
Le mansplaining, souvent inconscient, révèle des inégalités persistantes dans les échanges entre hommes et femmes. Est-ce une simple maladresse dans la communication ou le symptôme de dynamiques plus profondes qui perpétuent une répartition inégale de la parole et de l'expertise ?
Vous avez probablement déjà vécu cette situation : vous parlez d’un sujet que vous maîtrisez bien, et là, un homme intervient pour vous expliquer quelque chose que vous savez déjà.
Le terme mansplaining, contraction de “man” (homme) et “explaining” (expliquer), désigne un comportement où un homme explique un sujet à une femme en présumant à tort qu’elle ne sait pas, ou qu’elle sait moins. Derrière cette attitude, souvent inconsciente, se joue plus qu’une maladresse : il s’agit d’un rapport de pouvoir subtilement genré, où la parole masculine occupe spontanément une position haute.
Dans la pratique, le mansplaining ne se résume pas à une simple explication. Ce qui le caractérise, c’est l’attitude implicite :
– Je sais mieux que toi.
– Je vais t’expliquer.
– Ton expertise n'est pas équivalente à la mienne.
Même lorsque l’homme n’a aucune intention de dominer, l’effet produit peut être vécu comme condescendant, paternaliste ou invalidant sur le plan psychologique. Ce geste, loin d’être anodin, s’inscrit dans des dynamiques sociales, culturelles et relationnelles structurées depuis l’enfance : socialisation genrée, biais cognitifs, stéréotypes professionnels.
Comprendre le mansplaining, c’est donc reconnaître qu’il ne relève ni de l’humour, ni d’une simple maladresse communicationnelle, mais d’un phénomène psycho-social ancré dans notre culture. L’analyser permet d’ouvrir la voie à des échanges plus respectueux, plus égalitaires… et surtout plus conscients.
C’est une situation où, généralement, un homme prend l'initiative d'expliquer un sujet à une femme, en présumant qu’elle n’en a pas une compréhension suffisante. Ce comportement, bien que souvent non intentionnel, est perçu comme condescendant ou paternaliste.
Ce qui distingue le mansplaining d’une simple discussion, c’est l’attitude implicite derrière l’explication : l’idée que l'homme détient une expertise supérieure, même si ce n'est pas toujours le cas. Ce phénomène n'est pas une simple maladresse, mais un comportement qui s'inscrit dans des dynamiques sociales plus larges.
Le mansplaining est souvent le résultat de biais sociaux et de schémas de socialisation qui influencent la manière dont les hommes et les femmes interagissent. Dès le plus jeune âge, les garçons et les filles reçoivent des messages différents sur la prise de parole et l'affirmation de soi. Les garçons sont encouragés à parler, à affirmer leurs idées, et à occuper l’espace dans les discussions, tandis que les filles sont souvent socialisées pour écouter et se montrer plus réceptives (Duru-Bellat, 2017).
Ce conditionnement social crée, à l’âge adulte, des habitudes où certains hommes peuvent se sentir à l'aise pour expliquer des sujets, même lorsqu’ils ne sont pas des experts. Pour eux, c’est une manière naturelle de participer à la conversation. Ainsi, le mansplaining n’est pas toujours une intention délibérée de dominer la discussion, mais plutôt un comportement appris au fil du temps.
Ces biais sont des stéréotypes profondément ancrés qui influencent nos comportements sans que nous en ayons toujours conscience. Par exemple, dans certains contextes professionnels, les hommes sont souvent perçus comme plus compétents dans des domaines spécifiques, tels que la technologie ou la finance (Delvaux & Mercier, 2020).
Cela explique pourquoi certains hommes peuvent se sentir naturellement investis d’un rôle explicatif, sans se rendre compte qu’ils minimisent involontairement les compétences de leur interlocutrice. Ces biais contribuent à renforcer les inégalités dans les échanges et peuvent expliquer pourquoi le mansplaining se manifeste dans de nombreuses interactions sociales et professionnelles.
Dans toute interaction sociale, la prise de parole est une forme de pouvoir : celui qui parle contrôle en partie le déroulement de la discussion, influence les idées partagées et impose un point de vue. Position haute sur le cadre...
Le mansplaining peut être vu comme une tentative, souvent inconsciente, d’exercer ce pouvoir. Lorsque certains hommes se lancent dans une explication, ils ne cherchent pas nécessairement à nuire à leur interlocutrice, mais ils prennent la parole de manière à s’imposer dans la conversation. Cette dynamique peut être encore plus marquée dans des environnements où les femmes sont moins présentes, comme dans certaines professions traditionnellement dominées par les hommes.
En psychanalyse, le phallus est un symbole central qui représente non seulement l’autorité masculine, mais aussi le pouvoir symbolique en général. Dans ce cadre, le fait d’expliquer quelque chose peut être perçu comme une manière de réaffirmer cette autorité symbolique (Lacan, 1957).
Lorsque certains hommes expliquent des choses qu’ils savent déjà être connues par leur interlocutrice, ils ne cherchent pas nécessairement à minimiser ses compétences. Ils peuvent, inconsciemment, être en train de réaffirmer leur rôle d’autorité dans la discussion. C’est une dynamique qui se joue souvent sans que les individus en soient conscients, mais qui reflète des rapports de pouvoir profonds dans les interactions sociales.
La psychanalyse suggère également que le mansplaining peut être lié à une angoisse de perte de pouvoir. Certains hommes peuvent se sentir menacés par l’expertise d’une femme et réagir en essayant de reprendre le contrôle de la conversation par une explication non sollicitée. Ce mécanisme de défense, bien que souvent inconscient, permet de maintenir une forme de domination dans l’échange verbal.
Le mansplaining n’est pas le seul comportement qui reflète une dynamique de genre et de pouvoir dans les interactions sociales. Un autre exemple est le manspreading, un comportement où certains hommes prennent excessivement de la place physique, par exemple dans les transports en commun, en écartant les jambes sans considération pour l’espace des autres.
Ces deux phénomènes partagent une dynamique similaire : ils impliquent tous deux une appropriation excessive de l’espace, qu’il soit verbal ou physique. Alors que le mansplaining concerne la domination de la conversation, le manspreading concerne la domination de l’espace public. Si vous voulez en savoir plus sur le manspreading et ses implications sociales lisez ceci.
Ce comportement découle souvent de biais sociaux et de dynamiques de pouvoir qui influencent nos interactions sans que nous en soyons conscients. En comprenant ces mécanismes, nous pouvons engager des discussions plus équilibrées, où chacun, homme ou femme, est reconnu pour son expertise.
Le mansplaining est donc un phénomène complexe, qui ne relève pas uniquement de l’individu, mais d’un ensemble de schémas culturels et sociaux plus larges. En prenant conscience de ces dynamiques, nous pouvons évoluer vers des échanges plus respectueux, où chacun a une voix.
Le mansplaining est un phénomène ancré dans des dynamiques sociales, des biais inconscients et des rapports de pouvoir. Il reflète des schémas d’interaction genrée profondément ancrés, mais il ne s’agit pas d’un comportement toujours intentionnel. En comprenant mieux les racines de ce comportement, il est possible d’adopter une approche plus nuancée et de favoriser des conversations plus égalitaires.
Comprendre ces mécanismes permet de poser un regard plus réfléchi sur nos interactions quotidiennes, et d'encourager un dialogue où chacun est écouté et respecté, indépendamment de son genre.
Le mansplaining n’est pas seulement un problème de politesse : il touche à des enjeux psychiques et relationnels plus profonds. Ce comportement traduit souvent des schémas psycho-sociaux ancrés, parfois liés à une agressivité inconsciente ou à un besoin de contrôle. En psychologie clinique, on l’analyse comme un mécanisme issu de la socialisation et de dynamiques de pouvoir. Un thérapeute — qu’il soit psychologue, psychothérapeute ou praticien en approche analytique — peut aider à comprendre ces répétitions qui fragilisent les échanges et le mieux-être émotionnel.
Oui, ce comportement peut être relié à des mécanismes psychologiques souvent inconscients. Certains cliniciens y voient l’effet de schémas issus de la socialisation, parfois mêlés à une anxiété interpersonnelle ou à une forme de névrose légère centrée sur le contrôle. Dans les approches psychodynamiques et psychanalytiques, on analyse ce geste comme une manière de soutenir son image narcissique. Les psychologues et psychothérapeutes observent aussi qu’il peut réactiver chez la personne qui le subit une blessure affective ou un ancien traumatisme, impactant la santé mentale.
Parce qu’il touche à quelque chose de très intime : le sentiment de compétence et la place que l’on occupe dans la relation. Chez les personnes anxieuses ou fragilisées par un stress post-traumatique, un burn-out ou des troubles mentaux légers, ce comportement peut réveiller un mal-être psychique profond. Les approches cognitives, comportementales et corporelles aident à comprendre comment le corps réagit automatiquement à cette intrusion. En thérapie, on travaille à restaurer l’estime de soi et à se réapproprier son espace psychologique.
Le plus souvent, ce comportement n’est pas volontaire : il résulte d’apprentissages culturels et de biais cognitifs intégrés très tôt. Les neurosciences et la psychologie cognitive montrent que nos automatismes verbaux sont fortement influencés par les normes sociales. Pour certains hommes, “expliquer” est une manière intuitive de participer. Les approches psychothérapeutiques — qu’elles soient comportementales, humanistes ou intégratives — peuvent aider à comprendre et modifier ces scripts relationnels. Cela demande du soutien et un réel désir d’évolution personnelle.
Certaines personnes vivent le mansplaining comme une remise en question de leurs compétences, ce qui peut réveiller des zones fragiles du psychisme. Si l’estime de soi est déjà fragilisée par un stress traumatique, une phobie sociale ou des troubles du comportement relationnel, ce comportement peut être vécu plus intensément. En thérapie — qu’elle soit gestalt, systémique ou TCC — on explore comment ces situations réactivent des blessures émotionnelles. Un praticien peut aider à restaurer une posture plus solide et à mieux poser ses limites.
Il est parfois difficile de poser une limite lorsque l’on est déjà en surcharge émotionnelle ou menacée dans son estime de soi. Une réponse simple comme : « Je maîtrise ce sujet » permet de reprendre votre place. Si cela réveille un malaise plus profond ou un vécu traumatique, une approche psychothérapeutique — corporelle, systémique ou cognitive — peut aider à développer une posture plus ancrée. Les praticiens spécialisés en santé mentale accompagnent souvent ce type de situations interpersonnelles.
Oui, surtout lorsqu’il se répète dans le cadre professionnel ou intime. Être constamment interrompue ou “corrigée” peut fragiliser l’image de soi et provoquer un mal-être émotionnel. Certaines femmes développent même une inhibition relationnelle ou une anxiété anticipatoire. Les approches psychothérapeutiques — TCC, analyse transactionnelle, psychanalytique ou intégrative — permettent de comprendre comment ce comportement atteint la psyché et comment reconstruire une confiance stable. Travailler ces enjeux avec un psychothérapeute ou un psychiatre peut réellement transformer l'expérience relationnelle.
Beaucoup de comportements mansplainants s’enracinent dans des schémas culturels et éducatifs plus que dans une réelle volonté de domination. Le cerveau (neuro-psychologique) et les modèles appris dès l’enfance jouent un rôle : prise de parole valorisée pour les garçons, écoute encouragée pour les filles. Cela crée des automatismes relationnels difficiles à repérer. En psychothérapie — qu’elle soit relationnelle ou analytique — on explore ces scripts inconscients. Comprendre leur origine permet de modifier durablement ces conduites et d’adopter une communication plus respectueuse.
Dans certains cas, oui. Lorsque le besoin d'expliquer compulsivement s’accompagne de rigidité, d’agressivité subtile ou de contrôle permanent, cela peut traduire des blessures traumatiques ou des difficultés dans la régulation émotionnelle. En psychopathologie, on sait que certains troubles du comportement relationnel peuvent pousser une personne à occuper systématiquement une position haute pour se sentir en sécurité. Une thérapie — systémique, TCC ou psychothérapeutique intégrative — aide à comprendre ces mécanismes défensifs et à apaiser la relation à l’autre.
La clé est d’équilibrer fermeté et douceur. Une réponse assertive comme : « Merci, je connais bien ce sujet » permet de rétablir la relation sans entrer en conflit. Les approches corporelles (respiration, ancrage) aident à réguler l'agressivité qui monte. Les thérapies relationnelles ou psychothérapies intégratives peuvent soutenir l’apprentissage d’une communication plus assertive. Un thérapeute peut également accompagner le renforcement du sentiment d’efficacité personnelle, souvent fragilisé chez les personnes anxieuses.
Oui. Une thérapie psychodynamique ou psychanalytique explore les racines inconscientes de cette sensibilité : humiliations anciennes, dévalorisation familiale, expériences traumatiques. Les TCC et l’analyse transactionnelle, elles, travaillent les scénarios relationnels et les croyances automatiques. Les approches intégratives combinent ces dimensions psychiques, émotionnelles et corporelles pour comprendre la réaction et y répondre autrement. Un psychothérapeute formé à ces différentes psychothérapies peut vous aider à retrouver un sentiment de sécurité intérieure dans les situations de communication difficiles.
Delvaux, M., & Mercier, C. (2020). Penser les inégalités de genre dans les interactions professionnelles. Revue Française de Sociologie, 61(4), 713-735.
Duru-Bellat, M. (2017). L'école des filles: Quelle formation pour quels rôles sociaux ?. Paris : Presses Universitaires de France.
Freud, S. (1923). Le moi et le ça. Paris : Presses Universitaires de France.
Kraus, M. W., & Mendes, W. B. (2018). The power of voice: Unequal power dynamics and the sense of control. Annual Review of Psychology, 69(1), 241-263.
Lacan, J. (1957). Le séminaire, livre V : Les formations de l'inconscient. Paris : Seuil