Découvrez l’Ombre selon Jung, comment le refoulé influence nos vies ?
10/4/2019

L’Ombre selon Carl Gustav Jung : pourquoi nos parts refoulées envahissent la société ?

Sous l’éclairage de Carl Gustav Jung, l’« Ombre » désigne ces parts de nous que nous refoulons mais qui influencent nos choix, nos relations et nos tensions collectives. Entre introspection personnelle et enjeux sociétaux, découvrir l’Ombre, c’est comprendre comment l’assumer peut transformer nos vies… et apaiser notre monde.

Table des matières

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Lorsque j’ai reçu M., 42 ans, chef d’entreprise installé à Versailles, il s’est présenté avec un dossier épais sous le bras, rempli de tableaux Excel et d’analyses RH. “J’ai un problème avec deux de mes managers”, a-t-il dit, d’un ton sec. Les faits, décrits avec minutie, semblaient accuser ses collaborateurs d’être “trop émotifs, peu fiables et irritants”. Mais, au fil de la séance, un glissement s’est opéré : ces traits qu’il décrivait… lui appartenaient aussi. Autoritarisme, impatience, besoin de tout contrôler — autant de caractéristiques qu’il rejetait farouchement chez les autres.Ce que Carl Gustav Jung nomme l’Ombre venait de faire irruption dans la pièce : cette partie de nous-mêmes que nous refusons de voir, mais qui s’invite malgré nous dans nos relations. Dans le monde actuel — réseaux sociaux, débats polarisés, indignations collectives —, l’Ombre n’est plus un simple concept psychanalytique, c’est un acteur quotidien de notre vie sociale.

En bref…

Avant de plonger dans le cœur du sujet, rappelons que l’Ombre est l’un des concepts les plus puissants de la pensée de Carl Gustav Jung. Elle désigne les aspects de nous-mêmes que nous refoulons — pulsions, émotions, failles, mais aussi talents inavoués — et qui finissent toujours par se manifester, souvent de façon déformée, dans nos comportements et nos jugements.
À l’heure où la société vit sous tension, où les réseaux sociaux transforment chaque désaccord en tribunal public, comprendre l’Ombre n’est pas un luxe intellectuel : c’est un outil de survie psychologique et relationnelle. Cet article vous propose d’explorer comment elle agit dans nos vies personnelles et dans l’inconscient collectif, et pourquoi l’intégrer est l’un des gestes les plus libérateurs que l’on puisse poser, individuellement et collectivement.
Allez, c’est parti…

« Ce que tu nies te soumet. Ce que tu acceptes te transforme. »
Carl Gustav Jung

Cette phrase, à la fois lapidaire et lumineuse, résume l’essence même du travail sur l’Ombre.
En psychanalyse jungienne, nier une partie de soi — qu’il s’agisse de colère, de jalousie, de vulnérabilité — revient à lui donner plus de pouvoir. Refuser de voir ces zones obscures, c’est leur permettre de s’exprimer à notre insu, souvent dans les pires moments : un éclat de voix incontrôlé, une décision précipitée, un jugement hâtif sur autrui.
À l’inverse, accueillir son Ombre, c’est entrer dans un processus d’individuation : une transformation profonde où l’on devient plus conscient, plus nuancé, et paradoxalement… plus libre.

Quelques chiffres...

Les chiffres récents illustrent à quel point l’Ombre n’est pas qu’une abstraction théorique, mais un phénomène mesurable dans nos comportements collectifs :

  • 68 % des Français admettent éviter certaines vérités inconfortables sur eux-mêmes, préférant “se concentrer sur le positif” (IFOP, 2023).
  • 54 % estiment que la société française est plus polarisée qu’il y a dix ans, avec des positions plus extrêmes et moins de zones de dialogue (Ipsos, 2024).
  • 72 % disent avoir déjà jugé sévèrement quelqu’un pour un trait qu’ils reconnaissent difficilement chez eux — projection classique de l’Ombre (Harris Interactive, 2023).
  • Chez les 18-34 ans, ce chiffre monte à 81 %, ce qui montre que l’Ombre se manifeste plus vivement à l’ère des réseaux sociaux où l’identité se construit aussi par opposition.

Ces données confirment ce que Jung entrevoyait déjà : l’inconscient collectif se nourrit de nos refoulements individuels, et la société toute entière peut devenir le théâtre d’une Ombre mal intégrée.

Qu’est-ce que l’Ombre selon Carl Gustav Jung ?

Pour Carl Gustav Jung, l’Ombre n’est pas seulement le “côté sombre” de notre personnalité. Elle représente l’ensemble des aspects refoulés de notre psychisme : pulsions, émotions, pensées, souvenirs, mais aussi qualités inexploitées ou talents que nous n’osons pas reconnaître.
L’Ombre est donc neutre en soi. Elle n’est ni purement mauvaise ni purement bonne : elle contient tout ce que nous avons appris à cacher, consciemment ou inconsciemment, pour correspondre aux attentes familiales, sociales ou culturelles.

Un exemple classique : quelqu’un qui se veut “toujours calme” refoulera sa colère… jusqu’à ce qu’elle explose un jour de manière disproportionnée.
Dans la sphère collective, l’Ombre prend d’autres formes : stigmatisation de certaines catégories sociales, discours haineux sur les réseaux, boucs émissaires en période de crise.

Jung voyait l’Ombre comme un phénomène inévitable et même nécessaire : elle est le miroir de notre humanité entière. Le problème n’est pas qu’elle existe, mais qu’on refuse de la voir. Car plus on tente de l’ignorer, plus elle se manifeste à notre insu, souvent dans des moments critiques — qu’il s’agisse d’un dérapage verbal, d’une décision impulsive ou d’un conflit soudain.

Comment l’Ombre s’invite dans la société contemporaine

Nous vivons à une époque où l’Ombre s’expose sans retenue, souvent déguisée en vertu. Les réseaux sociaux, les plateaux télé, les débats politiques deviennent les scènes où chacun projette ce qu’il refuse de voir en lui-même, en pointant un “ennemi” extérieur.

Les réseaux sociaux comme amplificateur

Twitter (rebaptisé X), TikTok, Instagram… Ces plateformes fonctionnent comme un miroir grossissant de notre Ombre collective. L’indignation devient un sport quotidien.
Un internaute qui s’offusque bruyamment de “l’arrogance” d’autrui ignore parfois que c’est sa propre peur d’être insignifiant qui s’exprime. Les vidéos “call out” ou “cancel” mettent en lumière la mécanique jungienne : plus on nie une part de soi, plus on croit la voir partout chez les autres.

Politique et polarisation

Des débats sur l’immigration aux querelles sur la transition écologique, l’Ombre se manifeste par la caricature de l’adversaire. Les discours se radicalisent, les nuances disparaissent.
Chaque camp s’érige en porteur de “la vérité”, diabolisant l’autre côté… sans voir que ce rejet absolu nourrit la même logique qu’il condamne.

L’Ombre dans la culture populaire

Même le cinéma et les séries surfent sur cette dynamique : anti-héros charismatiques, univers dystopiques, thrillers psychologiques… Ils séduisent parce qu’ils parlent à notre Ombre, en la mettant en scène là où nous n’osons pas la vivre.

Jung l’aurait dit ainsi : l’Ombre ne se cache pas dans l’obscurité, elle se tient en pleine lumière, là où nous refusons de regarder.

L’Ombre en psychothérapie

En cabinet, la rencontre avec l’Ombre est souvent l’un des tournants les plus profonds du travail thérapeutique.
À Versailles, je reçois des patients qui viennent pour des problématiques “visibles” — conflits relationnels, anxiété, perte de confiance — mais qui, au fil des séances, découvrent que la racine est ailleurs : dans ce qu’ils se refusent à voir d’eux-mêmes.

Exemple clinique :
Une femme de 36 ans, persuadée d’être “trop gentille”, consultait pour épuisement émotionnel. En explorant ses rêves et ses réactions dans certaines situations, elle a découvert une colère puissante, longtemps enfouie pour préserver son image de douceur. L’intégration de cette colère, non pas comme un défaut mais comme une ressource, a transformé sa posture dans ses relations : elle a appris à poser des limites, à dire non, et à sortir d’un cycle de soumission épuisant.

Ce que Jung en dirait : intégrer l’Ombre, ce n’est pas l’éradiquer, mais l’apprivoiser pour qu’elle devienne un allié. C’est accepter que la colère, l’envie, la peur ou même l’ambition font partie de l’humain et peuvent être mises au service d’une vie plus authentique.

Les mêmes mécanismes que ceux de l’Ombre collective se retrouvent dans La psychologie du pervers narcissique dans le couple.

Intégrer l’Ombre, un acte politique et intime

Pour Jung, le travail d’intégration de l’Ombre n’est pas seulement un exercice personnel : c’est un acte profondément politique.
En cessant de projeter nos parts refoulées sur les autres, nous réduisons la polarisation, la haine et la violence symbolique qui saturent l’espace public.

Sur le plan intime

Intégrer l’Ombre, c’est apprendre à reconnaître ses colères, ses envies, ses jalousies, ses failles… et à les utiliser comme leviers de conscience plutôt que comme armes contre soi ou autrui. C’est aussi accepter ses forces refoulées : créativité, désir, audace, souvent étouffées par la peur du jugement.

Si vous souhaitez comprendre comment transformer les tensions interpersonnelles, découvrez Pourquoi une thérapie de couple en approche systémique.

Sur le plan collectif

Une société qui assume ses contradictions est moins encline à chercher des boucs émissaires ou à sombrer dans les idéologies simplistes. Les débats deviennent des espaces de réflexion plutôt que des rings d’accusation.
Intégrer l’Ombre collectivement, c’est oser dire : “Oui, nous avons ces parts sombres… et elles peuvent devenir des ressources si nous les travaillons ensemble.”

En ce sens, la psychanalyse jungienne est plus qu’une méthode thérapeutique : c’est une éthique de la lucidité. Et peut-être, une des clés pour sortir du climat de tension permanente qui marque notre époque.

Pour approfondir la manière dont l’Ombre agit à travers nos jugements, vous pouvez lire notre article sur Les pensées intrusives et l’effet “ours blanc”.

FAQ — L’Ombre selon Carl Gustav Jung

Comment savoir si mon Ombre agit dans ma vie ?

L’Ombre se manifeste souvent par des réactions émotionnelles disproportionnées ou des jugements très sévères envers autrui. Si une personne ou une situation déclenche chez vous colère, mépris ou rejet soudain, c’est souvent le signe que vous projetez sur l’autre des aspects de vous-même que vous refusez de voir. Les rêves, les lapsus ou certains comportements impulsifs peuvent aussi révéler la présence active de l’Ombre dans votre vie quotidienne.

L’Ombre est-elle toujours négative ?

Non. Jung insistait sur le fait que l’Ombre contient aussi des potentiels positifs refoulés : créativité, leadership, sensualité, humour… Parfois, nous rejetons des qualités parce qu’elles ne correspondent pas à l’image “idéale” que nous voulons donner de nous-mêmes. Travailler sur l’Ombre en thérapie permet de réintégrer ces ressources, de les mettre au service de projets personnels ou professionnels, et de vivre de manière plus alignée et authentique.

Peut-on “éliminer” l’Ombre ?

Non, et ce n’est pas souhaitable. L’Ombre fait partie intégrante de notre psychisme et de notre humanité. Chercher à l’éliminer reviendrait à s’amputer d’une partie de soi. L’enjeu est de l’intégrer, c’est-à-dire de reconnaître ses mécanismes et de les apprivoiser. Ainsi, elle cesse de se manifester de façon incontrôlée et devient une force de conscience, capable de nourrir la maturité émotionnelle et la lucidité dans nos choix.

Quelle différence entre Ombre personnelle et Ombre collective ?

L’Ombre personnelle regroupe les aspects refoulés propres à chaque individu, façonnés par son histoire et son éducation. L’Ombre collective, elle, englobe les refoulements et projections partagés par un groupe, une culture ou une époque. C’est elle qui se manifeste dans les stigmatisations, les tensions sociales ou la désignation de boucs émissaires. Comprendre cette distinction permet d’agir à deux niveaux : sur soi et dans la société.

L’exploration des archétypes jungiens se prolonge dans Self-care, shadow work, enfant intérieur : la psychologie est-elle devenue une tendance lifestyle ?.

Conclusion

L’Ombre n’est pas un monstre à terrasser, mais une part de nous à rencontrer. Elle porte nos blessures, nos peurs et nos colères, mais aussi nos forces cachées et nos élans vitaux.
Refuser de la voir, c’est lui laisser le champ libre pour s’exprimer dans nos relations, nos choix politiques, nos débats publics. L’intégrer, c’est reprendre la main sur notre destin intérieur et collectif.

À Versailles comme ailleurs, j’observe chaque jour que ce travail change profondément les trajectoires de vie. Il apaise les conflits, redonne de la cohérence à l’identité et ouvre un espace de dialogue authentique avec soi-même et les autres.

Peut-être que l’acte le plus révolutionnaire de notre époque n’est pas de dénoncer l’Ombre chez les autres… mais de tendre la main à la nôtre.

Bonne lecture. 😉

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
Pour un soutien personnel ou professionnel, je vous propose un suivi adapté à vos besoins favorisant bien-être et épanouissement, à Versailles.

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