rocher, à sa montagne. La question n’est donc pas « pourquoi ce rocher ? », mais « comment vais-je donner du sens à cet effort ? ». La tâche de Sisyphe est sans but apparent, mais sa dignité réside dans la manière dont il l’affronte.

Face à l’absurdité : vivre malgré tout

« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : le suicide », écrivait Camus au début du Mythe de Sisyphe.

Tout est là : ce face-à-face entre l’homme et le non-sens du monde. Devant l’absurdité de l’existence, la tentation du renoncement surgit comme une issue logique. Pourtant, le philosophe de l’absurde refuse cette conclusion tragique. Car si la vie paraît absurde, c’est précisément parce que l’homme cherche un sens dans un univers absurde, silencieux, indifférent. La philosophie de l’absurde ne nie pas la souffrance ; elle en fait le point de départ d’une révolte lucide.

Camus, Nietzsche, Kierkegaard, Sartre, Heidegger… chacun, à sa manière, a rencontré ce vertige.

Chez Nietzsche, la mort de Dieu ouvre sur le nihilisme, ce vide où s’effondrent les certitudes anciennes. Mais loin d’y voir une fin, il y perçoit une promesse : celle de créer soi-même le sens de la vie, de devenir artiste de sa propre existence. Kierkegaard, lui, voyait dans la foi un saut par-delà la raison — un acte irrationnel, presque absurde, mais vital pour préserver la possibilité de croire.

Camus, au contraire, refuse ce saut. L’homme, dit-il, doit rester sur le fil, dans cette tension entre le besoin de sens et le silence du monde. Dans L’Homme révolté, il écrit : « Je me révolte, donc nous sommes. »

Face à l’absurdité du monde, la révolte devient acte de vie. Non pas se soumettre, mais dire oui malgré tout — à la beauté, à l’amour, à la création.

La vie humaine, dans cette perspective, n’a pas à fuir l’irrationnel : elle s’y inscrit, elle l’assume. Le sens de l’absurde devient une forme d’art : vivre pleinement chaque instant, comme Don Juan multiplie les amours non pour combler le vide, mais pour affirmer la vie. Dans La Peste, Camus montre que, même plongé dans l’horreur, l’homme peut choisir la solidarité, refuser le non-sens en soignant, en aimant, en agissant. Cette tension traverse aussi le théâtre de l’absurde : Ionesco, Beckett, Kafka… Tous mettent en scène des êtres perdus dans une réalité déréglée, grotesque, mais étrangement familière. Ce caractère absurde du monde, ces absurdités du quotidien, nous rappellent que la condition humaine n’est pas une équation à résoudre, mais une expérience à traverser.

Ainsi, devant l’absurdité, il ne s’agit pas de céder au désespoir, mais de continuer à marcher, à créer, à aimer, à rire parfois. Vivre devient un acte philosophique, une révolte tendre contre le non-sens. Comme le disait Camus : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». Et peut-être, ajoutait Nietzsche, apprendre à dire « oui » à la vie — même lorsqu’elle semble absurde car dépourvue de réponse.

Nous sommes condamnés à être libres

Être « condamné » à cette liberté implique une responsabilité inaliénable : dans chaque situation, nous avons le pouvoir et le devoir de décider, de nous engager dans une voie, même quand les circonstances sont difficiles ou contraignantes. Sartre nous rappelle que même si nous pouvons être influencés par notre passé, notre environnement ou les autres, nous restons, en dernier ressort, responsables de la manière dont nous choisissons de réagir et de vivre notre vie. Ne pas choisir est aussi un choix, et il nous est impossible de fuir cette responsabilité.

Dans sa confrontation avec l’absurde, Sisyphe pourrait céder au désespoir, mais il n’en fait rien.

En persévérant, il devient pour Camus un héros de l’absurde, libre dans son acceptation lucide de sa condition. Il est aussi l’homme qui choisit son attitude, celui qui, même face à l’inutilité apparente, adopte une posture de dignité et de détermination.

Viktor Frankl, dans ses expériences au cœur des camps de concentration, a vu cette liberté intérieure à l’œuvre chez ceux qui, malgré la souffrance, ont choisi de donner un sens à leurs actions, ne serait-ce qu’en s’occupant d’un compagnon de souffrance, en partageant un morceau de pain. Sisyphe, dans cette acceptation sans résignation, incarne cette liberté intérieure qui ne dépend d’aucune circonstance extérieure mais de notre capacité à donner un sens à l’insensé.

Créer du sens, même face à l’absurde

Pour Camus, l’absurde ouvre un espace de création personnelle, une invitation à forger notre propre sens. Sisyphe, en acceptant son destin, invente un sens dans le présent, dans l’action même de pousser son rocher. Cette liberté de créer son propre sens est la plus belle des révoltes contre l’absurde : elle nous permet de transformer chaque instant en une réponse unique, personnelle, à la question du « pourquoi vivre ? ».

Pour Viktor Frankl, cette création de sens est l’essence même de l’existence.

Face à l’absurde et à l’indifférence de l’univers, notre capacité à créer du sens devient notre réponse la plus authentique. Ce n’est pas le monde qui doit nous donner une raison de vivre ; c’est nous qui avons la capacité de lui en donner une, par la signification que nous attribuons à nos actions. Cette quête de sens, selon Frankl, est plus puissante que la simple recherche du plaisir ou du confort ; elle devient un moteur qui transcende la souffrance et l’adversité.

En trouvant une signification, même dans la douleur, l’être humain transforme l’absurde en une opportunité d’accomplissement intérieur.

Le mythe de Sisyphe et le film Un jour sans fin

Quand l’absurde devient moteur de transformation

Camus explore la condition humaine en la comparant à celle de Sisyphe, cet homme condamné à pousser un rocher jusqu’au sommet, seulement pour le voir retomber à chaque fois. Cette métaphore de l’absurde trouve un écho surprenant dans le film Un jour sans fin (Groundhog Day), où Phil Connors, météorologue cynique, est coincé dans une boucle temporelle, condamné à revivre la même journée indéfiniment. Sisyphe et Phil sont confrontés à leurs propres dilemmes dans une répétition sans fin, mais Phil, personnage moderne, découvre une issue en choisissant de transformer ce quotidien sans issue apparente en une quête de sens.

Sisyphe et Phil Connors, l’infini retour du même

Dans Le Mythe de Sisyphe, la répétition est centrale : Sisyphe pousse le rocher encore et encore, sans qu’aucun sommet ne mette fin à sa tâche. De la même façon, Phil Connors est pris dans un cycle où chaque effort semble n’avoir aucun impact durable : chaque matin, il se réveille dans le même jour. La boucle temporelle de Phil, comme le rocher de Sisyphe, semble condamner le protagoniste à une absurdité insensée. Mais là où Sisyphe accepte son destin avec lucidité, Phil, d’abord, lutte, tente de fuir, en vain. Ce cycle sans fin agit comme un miroir de son propre mal-être, de son incapacité à échapper à lui-même.

L’étrangeté du monde : rire, désirer, exister malgré tout

Dans un monde absurde, où chaque jour semble osciller entre tragédie et dérision, il reste à l’homme le choix de rire ou de désirer. Camus, dans

L’Étranger et dans La Peste, nous y confronte sans détour : l’un observe le monde avec une lucidité glaciale — Meursault, cet homme qui “ne pleure pas à l’enterrement de sa mère”, et l’autre, le docteur Rieux, lutte contre le mal sans espérer de victoire définitive. Tous deux, pourtant, incarnent la même révolte silencieuse : vivre pleinement dans un monde absurde, sans fuir dans la croyance ni la négation.

Le sentiment d’absurdité naît souvent de ce malentendu entre notre désir éperdu de sens et la finitude de nos existences.

C’est le constat que partageaient les existentialistes : l’homme, condamné à la liberté, doit se tenir debout dans une situation absurde, sans consolation divine. Le croyant et l’incroyant y croisent leurs chemins : l’un cherche à dépasser la contradiction par la foi, l’autre choisit de l’habiter, d’y trouver une beauté fragile, à la fois comique et tragique. De Corinthe à Oran, du Sommet de la montagne à la cellule du condamné, Camus fait dialoguer ses héros avec la mort et l’éternité. Dans La Peste de Camus, le courage consiste à “soigner” sans illusion ; dans L’Étranger de Camus, à mourir sans mensonge. La philosophie de l’absurde ne cherche pas de justification — elle constate, avec une lucidité presque poétique, que toute telle absurdité de la condition humaine contient encore la possibilité d’un sourire.

Le côté absurde du monde trouve souvent écho dans la scène : chez les dramaturges du théâtre de l’absurde, comme Beckett ou Ionesco, le comique devient révélateur du vide. Dans La Cantatrice chauve ou En attendant Godot, tout semble absurde, et pourtant ce vide parle : il nous renvoie à notre propre attente, à notre propre désir d’un sens qui ne vient pas. C’est une absurdité totale, mais aussi un miroir tendre de notre humanité.

Ce qui paraît absurde, au fond, c’est la vie elle-même : sa manière absurde de se répéter, ses contradictions, sa beauté fragile, sa logique sans logique. Et pourtant, c’est dans cette étrangeté, dans ce côté parfaitement absurde de l’existence, que surgit parfois un éclat de sens — fugace, mais suffisant pour continuer à pousser le rocher, à aimer, à créer.

L’homme moderne face à l’absurdité : entre Zeus et la Silicon Valley

Dans notre époque où l’efficacité remplace la transcendance, où les algorithmes semblent dicter la conduite du monde, il est tentant de penser que Camus aurait trouvé ça absurde.

Cette absurdité de la situation — un monde saturé de connexions mais vidé de sens — prolonge les questions philosophiques qu’il posait déjà après la Seconde Guerre mondiale : comment être heureux dans un monde où tout paraît absolument absurde ?

L’homme moderne, pris entre ses désirs infinis et les limites de la réalité, oscille entre Spinoza, qui voyait dans le désir la puissance même de vivre, et Kant, pour qui la raison impose des bornes à ce qu’il est permis d’espérer. Ce questionnement métaphysique se retrouve dans toute la philosophie de l’absurde : faut-il chercher une réponse, ou simplement apprendre à respirer au cœur du paradoxe ? Camus, dans L’Étranger de Camus comme dans La Mort heureuse, ne nie pas la contradiction — il la vit. Ses personnages sont contradictoires, à la fois lucides et naïfs, libres et condamnés, résignés et révoltés. Ils ne fuient pas l’absurde, ils l’embrassent. Là où Sartre, avec La Nausée, décrit le dégoût de l’existence, Camus répond par une forme de tendresse : “Il faut imaginer Sisyphe heureux.” Ce bonheur n’est pas une illusion, mais une victoire intime contre le châtiment imposé par les dieux — ou par nos propres normes.

Dans la mythologie grecque, Zeus punit Sisyphe d’avoir défié la mort. Hadès, Éole, ou les vents mêmes deviennent les témoins de cette lutte infinie entre l’homme et le cosmos. Mais là où la mythologie voyait une punition, Camus découvre une liberté : pousser le rocher, c’est exister pleinement, sans tricher.

Et si, dans notre monde moderne, Sisyphe avait simplement troqué sa montagne pour la Silicon Valley ?

Même combat, autre décor : des start-up en quête d’éternité, des ingénieurs rêvant d’immortalité, des entrepreneurs ubuesques — au sens d’Ubu — prétendant abolir la finitude. Tout cela n’est qu’une répétition absurde, un écho contemporain à la mythologie grecque.

Comme Ionesco dans Rhinocéros, Camus dénonce l’absurdité d’un monde qui se robotise, qui oublie sa part d’humain. Le sens commun, réduit à une logique de rendement, devient la nouvelle punition de l’homme. Pourtant, dans cette contradiction, dans ce combat contre les moulins de la modernité, subsiste un espoir — celui de continuer à penser, à aimer, à créer, malgré tout.

L’acceptation de l’absurde et la révolte intérieure

Camus propose que l’homme absurde accepte sa condition, non par résignation, mais par une révolte intérieure.

Sisyphe devient libre lorsqu'il décide d’affronter la répétition sans espérer d’échappatoire.

Dans le cas de Phil, l’acceptation n’est pas immédiate. Pris d’abord par la panique, puis par l’hédonisme, il tente de remplir cette infinité de jours de plaisirs faciles et de distractions sans lendemain, mais en vain. Progressivement, il s’éloigne de ses pulsions égoïstes pour s’intéresser aux autres, à ceux qui l’entourent. Sa répétition devient une opportunité de transformation personnelle, un espace où il peut se réinventer.

Imaginer Sisyphe heureux… et Phil, aussi

Camus termine Le Mythe de Sisyphe en disant : « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » C’est une phrase qui invite à une forme de libération intérieure, un bonheur trouvé non dans la fin de la tâche, mais dans la signification que l’on décide de lui donner. De même, à la fin de Un jour sans fin, nous pouvons imaginer Phil heureux, non parce qu’il a enfin rompu la boucle, mais parce qu’il a découvert un sens, une profondeur nouvelle à chaque journée.

Sisyphe et Phil partagent une leçon existentielle : ce n’est pas la fin d’une quête qui apporte la plénitude, mais l’attitude avec laquelle on choisit de la vivre. La répétition, au lieu de détruire, devient un espace de transformation et de révolte contre l’absurde. Ce paradoxe de l’absurde réside ainsi dans son potentiel à être non la fin du sens, mais son point de départ.

FAQ – Trouver un sens à la vie face à l’absurde

Pourquoi ai-je parfois l’impression que la vie n’a pas de sens ?

Ce sentiment d’absurdité surgit souvent lorsque nos valeurs se heurtent au monde absurde et à sa logique contradictoire.

C’est une expérience universelle, amplifiée par la solitude ou la perte. Comme le soulignaient Camus ou Nietzsche, il ne s’agit pas de nier ce vide, mais d’y répondre en créant du sens : à travers les désirs, les liens, la beauté du moment présent. C’est souvent dans la finitude que s’ouvre la possibilité d’un sens véritable.

Comment trouver un sens à la vie quand tout paraît absurde ?

Plutôt que de chercher une réponse unique, il s’agit de choisir sa manière absurde de vivre.

Le philosophe existentialiste Camus invitait à se révolter contre le non-sens, non par désespoir, mais par création. Cultiver la présence, la pleine conscience, l’art ou la solidarité, permet de transformer l’absurdité de la situation en chemin d’accomplissement. Comme dans La Peste de Camus, la vie reprend sens quand on décide d’aimer, d’agir, malgré l’irrationnel.

Pourquoi continuer à vivre quand on ne ressent plus rien ?

Lorsque tout semble vide, il ne s’agit pas forcément de dépression, mais d’une crise existentielle profonde.

Ce n’est pas une faiblesse, mais un questionnement métaphysique : qu’est-ce que vivre, si rien ne résonne ? Accepter cette étrangeté, comme Meursault dans L’Étranger, peut devenir un point de départ vers un réveil intérieur. Parler avec un thérapeute ou un psychothérapeute aide à réapprivoiser le désir et à reconstruire un sens de la vie incarné.

Camus pensait-il que la vie valait la peine d’être vécue ?

Oui, mais pas pour des raisons religieuses ou morales : pour Camus, vivre, c’est se révolter contre le caractère absurde du monde.

Dans Le Mythe de Sisyphe, il écrit que même sans espoir, l’homme peut choisir d’être heureux. Cette joie tragique vient de la conscience : celle d’un homme moderne lucide, qui pousse son rocher sans fuir la contradiction. “Il faut imaginer Sisyphe heureux” reste une célébration de la vie, malgré l’inutilité apparente.

La philosophie peut-elle aider à surmonter le désespoir ?

Absolument.

Les philosophies existentielles et philosophiques de l’absurde — de Kierkegaard à Spinoza, de Sartre à Camus — nous apprennent que le désespoir n’est pas une fin, mais un passage. Penser, c’est déjà résister. La réflexion métaphysique ne supprime pas la douleur, mais elle offre un horizon : comprendre que le non-sens peut devenir moteur de création et d’éveil intérieur. L’absurdité n’est pas l’ennemie du bonheur, elle en révèle la profondeur.

Pourquoi la vie semble-t-elle parfois si contradictoire ?

Parce qu’elle l’est.

Nous désirons la cohérence, mais la vie humaine est faite de contradictions : joie et tristesse, amour et perte, grandeur et chute. Cette dualité est au cœur de notre condition. La philosophie de l’absurde l’accepte sans la résoudre, et c’est là sa sagesse. L’homme révolté ne cherche plus à nier, mais à danser avec ces contraires. Entre la tragédie et le comique, il découvre la possibilité d’une paix, discrète mais authentique.

Quelle différence entre l’absurde et le nihilisme ?

Le nihilisme affirme qu’il n’existe aucun sens de la vie ni valeur à défendre.

L’absurde, selon Camus, constate ce vide mais y oppose une révolte lucide. L’homme absurde ne nie pas le monde, il l’habite pleinement, conscient de sa contradiction. Là où le nihiliste s’effondre, le philosophe de l’absurde choisit d’aimer la vie sans illusion. C’est une manière d’être heureux, malgré le non-sens, en transformant l’absence de but en élan vital.

Pourquoi Camus disait-il qu’il faut imaginer Sisyphe heureux ?

Cette phrase célèbre symbolise la victoire intérieure de l’homme face à sa punition.

Sisyphe, condamné par Zeus, incarne la finitude et la condition humaine. Pourtant, en acceptant l’absurdité de la situation, il se libère du désespoir. Le bonheur vient non de la réussite, mais de l’attitude adoptée. Camus nous enseigne que la conscience de l’absurde n’empêche pas la joie : elle la rend possible, car l’homme révolté choisit de trouver du sens là où il n’y en a pas.

L’absurde a-t-il encore du sens à l’époque moderne ?

Plus que jamais.

À l’ère de la Silicon Valley, du rendement et de la performance, l’homme contemporain ressent la même nausée que décrivait Sartre : un vide métaphysique sous le trop-plein d’informations. Dans ce monde absurde, la question du sens devient urgente. Camus, Spinoza ou Kant nous rappellent que penser, créer, aimer sont encore des actes de résistance. La lucidité n’est pas une punition, mais un chemin vers une liberté intérieure.

Que faire quand tout semble parfaitement absurde ?

D’abord, reconnaître ce sentiment d’absurdité sans le fuir.

Ce n’est pas un échec, mais une expérience existentielle. La philosophie de l’absurde invite à la création : transformer le non-sens en beauté, en acte, en rencontre. L’homme moderne n’a plus besoin de transcendance divine pour exister ; il peut choisir de vivre intensément, malgré la contradiction. Trouver un thérapeute ou un espace d’écoute peut aussi aider à retrouver la saveur du moment présent.

Pourquoi la vie paraît-elle parfois si tragique et si comique à la fois ?

Parce que cette dualité est le cœur même de l’absurde.

La tragédie naît du constat de la mort, de la finitude ; le comique, lui, surgit de nos maladresses face à l’infini. De Ubu à Rhinocéros, les dramaturges ont montré combien l’homme est risible et grand à la fois. Camus disait que la révolte consiste à continuer de rire, même face à l’absurdité. Entre rire et larmes, c’est peut-être là que commence le véritable bonheur humain.

Bibliographie

  • Albert Camus - Le Mythe de Sisyphe (1942)
    Essai philosophique dans lequel Camus explore le concept de l'absurde et la manière dont l'homme peut trouver un sens à sa vie malgré un univers dépourvu de réponses.
  • Viktor Frankl - Man's Search for Meaning / Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie (1946)
    Récit autobiographique et philosophique où Frankl développe sa théorie de la logothérapie, montrant comment trouver du sens même dans les circonstances les plus extrêmes.
  • Jean-Paul Sartre - L'Être et le Néant (1943)Ouvrage fondateur de l'existentialisme, dans lequel Sartre développe l’idée de la liberté humaine et de la responsabilité radicale de chaque individu.

Filmographie

  • Un jour sans fin (Groundhog Day) - Réalisé par Harold Ramis (1993)
    Une comédie dramatique dans laquelle un homme revit la même journée indéfiniment, confronté à l’absurdité de sa situation et finalement transformé par le sens qu'il choisit de lui donner.
Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
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Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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