Quand la psy devient tendance : un phénomène viral... Sur Instagram, des comptes au million d’abonnés proposent des infographies en pastel sur l’attachement évitant, le langage de l’amour ou le travail des parties blessées. Des créateurs de contenu racontent leur parcours thérapeutique face caméra, en story, avec filtres et emojis. Et TikTok regorge de mini-séquences expliquant pourquoi "ton partenaire évitant te ghoste à cause de son schéma d’attachement non sécurisé." La psychologie est devenue cool, partageable, scrollable. Ce qui était autrefois réservé aux cabinets, aux livres spécialisés ou à l’intimité du transfert devient une matière à contenu grand public, entre inspiration, empowerment et branding personnel.
Avant de plonger dans le vif du sujet, retenez ceci : la psychologie — et plus encore la psychanalyse — a quitté les cabinets feutrés pour envahir les fils d’actualité. Sur TikTok, Instagram ou YouTube, des concepts jadis confidentiels comme le trauma, le shadow work, ou l’enfant intérieur deviennent des hashtags viraux. Cette démocratisation a des vertus : elle ouvre la parole et légitime les souffrances psychiques. Mais elle soulève aussi des dérives : confusion entre introspection et narcissisme, banalisation de notions complexes, perte du cadre thérapeutique. Alors, cette nouvelle vague psy-pop : révolution bienfaisante ou mirage chic et dangereux ?
Allez, c’est parti…
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Puis, petit à petit, ces notions sont sorties de leur cadre. Aujourd’hui, elles se retrouvent repackagées en contenus glamour, simplifiés à l’extrême, sur Instagram ou TikTok.
🌀 L’ombre jungienne devient un shadow work à faire chez soi, en trois questions dans un journal.
👶 L’enfant intérieur, autrefois élaboré dans les thérapies du trauma ou en analyse, devient un prétexte à "s’offrir un cookie et regarder un Disney parce qu’on le mérite".
💬 Le mécanisme de défense devient un simple “red flag” à repérer chez l’autre… et à dénoncer en ligne.
Ces relectures ont le mérite de démocratiser des outils puissants, mais elles trahissent souvent la profondeur de la démarche psychanalytique, qui repose avant tout sur l’écoute, la durée, le cadre, le silence, et le travail du négatif.
💬 « La psychanalyse n’est pas un développement personnel, c’est une rencontre avec ce qui en nous résiste à tout développement. » — Frédérique Korzine
Le concept d’“enfant intérieur”, très populaire sur Instagram, trouve ses racines dans les travaux de Carl Jung, puis a été repris par John Bradshaw et les approches humanistes et trauma-informées. Mais il n’est pas synonyme de régression affective mignonne : il implique de revisiter les blessures précoces, les manques, les attachements non sécurisés, souvent avec douleur… et avec un cadre thérapeutique solide.
“Protège ton énergie.”
“Coupe les liens toxiques.”
“Tu n’as pas à t’expliquer.”
“Tu es ta priorité.”
Sur le papier, ces affirmations relèvent du soin de soi, et peuvent être salvatrices pour ceux qui ont longtemps vécu dans la culpabilité ou le déni de soi. Mais à y regarder de plus près, elles glissent subtilement vers une forme d’hygiénisme émotionnel égocentré.
Il ne s’agit plus de rencontrer l’autre, avec ce que cela suppose de trouble, de frottement, de résonance inconsciente… mais de rester "aligné.e", centré.e, intouchable.
🎯 Le sujet n’est plus traversé par la parole de l’Autre. Il se renforce dans une boucle d’auto-validation permanente. C’est là que le soin de soi bascule dans le culte de soi.
💬 « La souffrance pousse à se replier sur soi. Mais la guérison commence quand l’autre devient supportable. » — Boris Cyrulnik
Selon une enquête OpinionWay pour Psychologies Magazine (2023), 41 % des jeunes adultes estiment que "le bien-être passe avant toute forme de compromis relationnel", y compris en couple ou en famille.
Cela témoigne d’un changement profond : le lien est de plus en plus subordonné à l’auto-satisfaction émotionnelle. Si tu me déranges, je te coupe. Si tu me déstabilises, je m’éloigne. Si tu me renvoies à mes blessures, je me protège… et je t’exclus.
Mais ériger ses limites comme barrière infranchissable peut devenir une fuite. Le sujet se protège, certes. Mais il n’entre plus dans la dialectique du lien, cette matière vivante où la relation transforme — parfois par l’inconfort.
La psychanalyse, elle, invite à supporter la tension, à ne pas céder trop vite au réflexe de repli, à faire une place à l’ambivalence.
Sur TikTok, Instagram, YouTube, de nombreux créateurs brisent le silence autour de l’anxiété, des troubles dissociatifs, des abus ou des deuils. Le #trauma a des millions de vues. La parole se libère, les récits s’accumulent, les larmes deviennent virales.
Mais cette vague soulève une question essentielle : parle-t-on encore pour se soigner, ou pour exister numériquement ?
D’autres frôlent le malaise : pleurs en direct, vidéos montées sur fond musical, effets visuels dramatisants, storytelling calibré. Le trauma devient contenu, séquence émotionnelle, matériau algorithmique.
🎯 Ce phénomène, parfois appelé “psy-show”, consiste à mettre en scène sa vulnérabilité comme argument d’autorité ou d’engagement. Plus on est blessé, plus on est légitime. Plus on a souffert, plus on a droit à la parole… et aux likes.
💬 « Le danger, ce n’est pas de dire son trauma, c’est de le dire sans adresse, sans cadre, sans élaboration. » — Serge Tisseron
Le trauma, pour être transformé, a besoin d’un espace contenant, structurant, symbolisant. Pas d’un déferlement émotionnel devant un public anonyme.
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Une étude menée par l’Université de Montréal (2022) a révélé que 31 % des jeunes ayant partagé publiquement leur récit de trauma sur les réseaux ont ensuite rapporté une aggravation de leurs symptômes anxieux ou dissociatifs.
➡️ Le déballage émotionnel sans accompagnement peut exposer à une reviviscence traumatique, à une réintensification de la douleur… et parfois à une forme de honte rétroactive.
Dans la cure psychanalytique, le silence de l’analyste soutient un cadre de transformation. Sur les réseaux, le silence est remplacé par les commentaires.
Le “like” fait office de soutien, mais il ne contient rien. Il gratifie, il valide, mais il ne réfléchit pas, ne relance pas, ne soutient pas la traversée.
Que l’espace du soin soit confondu avec l’espace du spectacle. Et que le trauma devienne une identité, un drapeau, un personnage… au lieu d’être une expérience à dépasser.
Jamais tant de personnes n’ont eu accès à des mots qui résonnent, à des expériences qui rassurent, à des récits qui valident ce qu’elles n’osaient formuler.
Oui, la psy a changé de statut : de discipline confidentielle à bien commun émotionnel.
Mais derrière cette démocratisation bienvenue, se glisse une autre dynamique, plus préoccupante : celle de la désymbolisation, c’est-à-dire de la perte de cadre, de profondeur, de tiers. En rendant la parole psy omniprésente, mais décontextualisée, on risque de confondre compréhension et digestion, expression et résolution.
“Je suis évitant.”
“C’est son trauma qui parle.”
“J’ai besoin d’un espace sécure.”
“Je suis en plein ghosting émotionnel.”
Ces mots peuvent aider à se comprendre, à se protéger, à dialoguer autrement. Mais ils peuvent aussi étiqueter, figer, déresponsabiliser. Lorsqu’ils deviennent automatiques, ils empêchent parfois l’émergence du sujet, celui qui doute, qui cherche, qui ne sait pas encore dire.
💬 « Trop de langage peut finir par tuer la parole. » — Paul-Claude Racamier
D’après une enquête menée par le CSA pour France Culture (2024), 58 % des Français de moins de 35 ans utilisent régulièrement des termes psychologiques pour parler d’eux-mêmes… sans avoir jamais consulté de professionnel.
➡️ Cela montre à la fois l’appropriation réussie du discours psy… et sa fragilisation par dilution. Car le danger n’est pas tant de parler de psy sans en faire… mais de croire qu’on en fait en en parlant.
Rappeler que le soin ne se fait pas seul. Que la parole n’est pas toute-puissante. Et que le symptôme ne se traite pas à coups de citations jolies, mais de rencontres vraies.
➡️ La pop-psychologie n’est pas une ennemie. Mais elle gagnerait à se rappeler ses origines : l’inconscient, le transfert, la limite.
Poser ses limites, oui. S'en servir pour fuir toute relation un peu vivante ? Attention au repli déguisé en empowerment.
Parfois, c’est juste humain. Tous les désaccords ne sont pas des red flags. Un peu de nuance, ça soigne aussi.
Se consoler, c’est important. Mais faire de chaque contrariété un drame générationnel… c’est épuisant. Pour vous, et pour les autres.
Le mot “trauma” a un sens clinique précis. Une dispute n’est pas un PTSD. Diluer le mot, c’est invisibiliser ceux qui le vivent vraiment.
Non. Ce n’est pas parce que vous savez ce qu’est un attachement désorganisé que vous êtes sorti-e de votre schéma. La compréhension ne suffit pas : il faut du temps, un lien, et parfois… un psy.
Parler de santé mentale, de souffrance, de soins, d’attachement, de vulnérabilité, c’est déjà faire œuvre de prévention. C’est ouvrir des portes, tendre des miroirs, sortir du silence.
Mais ce nouveau paysage n’est pas sans ambiguïté. Car si la psychologie devient un accessoire de lifestyle, un outil de séduction sociale, un moyen de renforcer l’estime de soi… alors elle risque de perdre ce qui faisait sa force : la rencontre avec l’Autre, le travail du conflit, la transformation par le lien.
💬 « Ce n’est pas en se regardant mieux qu’on se connaît mieux. C’est en acceptant de se laisser traverser. »
Alors, oui, continuez à explorer vos émotions, à lire, à écouter, à questionner. Mais souvenez-vous : ce qui soigne vraiment, ce n’est pas de se comprendre — c’est d’oser parler là où ça résiste, là où ça tremble.
Et cela ne se fait jamais seul.
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