Refuser son prénom de naissance, un geste fort chez les jeunes non-binaires
23/8/2025

Mon enfant ne veut plus être appelé par son prénom : que faire quand iel se dit non-binaire ?

Que faire quand son enfant ne veut plus être appelé par son prénom de naissance ? Faut-il s’inquiéter, suivre le mouvement, résister, comprendre ? De plus en plus d’adolescent·es se définissent comme non-binaires, adoptent un prénom neutre, et demandent à leurs proches de respecter cette nouvelle identité. Pour les parents, c’est souvent une surprise, parfois un choc. Ce changement soulève des questions intimes : sur le genre, le lien, la transmission. Comment accompagner sans enfermer ? Comment rester présent·e sans tout contrôler ? Des repères concrets, psychologiques et humains pour penser ce phénomène avec justesse.

Table des matières

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Lorsque Clara m’a consultée, sa voix tremblait.

« Ma fille… enfin, mon enfant… veut qu’on l’appelle “Alex”, et pas Rose. Iel dit qu’iel ne se sent ni fille ni garçon. Je suis perdue. Est-ce que c’est grave ? Est-ce que je dois suivre ? Est-ce que c’est une crise, ou quelque chose de plus profond ? »

Ce type de témoignage devient de plus en plus fréquent. À l’adolescence, certains jeunes expriment le besoin d’adopter un prénom neutre, en cohérence avec une identité de genre non-binaire. Ce choix peut désorienter les parents, car il touche au plus intime : le lien symbolique entre l’enfant et ceux qui l’ont nommé.

En bref…

Avant de plonger dans les dimensions psychologiques et relationnelles de ce changement, voici quelques repères essentiels :

  • Le rejet du prénom de naissance n’est pas rare à l’adolescence, surtout chez les jeunes en questionnement identitaire.
  • Adopter un prénom neutre ou choisi par soi-même est fréquent chez les jeunes non-binaires, c’est-à-dire ceux qui ne se reconnaissent ni entièrement dans le genre masculin, ni dans le féminin.
  • Ce changement ne reflète pas toujours une transition de genre au sens strict, mais un besoin de cohérence entre l’intérieur et l’extérieur.
  • La réaction des parents est essentielle : il ne s’agit pas de tout accepter sans réfléchir, mais d’écouter sans nier, de soutenir sans enfermer, d’accompagner sans étiqueter.

Allez, c’est parti.

Lire aussi "Le complexe du homard, comprendre et accompagner l’adolescence"

Pourquoi un·e adolescent·e peut-il·elle rejeter son prénom de naissance ?

Le prénom n’est jamais anodin. C’est le premier mot que l’on adresse à un être humain, souvent choisi avant même sa naissance.

Il porte en lui une histoire, une symbolique, une assignation. Et c’est précisément là que le bât blesse : le prénom de naissance est presque toujours genré, comme s’il devait annoncer à l’avance qui l’enfant allait être, dans quel genre il allait s’inscrire, et quelle place il allait occuper dans le monde.

Mais voilà : certain·es adolescent·es ne se reconnaissent pas dans ce prénom. Iels affirment :

« Ce n’est pas moi. »
Et demandent à être appelé·es autrement. Ce geste, loin d’être anecdotique, révèle souvent une construction identitaire en cours, parfois une affirmation non-binaire, c’est-à-dire le refus d’être enfermé·e dans la case « fille » ou « garçon ».

Un prénom genré comme assignation sociale

Rose, Emma, Léo ou Nathan ne sont pas que des prénoms : ce sont des codes sociaux.

Ils évoquent des normes de genre, des attentes, des rôles. Pour un·e jeune qui ne se sent pas en adéquation avec son genre assigné à la naissance, continuer à être appelé·e par ce prénom revient à porter un costume identitaire qui étouffe.

Changer de prénom, c’est alors refuser l’étiquette, et parfois reconquérir sa liberté d’être.

« Mon prénom ne disait pas qui j’étais, il disait ce que les autres attendaient de moi. » — témoignage d’ado non-binaire

Un besoin de se nommer soi-même

Chez les jeunes non-binaires, le choix d’un prénom neutre (Alex, Sam, Charlie, Noa, etc.) n’est pas un caprice : c’est une forme d’auto-définition.

En refusant le prénom reçu à la naissance, iels affirment un droit fondamental : celui de se dire tel·le qu’iels se vivent.

Ce changement peut s’inscrire dans :

  • une affirmation d’une identité de genre non-binaire ou fluide,
  • une phase d’exploration,
  • une volonté de se libérer des assignations trop étroites.

Cela ne veut pas forcément dire qu’iel veut "changer de sexe", mais que le genre binaire tel qu’on le lui impose ne reflète pas son vécu intime.

Une quête de cohérence entre ressenti et image sociale

Le prénom agit comme un miroir social : il est dit, entendu, répété. S’il ne correspond pas au ressenti identitaire, il peut générer :

  • un sentiment de dissonance,
  • de la gêne sociale (notamment à l’école),
  • une souffrance psychique (jusqu’à la dysphorie).

Adopter un nouveau prénom est alors un acte réparateur, parfois vital. Il permet de restaurer une cohérence entre ce que l’on est, ce que l’on sent, et ce que les autres perçoivent.

📌 Le prénom n’est pas qu’un mot : c’est un outil de reconnaissance. Quand il blesse, c’est le lien social lui-même qui vacille.

Lire aussi « J’ai des idées noires, je pense au suicide | Blog psychologie Versailles »

Statistiques en France : ce que disent les chiffres sur les jeunes non-binaires et le changement de prénom

Un phénomène de plus en plus visible

Le changement de prénom chez les jeunes non-binaires ou en questionnement de genre n’est pas un effet de mode. C’est un fait social émergent, appuyé par des données claires.

🔹 1 jeune sur 5 ne se reconnaît pas totalement dans son genre assigné

Selon une enquête IFOP de 2023 sur l’identité de genre chez les moins de 25 ans :

  • 21 % des jeunes déclarent ne pas se sentir complètement à l’aise avec leur genre de naissance.
  • Ce chiffre grimpe à 36 % chez les jeunes assigné·es filles à la naissance, qui expriment davantage un inconfort vis-à-vis des attentes genrées.

Ce chiffre ne dit pas que tous ces jeunes sont transgenres ou non-binaires, mais qu’une part significative remet en question le cadre binaire traditionnel.

🔹 2 fois plus de demandes de changement de prénom en 2 ans

Selon le ministère de la Justice (rapport 2022) :

  • Les demandes officielles de changement de prénom pour des mineurs ont doublé en deux ans.
  • La majorité sont motivées par des raisons liées à l’identité de genre.

Et ce chiffre ne tient pas compte des changements sociaux non officiels : surnoms, pseudonymes sur les réseaux, usage d’un autre prénom dans la sphère amicale ou scolaire.

🔹 L’école : un lieu d’expérimentation… et de pression

Une enquête menée par SOS Homophobie (2023) souligne que :

  • 48 % des jeunes trans ou non-binaires ont déjà été victimes de moqueries ou de harcèlement à cause de leur prénom ou de leur genre.
  • 30 % utilisent un prénom différent de celui de l’état civil dans leur établissement scolaire, avec l’accord plus ou moins explicite de l’équipe éducative.
👉 D’où l’importance pour les parents d’être un appui sécurisant, face à un environnement parfois encore rigide.
Les chiffres parlent : le changement de prénom est de plus en plus courant, surtout chez les adolescent·es qui refusent les normes de genre traditionnelles. L’ignorer, c’est passer à côté d’un enjeu majeur de santé mentale et de lien familial.

Lire aussi « Et si vous disiez tout ? – La libre association en psychanalyse »

Comment réagissent les parents quand leur enfant ne veut plus être appelé par son prénom ?

« Appelle-moi autrement. »

Trois mots. Et le silence.

Quand un enfant ou un adolescent demande à changer de prénom, les parents se retrouvent souvent déstabilisés, pris de court, parfois blessés. Derrière cette requête se cache bien plus qu’un caprice : un basculement symbolique, qui fait vaciller les repères familiaux.

Une phrase qui fait l’effet d’un tremblement de terre

  • « Tu n’aimes plus le prénom qu’on t’a donné ? »
  • « Tu veux qu’on t’appelle Sam ? Mais tu es une fille… non ? »
  • « Pourquoi tu fais ça ? C’est à cause des réseaux ? »

La sidération parentale est normale. Le prénom de naissance n’est pas qu’un choix esthétique : il incarne un lien, une histoire, une projection. Il représente souvent l’enfant imaginé, avant même sa naissance. Quand iel le rejette, c’est toute une symbolique qui vole en éclats.

🧠 Beaucoup de parents vivent ce moment comme une perte, voire un deuil symbolique. Le sentiment de ne plus reconnaître son enfant, ou pire : d’être rejeté dans son rôle de parent.

L’angoisse derrière la surprise

Ce que vivent les parents à cet instant précis, c’est :

  • une perte de contrôle,
  • la peur de « mal faire » ou de « mal accompagner »,
  • une culpabilité soudaine : “Ai-je manqué quelque chose ?”,
  • parfois, une blessure narcissique : “Suis-je encore un bon parent si je ne comprends plus mon enfant ?”

Certains réagissent par l’écoute et l’ouverture. D’autres par le refus, la colère, ou la négation.

« Je suis perdue. Je ne sais pas si je dois suivre, m’opposer, attendre. Et en même temps… je veux que mon enfant soit bien. »
— Hélène, mère d’un ado de 13 ans qui se dit non-binaire

Non, ce n’est pas un rejet de votre amour

Le fait qu’un enfant change de prénom ne signifie pas qu’il vous rejette.

Ce n’est ni une trahison, ni une attaque, ni une manipulation.
C’est un besoin d’être entendu·e autrement, reconnu·e dans son identité intérieure, même si elle évolue.

Ce que les enfants attendent, ce n’est pas forcément une approbation totale, mais une validation minimale :

« J’ai le droit d’exister sous ce nom-là, au moins ici, au moins avec toi. »

Le vrai défi parental ? Lâcher l’image, garder le lien.

Oui, c’est douloureux de voir son enfant changer.
Mais ce qui compte, c’est de maintenir la qualité du lien, même quand tout change autour. Accepter d’être un parent qui doute, qui apprend, qui tâtonne… mais qui reste là.

📌 À retenir : Ce n’est pas en refusant le nouveau prénom que l’on garde l’ancien enfant. C’est en l’écoutant qu’on peut continuer à faire famille.

Lire aussi « Le manque-à-être : l’art de courir après ce qui nous échappe »

Comment réagir en tant que parent ? Les 5 clés d’une posture juste

On ne vous l’apprend pas dans les livres de parentalité.

Rien ne vous prépare à ce moment où votre enfant vous regarde dans les yeux et dit :

« Je ne veux plus être appelé·e comme ça. Ce prénom ne me correspond pas. »

Pas de script. Pas de repères. Seulement un vertige, parfois une peur. Et pourtant, c’est là que tout se joue : dans votre première réaction, dans ce que vous allez dire, ou ne pas dire. Voici cinq clés pour traverser ce moment sans briser le lien.

1. Écouter avec les oreilles… et avec le cœur

Quand votre enfant vous annonce qu’iel souhaite changer de prénom, ne cherchez pas immédiatement à comprendre ou à rationaliser. Ne coupez pas la parole. Ne tentez pas de poser des étiquettes.
Contentez-vous d’écouter avec présence, comme on accueille un témoignage fragile.

Posez des questions ouvertes :

  • « Est-ce que tu veux me raconter ce que ce prénom représente pour toi ? »
  • « Qu’est-ce que tu ressens quand on t’appelle par l’ancien ? »

👉 La qualité de votre écoute est plus importante que votre degré de compréhension immédiate. Ce que votre enfant guette, c’est votre regard. Pas votre savoir.

2. Faire la différence entre soutien et adhésion

Vous pouvez respecter le prénom choisi sans forcément comprendre tous les enjeux. C’est même ce qui fait la force d’un parent : être capable de dire

« Je ne sais pas tout, mais je suis là. »

Utiliser le prénom choisi, c’est un acte de reconnaissance, pas un renoncement à votre rôle parental. Ce n’est pas “céder” à une lubie, mais offrir un espace d’existence psychique à votre enfant. Et cet espace est souvent le premier pas vers un mieux-être.

3. Accepter que ce ne soit pas définitif… et tant mieux

Certains parents se crispent à l’idée que le prénom change. Puis rechangera. Puis re-rechangera.
Mais si vous lisez entre les lignes, vous comprendrez ceci :

Ce n’est pas une contradiction. C’est un processus.

Le changement de prénom peut être un test, un jeu identitaire, un moment d’expérimentation. Il fait partie de l’adolescence, surtout lorsqu’elle s’entrelace avec une recherche de genre fluide ou non-binaire.

📌 Accueillir cette instabilité, c’est sécuriser la traversée.

4. Se reconnaître soi-même en difficulté (et ce n’est pas grave)

Vous avez le droit de ressentir :

  • de la tristesse,
  • du doute,
  • de la peur,
  • de la nostalgie de l’enfant “d’avant”.

Ce n’est pas une faute. Ce n’est pas une preuve de fermeture. C’est humain. Et en parler — à un·e proche, un·e thérapeute, ou dans un groupe de parents — vous aidera à mieux accompagner sans projeter.

Ne vous imposez pas le rôle du parent “modèle inclusif” du jour au lendemain. Soyez simplement un parent qui avance, pas à pas, sans juger ni vous ni votre enfant.

💬 Accepter le prénom de votre enfant, c’est aussi accepter d’être un parent en transition.

5. S’appuyer sur des ressources fiables et humaines

Si vous sentez que la situation vous dépasse, ou que le mal-être de votre enfant est profond, entourez-vous :

  • d’un·e psychologue ou ou psychothérapeute formé·e aux questions de genre,
  • d’associations de soutien parental (Contact, SOS Homophobie, etc.),
  • d’espaces d’écoute non jugeants.

Ce n’est pas le prénom qui est inquiétant. C’est parfois la souffrance qui le motive. Et vous n’avez pas à tout porter seul·e.

En résumé : Vous n’êtes pas censé·e avoir toutes les réponses. Mais vous êtes la première personne à pouvoir dire :
« Je t’écoute. Je vais essayer. Tu comptes pour moi, quel que soit ton prénom. »

Comment penser ce phénomène sans l’enfermer ?

Changer de prénom. Se dire non-binaire. Demander à être appelé·e « iel ». Ces mots, ces gestes, ces postures interrogent. Ils bousculent. Ils divisent aussi, parfois. Doit-on y voir un effet de société ? Une revendication identitaire ? Une fragilité psychique ? Une transformation culturelle majeure ?

La tentation est grande de coller une étiquette. Mais à force de vouloir expliquer trop vite, on enferme ce qui justement cherche à se dire autrement.

Une époque où le langage s’ouvre… et dérange

Le fait qu’un nombre croissant d’adolescent·es ne se reconnaissent plus dans leur genre assigné à la naissance interroge le rapport que notre société entretient avec les normes.

Le choix d’un prénom neutre ou la revendication du pronom “iel” ne sont pas des fantasmes. Ce sont des formes de subjectivation contemporaines : des manières d’exister en dehors des dualismes imposés.

Ce que ces jeunes refusent, ce n’est pas forcément le féminin ou le masculin. C’est le devoir de choisir entre les deux.

Ni pathologiser, ni idéaliser

Certains adultes pathologisent d’emblée :

  • « C’est une confusion identitaire. »
  • « C’est une influence des réseaux. »
  • « C’est une façon d’attirer l’attention. »

D’autres idéalisent :

  • « Mon enfant a tout compris, c’est un modèle de liberté. »
  • « Je veux être un parent parfait, 100 % inclusif. »

Les deux extrêmes sont des pièges. Car dans les deux cas, l’enfant disparaît derrière le discours.
Le premier l’enferme dans la suspicion, le second dans la projection.

📌 L’enfant non-binaire n’a pas besoin d’être idolâtré ni redressé. Il a besoin d’être écouté sans être capturé.

D’un point de vue psychanalytique…

Ce que le changement de prénom, ou le rejet du genre binaire, vient toucher, c’est la question du Nom-du-Père, de la transmission, du cadre. C’est un moment où l’adolescent dit, en acte :

« Je refuse de me laisser définir par ce qui m’a précédé. »

Est-ce un refus de la filiation ? Pas forcément. C’est souvent un appel à réécrire le lien, à partir d’un nouveau point de départ. Un nom choisi, et non imposé.

C’est une remise en jeu du symbolique, pas sa destruction.

Une boussole possible : la temporalité

Ce qui semble figé aujourd’hui (le prénom, l’identité, le positionnement) peut évoluer.

L’identité de genre, comme toute construction psychique, se joue dans le temps, dans les essais, dans les renoncements.

Il ne s’agit donc pas de trancher, mais de tenir :

  • tenir l’espace de la relation,
  • tenir l’incertitude,
  • tenir bon face aux discours totalisants,
  • et laisser l’enfant faire son chemin, avec des repères souples mais solides.
💬 « L’adolescent ne veut pas qu’on lui dise qui il est. Il veut qu’on l’accompagne pendant qu’il le découvre. »

FAQ – Questions fréquentes des jeunes et des parents

Mon enfant veut changer de prénom à 12 ou 13 ans : est-ce normal ?

Oui, c’est de plus en plus courant. À l’adolescence, il est fréquent que les jeunes cherchent à affirmer leur identité, surtout s’iels ne se reconnaissent pas dans les normes de genre. Le changement de prénom peut être temporaire, symbolique ou plus structurant. Il ne s’agit pas d’un caprice, mais souvent d’un besoin de cohérence intérieure. Plutôt que de paniquer ou de résister, il est recommandé d’écouter, de questionner sans juger et, si besoin, de se faire accompagner.

Que signifie le fait qu’un ado se dise non-binaire ?

Un·e jeune qui se dit non-binaire exprime le fait de ne pas se sentir complètement homme ni complètement femme. Cela peut se manifester par le choix d’un prénom neutre, l’usage du pronom "iel", ou un rejet des stéréotypes genrés. Être non-binaire n’est pas une maladie ni une provocation : c’est une forme d’identité de genre reconnue, notamment par l’OMS et les grandes associations de santé mentale. Il n’y a pas qu’une seule manière d’être non-binaire, et l’identité peut évoluer avec le temps.

Dois-je appeler mon enfant par son nouveau prénom même si je ne comprends pas ?

Oui. Utiliser le prénom choisi par votre enfant, même sans tout comprendre, est un geste de respect fondamental. Cela ne vous engage pas à tout valider, mais montre que vous tenez compte de son ressenti. Ne pas reconnaître ce prénom peut être vécu comme une blessure, voire comme un rejet. Il est tout à fait légitime d’avoir du mal au début : vous pouvez le dire honnêtement, à condition de rester ouvert·e au dialogue.

Est-ce que ce changement signifie qu’iel est transgenre ?

Pas forcément. Le changement de prénom peut faire partie d’une transition de genre, mais aussi d’une phase d’exploration ou d’un positionnement non-binaire. Tous les jeunes qui changent de prénom ne souhaitent pas changer de sexe ni entreprendre une transition médicale. Le plus important est de ne pas projeter ni minimiser, mais d’accompagner l’enfant dans ce qu’iel exprime ici et maintenant, sans forcer l’avenir.

Et si c’est juste une phase ?

Et si c’en est une… ce n’est pas grave. Le développement identitaire passe par des essais, des allers-retours, des expérimentations. Laisser un·e jeune tester un prénom différent ne fait de mal à personne, à condition que le cadre familial reste stable. Ce prénom, même temporaire, peut aider à poser une parole, à traverser une période difficile ou à construire une image de soi plus alignée. Et si iel revient un jour à son prénom de naissance, ce ne sera pas un échec. Juste une étape.

Mon ado utilise un prénom différent sur les réseaux et à l’école : dois-je m’en mêler ?

Plutôt que de s’en mêler brutalement, commencez par en parler avec bienveillance :

« J’ai vu que tu utilises un autre prénom, est-ce que tu veux m’expliquer pourquoi ? »
Dans de nombreux cas, les jeunes testent un prénom dans un cadre sécurisant, à distance du regard familial. Cela peut être un bon point de départ pour échanger. Si cela vous inquiète, ou si vous sentez de la souffrance, il peut être utile de consulter ensemble un·e professionnel·le formé·e aux questions de genre.

Le collège ou le lycée peut-il refuser d’utiliser le prénom choisi ?

En théorie, les établissements scolaires peuvent faire preuve de souplesse. De plus en plus d’établissements acceptent d’utiliser le prénom d’usage, même s’il ne figure pas à l’état civil. La circulaire du ministère de l’Éducation nationale (2021) encourage le respect de l’identité de genre des élèves. Mais dans les faits, cela dépend beaucoup du chef d’établissement. En cas de blocage, un dialogue peut être engagé avec la vie scolaire ou un·e référent·e égalité.

Mon enfant peut-il changer officiellement de prénom avant 18 ans ?

Oui. Depuis la loi Justice du XXIe siècle (2016), le changement de prénom peut se faire en mairie, y compris pour les mineurs. Mais pour les moins de 18 ans, l’accord des deux parents est nécessaire. La demande doit être motivée par un intérêt légitime, ce qui inclut les questions d’identité de genre. En cas de refus parental ou de conflit, une procédure judiciaire peut être engagée avec l’aide d’un·e avocat·e ou du juge aux affaires familiales.

Et le changement de sexe à l’état civil, est-ce possible avant 18 ans ?

Non. En France, un·e mineur·e ne peut pas changer la mention de son sexe à l’état civil. Le changement de prénom est possible, mais la mention du genre (M/F) reste inchangée jusqu’à la majorité. Toutefois, certains jeunes trans ou non-binaires utilisent un prénom d’usage et un genre social différent dans leur quotidien, avec parfois l’accord de l’école ou des structures jeunesse, même sans changement officiel.

Comment en parler à la famille (grands-parents, oncles, etc.) ?

Pas besoin de faire une annonce solennelle. Parlez-en simplement, avec fermeté mais sans dramatisation :

« Notre enfant préfère être appelé·e par ce prénom aujourd’hui. Merci de le respecter. »
Anticipez les maladresses, sans les excuser. Le plus important est de rester cohérent·e dans votre posture parentale, pour que l’enfant sente que vous êtes à ses côtés, même face à des adultes plus rigides.

La fratrie a du mal à suivre : comment gérer ?

C’est fréquent. Les frères et sœurs peuvent être dérouté·es, gêné·es, voire moqueur·ses. Plutôt que de sanctionner directement, commencez par expliquer :

« Ce n’est pas un jeu, ni une mode. C’est important pour elle/lui/iel. »
Encouragez-les à poser leurs questions, à exprimer leurs sentiments. S’ils comprennent que le respect est non négociable, ils apprendront aussi à évoluer. Il est normal que la fratrie mette du temps, comme les parents.

Faut-il tout changer : papiers, vêtements, chambre, etc. ?

Non, pas immédiatement. Et parfois, pas du tout. Ce n’est pas une course au changement total, mais un chemin à co-construire. Parfois, seul le prénom évolue. D’autres fois, le look, les pronoms, voire le mode de vie suivent. Laissez l’enfant guider le rythme. L’essentiel est qu’iel se sente libre d’évoluer… ou de revenir en arrière. Les ados testent, cherchent, ajustent. Vous n’avez pas besoin de valider chaque détail — seulement de rester présent·e.

Est-ce lié à un trouble psy ou un traumatisme ?

Pas nécessairement. La non-binarité n’est pas un trouble mental. C’est une expression identitaire légitime reconnue par de nombreuses institutions de santé mentale. Cela dit, comme pour tout ado, il est important de rester attentif à d’éventuels signes de mal-être psychique, surtout si le changement de prénom s’accompagne de symptômes (isolement, idées noires, angoisse…). Dans ce cas, un accompagnement thérapeutique respectueux de l’identité exprimée est conseillé.

Et si l’autre parent (mon ex) refuse d’utiliser le nouveau prénom ?

C’est une situation fréquente en cas de séparation ou de garde partagée. Si l’autre parent refuse de reconnaître le prénom choisi par l’enfant, cela peut créer un clivage affectif douloureux. Il est important de rappeler que le respect du prénom d’usage relève de l’intérêt supérieur de l’enfant. Si la communication est impossible, vous pouvez faire appel à :

  • une médiation familiale,
  • l’aide d’un·e professionnel·le (psychologue, éducateur·rice),
  • voire au juge aux affaires familiales si cela nuit au bien-être psychique de l’enfant.

Comment se positionner en tant que beau-père ou belle-mère ?

Vous avez un rôle important à jouer, même si vous n’êtes pas le parent biologique. Votre posture peut faire la différence. Le respect du prénom choisi est un acte de reconnaissance fondamental. Si vous êtes perdu·e ou inquiet·ète, exprimez-le… mais pas à l’enfant. Tournez-vous vers le parent principal, un professionnel ou un espace de parole. L’enfant n’a pas à porter vos doutes. Il a besoin que vous soyez une figure bienveillante, stable et sans jugement.

L’école refuse de changer le prénom sur les listes : que faire ?

Malheureusement, cela arrive encore. Même si la circulaire ministérielle du 29 septembre 2021 invite les établissements à respecter le prénom d’usage des élèves trans et non-binaires, son application reste inégale. En cas de refus :

  1. Demandez un rendez-vous avec le chef d’établissement ou la CPE.
  2. Appuyez-vous sur la circulaire.
  3. Si nécessaire, sollicitez une association (Contact, OuTrans, SOS Homophobie) pour médiation.

Certains établissements acceptent d’utiliser le prénom d’usage dans les interactions quotidiennes, même si le prénom officiel reste sur les documents.

Lire aussi Qu’est-ce que la dysphorie de genre ?

Quels livres recommander à mon ado non-binaire (ou à ses proches) ?

Voici quelques références accessibles et bienveillantes :

  • « C'est quoi ton genre ? » – Lyanna Délian (2024) : un guide clair pour comprendre les identités de genre.
  • « Le genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es » – Marie Zafimehy, Aline Laurent-Mayard (202) : pédagogique, utile pour les parents.
  • « Abondance d'euphorie de genre » – Sophie Labelle : une BD jeunesse à destination des ados.
  • Le site de l’association asso-contact.org propose aussi des ressources gratuites à télécharger.

Ces lectures aident à déculpabiliser, mieux comprendre, et ouvrir la discussion en famille.

Mon enfant veut faire son coming-out non-binaire sur les réseaux sociaux : est-ce une bonne idée ?

Cela dépend. Pour beaucoup de jeunes, les réseaux sont un espace d’expression identitaire. Y faire son coming-out peut être libérateur… à condition d’avoir un environnement sécurisé. Parlez-en ensemble. Posez des questions :

  • Pourquoi veux-tu le partager ?
  • Qu’est-ce que ça représente pour toi ?
  • As-tu prévu ce que tu diras si quelqu’un réagit mal ?

Plutôt que d’interdire, aidez-le/la à penser les conséquences et à poser ses limites.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
Pour un soutien personnel ou professionnel, je vous propose un suivi adapté à vos besoins favorisant bien-être et épanouissement, à Versailles.

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