Que faire quand son enfant ne veut plus être appelé par son prénom de naissance ? Faut-il s’inquiéter, suivre le mouvement, résister, comprendre ? De plus en plus d’adolescent·es se définissent comme non-binaires, adoptent un prénom neutre, et demandent à leurs proches de respecter cette nouvelle identité. Pour les parents, c’est souvent une surprise, parfois un choc. Ce changement soulève des questions intimes : sur le genre, le lien, la transmission. Comment accompagner sans enfermer ? Comment rester présent·e sans tout contrôler ? Des repères concrets, psychologiques et humains pour penser ce phénomène avec justesse.
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Lorsque Clara m’a consultée, sa voix tremblait.
« Ma fille… enfin, mon enfant… veut qu’on l’appelle “Alex”, et pas Rose. Iel dit qu’iel ne se sent ni fille ni garçon. Je suis perdue. Est-ce que c’est grave ? Est-ce que je dois suivre ? Est-ce que c’est une crise, ou quelque chose de plus profond ? »
Ce type de témoignage devient de plus en plus fréquent. À l’adolescence, certains jeunes expriment le besoin d’adopter un prénom neutre, en cohérence avec une identité de genre non-binaire. Ce choix peut désorienter les parents, car il touche au plus intime : le lien symbolique entre l’enfant et ceux qui l’ont nommé.
Avant de plonger dans les dimensions psychologiques et relationnelles de ce changement, voici quelques repères essentiels :
Allez, c’est parti.
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Mais voilà : certain·es adolescent·es ne se reconnaissent pas dans ce prénom. Iels affirment :
« Ce n’est pas moi. »
Et demandent à être appelé·es autrement. Ce geste, loin d’être anecdotique, révèle souvent une construction identitaire en cours, parfois une affirmation non-binaire, c’est-à-dire le refus d’être enfermé·e dans la case « fille » ou « garçon ».
Ils évoquent des normes de genre, des attentes, des rôles. Pour un·e jeune qui ne se sent pas en adéquation avec son genre assigné à la naissance, continuer à être appelé·e par ce prénom revient à porter un costume identitaire qui étouffe.
Changer de prénom, c’est alors refuser l’étiquette, et parfois reconquérir sa liberté d’être.
« Mon prénom ne disait pas qui j’étais, il disait ce que les autres attendaient de moi. » — témoignage d’ado non-binaire
En refusant le prénom reçu à la naissance, iels affirment un droit fondamental : celui de se dire tel·le qu’iels se vivent.
Ce changement peut s’inscrire dans :
Cela ne veut pas forcément dire qu’iel veut "changer de sexe", mais que le genre binaire tel qu’on le lui impose ne reflète pas son vécu intime.
Le prénom agit comme un miroir social : il est dit, entendu, répété. S’il ne correspond pas au ressenti identitaire, il peut générer :
Adopter un nouveau prénom est alors un acte réparateur, parfois vital. Il permet de restaurer une cohérence entre ce que l’on est, ce que l’on sent, et ce que les autres perçoivent.
📌 Le prénom n’est pas qu’un mot : c’est un outil de reconnaissance. Quand il blesse, c’est le lien social lui-même qui vacille.
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Le changement de prénom chez les jeunes non-binaires ou en questionnement de genre n’est pas un effet de mode. C’est un fait social émergent, appuyé par des données claires.
Selon une enquête IFOP de 2023 sur l’identité de genre chez les moins de 25 ans :
Ce chiffre ne dit pas que tous ces jeunes sont transgenres ou non-binaires, mais qu’une part significative remet en question le cadre binaire traditionnel.
Selon le ministère de la Justice (rapport 2022) :
Et ce chiffre ne tient pas compte des changements sociaux non officiels : surnoms, pseudonymes sur les réseaux, usage d’un autre prénom dans la sphère amicale ou scolaire.
Une enquête menée par SOS Homophobie (2023) souligne que :
Les chiffres parlent : le changement de prénom est de plus en plus courant, surtout chez les adolescent·es qui refusent les normes de genre traditionnelles. L’ignorer, c’est passer à côté d’un enjeu majeur de santé mentale et de lien familial.
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Trois mots. Et le silence.
Quand un enfant ou un adolescent demande à changer de prénom, les parents se retrouvent souvent déstabilisés, pris de court, parfois blessés. Derrière cette requête se cache bien plus qu’un caprice : un basculement symbolique, qui fait vaciller les repères familiaux.
La sidération parentale est normale. Le prénom de naissance n’est pas qu’un choix esthétique : il incarne un lien, une histoire, une projection. Il représente souvent l’enfant imaginé, avant même sa naissance. Quand iel le rejette, c’est toute une symbolique qui vole en éclats.
🧠 Beaucoup de parents vivent ce moment comme une perte, voire un deuil symbolique. Le sentiment de ne plus reconnaître son enfant, ou pire : d’être rejeté dans son rôle de parent.
Ce que vivent les parents à cet instant précis, c’est :
Certains réagissent par l’écoute et l’ouverture. D’autres par le refus, la colère, ou la négation.
« Je suis perdue. Je ne sais pas si je dois suivre, m’opposer, attendre. Et en même temps… je veux que mon enfant soit bien. »
— Hélène, mère d’un ado de 13 ans qui se dit non-binaire
Ce n’est ni une trahison, ni une attaque, ni une manipulation.
C’est un besoin d’être entendu·e autrement, reconnu·e dans son identité intérieure, même si elle évolue.
« J’ai le droit d’exister sous ce nom-là, au moins ici, au moins avec toi. »
Oui, c’est douloureux de voir son enfant changer.
Mais ce qui compte, c’est de maintenir la qualité du lien, même quand tout change autour. Accepter d’être un parent qui doute, qui apprend, qui tâtonne… mais qui reste là.
📌 À retenir : Ce n’est pas en refusant le nouveau prénom que l’on garde l’ancien enfant. C’est en l’écoutant qu’on peut continuer à faire famille.
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« Je ne veux plus être appelé·e comme ça. Ce prénom ne me correspond pas. »
Pas de script. Pas de repères. Seulement un vertige, parfois une peur. Et pourtant, c’est là que tout se joue : dans votre première réaction, dans ce que vous allez dire, ou ne pas dire. Voici cinq clés pour traverser ce moment sans briser le lien.
Quand votre enfant vous annonce qu’iel souhaite changer de prénom, ne cherchez pas immédiatement à comprendre ou à rationaliser. Ne coupez pas la parole. Ne tentez pas de poser des étiquettes.
Contentez-vous d’écouter avec présence, comme on accueille un témoignage fragile.
Posez des questions ouvertes :
👉 La qualité de votre écoute est plus importante que votre degré de compréhension immédiate. Ce que votre enfant guette, c’est votre regard. Pas votre savoir.
Vous pouvez respecter le prénom choisi sans forcément comprendre tous les enjeux. C’est même ce qui fait la force d’un parent : être capable de dire
« Je ne sais pas tout, mais je suis là. »
Utiliser le prénom choisi, c’est un acte de reconnaissance, pas un renoncement à votre rôle parental. Ce n’est pas “céder” à une lubie, mais offrir un espace d’existence psychique à votre enfant. Et cet espace est souvent le premier pas vers un mieux-être.
Certains parents se crispent à l’idée que le prénom change. Puis rechangera. Puis re-rechangera.
Mais si vous lisez entre les lignes, vous comprendrez ceci :
Ce n’est pas une contradiction. C’est un processus.
Le changement de prénom peut être un test, un jeu identitaire, un moment d’expérimentation. Il fait partie de l’adolescence, surtout lorsqu’elle s’entrelace avec une recherche de genre fluide ou non-binaire.
📌 Accueillir cette instabilité, c’est sécuriser la traversée.
Vous avez le droit de ressentir :
Ce n’est pas une faute. Ce n’est pas une preuve de fermeture. C’est humain. Et en parler — à un·e proche, un·e thérapeute, ou dans un groupe de parents — vous aidera à mieux accompagner sans projeter.
Ne vous imposez pas le rôle du parent “modèle inclusif” du jour au lendemain. Soyez simplement un parent qui avance, pas à pas, sans juger ni vous ni votre enfant.
💬 Accepter le prénom de votre enfant, c’est aussi accepter d’être un parent en transition.
Ce n’est pas le prénom qui est inquiétant. C’est parfois la souffrance qui le motive. Et vous n’avez pas à tout porter seul·e.
En résumé : Vous n’êtes pas censé·e avoir toutes les réponses. Mais vous êtes la première personne à pouvoir dire :
« Je t’écoute. Je vais essayer. Tu comptes pour moi, quel que soit ton prénom. »
La tentation est grande de coller une étiquette. Mais à force de vouloir expliquer trop vite, on enferme ce qui justement cherche à se dire autrement.
Le choix d’un prénom neutre ou la revendication du pronom “iel” ne sont pas des fantasmes. Ce sont des formes de subjectivation contemporaines : des manières d’exister en dehors des dualismes imposés.
Ce que ces jeunes refusent, ce n’est pas forcément le féminin ou le masculin. C’est le devoir de choisir entre les deux.
D’autres idéalisent :
Les deux extrêmes sont des pièges. Car dans les deux cas, l’enfant disparaît derrière le discours.
Le premier l’enferme dans la suspicion, le second dans la projection.
📌 L’enfant non-binaire n’a pas besoin d’être idolâtré ni redressé. Il a besoin d’être écouté sans être capturé.
Ce que le changement de prénom, ou le rejet du genre binaire, vient toucher, c’est la question du Nom-du-Père, de la transmission, du cadre. C’est un moment où l’adolescent dit, en acte :
« Je refuse de me laisser définir par ce qui m’a précédé. »
Est-ce un refus de la filiation ? Pas forcément. C’est souvent un appel à réécrire le lien, à partir d’un nouveau point de départ. Un nom choisi, et non imposé.
C’est une remise en jeu du symbolique, pas sa destruction.
L’identité de genre, comme toute construction psychique, se joue dans le temps, dans les essais, dans les renoncements.
Il ne s’agit donc pas de trancher, mais de tenir :
💬 « L’adolescent ne veut pas qu’on lui dise qui il est. Il veut qu’on l’accompagne pendant qu’il le découvre. »
Oui, c’est de plus en plus courant. À l’adolescence, il est fréquent que les jeunes cherchent à affirmer leur identité, surtout s’iels ne se reconnaissent pas dans les normes de genre. Le changement de prénom peut être temporaire, symbolique ou plus structurant. Il ne s’agit pas d’un caprice, mais souvent d’un besoin de cohérence intérieure. Plutôt que de paniquer ou de résister, il est recommandé d’écouter, de questionner sans juger et, si besoin, de se faire accompagner.
Un·e jeune qui se dit non-binaire exprime le fait de ne pas se sentir complètement homme ni complètement femme. Cela peut se manifester par le choix d’un prénom neutre, l’usage du pronom "iel", ou un rejet des stéréotypes genrés. Être non-binaire n’est pas une maladie ni une provocation : c’est une forme d’identité de genre reconnue, notamment par l’OMS et les grandes associations de santé mentale. Il n’y a pas qu’une seule manière d’être non-binaire, et l’identité peut évoluer avec le temps.
Oui. Utiliser le prénom choisi par votre enfant, même sans tout comprendre, est un geste de respect fondamental. Cela ne vous engage pas à tout valider, mais montre que vous tenez compte de son ressenti. Ne pas reconnaître ce prénom peut être vécu comme une blessure, voire comme un rejet. Il est tout à fait légitime d’avoir du mal au début : vous pouvez le dire honnêtement, à condition de rester ouvert·e au dialogue.
Pas forcément. Le changement de prénom peut faire partie d’une transition de genre, mais aussi d’une phase d’exploration ou d’un positionnement non-binaire. Tous les jeunes qui changent de prénom ne souhaitent pas changer de sexe ni entreprendre une transition médicale. Le plus important est de ne pas projeter ni minimiser, mais d’accompagner l’enfant dans ce qu’iel exprime ici et maintenant, sans forcer l’avenir.
Et si c’en est une… ce n’est pas grave. Le développement identitaire passe par des essais, des allers-retours, des expérimentations. Laisser un·e jeune tester un prénom différent ne fait de mal à personne, à condition que le cadre familial reste stable. Ce prénom, même temporaire, peut aider à poser une parole, à traverser une période difficile ou à construire une image de soi plus alignée. Et si iel revient un jour à son prénom de naissance, ce ne sera pas un échec. Juste une étape.
Plutôt que de s’en mêler brutalement, commencez par en parler avec bienveillance :
« J’ai vu que tu utilises un autre prénom, est-ce que tu veux m’expliquer pourquoi ? »
Dans de nombreux cas, les jeunes testent un prénom dans un cadre sécurisant, à distance du regard familial. Cela peut être un bon point de départ pour échanger. Si cela vous inquiète, ou si vous sentez de la souffrance, il peut être utile de consulter ensemble un·e professionnel·le formé·e aux questions de genre.
En théorie, les établissements scolaires peuvent faire preuve de souplesse. De plus en plus d’établissements acceptent d’utiliser le prénom d’usage, même s’il ne figure pas à l’état civil. La circulaire du ministère de l’Éducation nationale (2021) encourage le respect de l’identité de genre des élèves. Mais dans les faits, cela dépend beaucoup du chef d’établissement. En cas de blocage, un dialogue peut être engagé avec la vie scolaire ou un·e référent·e égalité.
Oui. Depuis la loi Justice du XXIe siècle (2016), le changement de prénom peut se faire en mairie, y compris pour les mineurs. Mais pour les moins de 18 ans, l’accord des deux parents est nécessaire. La demande doit être motivée par un intérêt légitime, ce qui inclut les questions d’identité de genre. En cas de refus parental ou de conflit, une procédure judiciaire peut être engagée avec l’aide d’un·e avocat·e ou du juge aux affaires familiales.
Non. En France, un·e mineur·e ne peut pas changer la mention de son sexe à l’état civil. Le changement de prénom est possible, mais la mention du genre (M/F) reste inchangée jusqu’à la majorité. Toutefois, certains jeunes trans ou non-binaires utilisent un prénom d’usage et un genre social différent dans leur quotidien, avec parfois l’accord de l’école ou des structures jeunesse, même sans changement officiel.
Pas besoin de faire une annonce solennelle. Parlez-en simplement, avec fermeté mais sans dramatisation :
« Notre enfant préfère être appelé·e par ce prénom aujourd’hui. Merci de le respecter. »
Anticipez les maladresses, sans les excuser. Le plus important est de rester cohérent·e dans votre posture parentale, pour que l’enfant sente que vous êtes à ses côtés, même face à des adultes plus rigides.
C’est fréquent. Les frères et sœurs peuvent être dérouté·es, gêné·es, voire moqueur·ses. Plutôt que de sanctionner directement, commencez par expliquer :
« Ce n’est pas un jeu, ni une mode. C’est important pour elle/lui/iel. »
Encouragez-les à poser leurs questions, à exprimer leurs sentiments. S’ils comprennent que le respect est non négociable, ils apprendront aussi à évoluer. Il est normal que la fratrie mette du temps, comme les parents.
Non, pas immédiatement. Et parfois, pas du tout. Ce n’est pas une course au changement total, mais un chemin à co-construire. Parfois, seul le prénom évolue. D’autres fois, le look, les pronoms, voire le mode de vie suivent. Laissez l’enfant guider le rythme. L’essentiel est qu’iel se sente libre d’évoluer… ou de revenir en arrière. Les ados testent, cherchent, ajustent. Vous n’avez pas besoin de valider chaque détail — seulement de rester présent·e.
Pas nécessairement. La non-binarité n’est pas un trouble mental. C’est une expression identitaire légitime reconnue par de nombreuses institutions de santé mentale. Cela dit, comme pour tout ado, il est important de rester attentif à d’éventuels signes de mal-être psychique, surtout si le changement de prénom s’accompagne de symptômes (isolement, idées noires, angoisse…). Dans ce cas, un accompagnement thérapeutique respectueux de l’identité exprimée est conseillé.
C’est une situation fréquente en cas de séparation ou de garde partagée. Si l’autre parent refuse de reconnaître le prénom choisi par l’enfant, cela peut créer un clivage affectif douloureux. Il est important de rappeler que le respect du prénom d’usage relève de l’intérêt supérieur de l’enfant. Si la communication est impossible, vous pouvez faire appel à :
Vous avez un rôle important à jouer, même si vous n’êtes pas le parent biologique. Votre posture peut faire la différence. Le respect du prénom choisi est un acte de reconnaissance fondamental. Si vous êtes perdu·e ou inquiet·ète, exprimez-le… mais pas à l’enfant. Tournez-vous vers le parent principal, un professionnel ou un espace de parole. L’enfant n’a pas à porter vos doutes. Il a besoin que vous soyez une figure bienveillante, stable et sans jugement.
Malheureusement, cela arrive encore. Même si la circulaire ministérielle du 29 septembre 2021 invite les établissements à respecter le prénom d’usage des élèves trans et non-binaires, son application reste inégale. En cas de refus :
Certains établissements acceptent d’utiliser le prénom d’usage dans les interactions quotidiennes, même si le prénom officiel reste sur les documents.
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Voici quelques références accessibles et bienveillantes :
Ces lectures aident à déculpabiliser, mieux comprendre, et ouvrir la discussion en famille.
Cela dépend. Pour beaucoup de jeunes, les réseaux sont un espace d’expression identitaire. Y faire son coming-out peut être libérateur… à condition d’avoir un environnement sécurisé. Parlez-en ensemble. Posez des questions :
Plutôt que d’interdire, aidez-le/la à penser les conséquences et à poser ses limites.