
En psychanalyse, psychothérapie, et relation d'aide en général, la neutralité bienveillante, serait-elle une posture idéale ou une illusion ? Inspirée des principes de la psychanalyse freudienne, elle désigne l’attitude du praticien qui s’efforce d’accueillir la parole de l’autre sans jugement, en limitant toute implication subjective. Cette posture vise à offrir un espace de parole sécurisant, où le patient, le coaché ou le supervisé peut déployer librement son inconscient, ses émotions ou ses questionnements. Mais cette neutralité est-elle véritablement possible ? Plus encore, est-elle réellement souhaitable dans la pratique clinique et relationnelle ?
Quelles sont les limites de cette posture, les risques qu’elle peut engendrer et comment l’intégrer avec discernement dans la pratique clinique, l’intervention dans les métiers de l’aide et du soin ? C'est ce que nous allons voir...
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L’idée fondatrice était simple : plus l’analyste restait en retrait, plus il permettait au transfert de se structurer et au travail analytique de se faire en toute autonomie. Cette conception a durablement marqué la psychanalyse classique et a été transposée dans de nombreuses formes de thérapies, d’accompagnement en coaching ou psychologie, sous l’appellation de neutralité bienveillante.
✔ Identifier les moments où la neutralité devient un frein à l’alliance thérapeutique.
✔ Travailler les résonances affectives et le contre-transfert, souvent incompatibles avec une posture purement neutre.
✔ Explorer des alternatives cliniques où l’implication du praticien reste contenante et ajustée.
"L’analyste ne peut être un pur miroir ; il est un sujet impliqué, traversé par des affects, et c’est en assumant cette implication qu’il permet au patient de se transformer."
Des auteurs comme Winnicott (1949/2016) et Roussillon (2019) ont montré que le praticien n’est jamais un simple réceptacle passif : son engagement subjectif, ses affects et son contre-transfert sont des éléments indissociables du processus thérapeutique.
Dès lors, peut-on encore considérer la neutralité analytique comme une exigence absolue, ou faut-il la repenser à l’aune des réalités contemporaines de la relation d’aide et de la supervision ?
La supervision offre justement un espace privilégié pour explorer ces questions et affiner son positionnement clinique.
Or, la relation thérapeutique est fondamentalement intersubjective : elle engage deux sujets, et non un patient face à un praticien neutre et désincarné. Cette illusion de neutralité peut alors devenir contre-productive, tant pour le praticien que pour la personne accompagnée.
Comme l’a souligné Donald Winnicott (1949/2016), il est illusoire de penser que l’analyste puisse être une simple « surface réfléchissante ». Au contraire, le contre-transfert est un élément central de la relation thérapeutique : il témoigne de l’impact émotionnel du patient sur le thérapeute et constitue un matériau clinique précieux.
👉 « L’analyste doit être capable d’assumer ses propres réactions émotionnelles, non pour les imposer au patient, mais pour en faire un outil de compréhension du processus analytique. » – Winnicott
La supervision apparaît alors comme un espace clé pour aider les professionnels à travailler ces affects, les nommer, et éviter qu’ils ne deviennent un frein inconscient dans l’accompagnement.
✔ Apprendre à repérer les affects qui émergent en séance, afin de mieux les comprendre et les transformer en outils d’analyse.
✔ Dépasser la peur du contre-transfert, souvent perçu comme un signe de « faiblesse » alors qu’il est un indicateur précieux du vécu du patient.
✔ S’interroger sur les zones de résonance personnelle pour éviter les confusions entre ce qui appartient au patient et ce qui relève du praticien.
Ainsi, plutôt que d’être niée, la subjectivité du praticien gagné à être pensée et élaborée en supervision, afin d’éviter qu’elle ne s’impose malgré lui dans la relation d’aide.
✔ Une distance excessive, où le thérapeute devient silencieux, distant ou rigide pour ne pas « interférer » dans le travail du patient.
✔ Un évitement des émotions fortes, par crainte que celles-ci ne viennent perturber la posture analytique.
✔ Un refus implicite de l’engagement relationnel, conduisant à une relation désincarnée, où le patient peut se sentir abandonné.
Comme le souligne René Roussillon (2019) :
👉 « Une neutralité qui se fait absence ne protège pas l’espace thérapeutique, elle le vide de sa substance. »
Un praticien qui s’accroche coûte que coûte à une neutralité absolue peut donner l’impression d’être inaccessible ou indifférent, ce qui risque de fragiliser l’alliance thérapeutique.
En supervision, il est possible de :
✔ Identifier quand la neutralité devient un écran plutôt qu’un cadre sécurisant.
✔ Apprendre à ajuster son implication sans basculer dans la fusion ou la surinterprétation.
✔ Travailler l’équilibre entre présence et retenue, pour offrir un cadre relationnel vivant.
Cifali (2005) propose l’idée d’une neutralité engagée, où le praticien n’est ni trop impliqué, ni absent, mais ajuste sa présence en fonction des besoins du patient. C’est précisément en supervision que ce dosage peut être réfléchi et affiné, à partir des situations cliniques vécues par le praticien.
❌ Une neutralité rigide peut devenir un obstacle à la relation et à la compréhension du patient.
✅ Un travail d’élaboration en supervision permet d’ajuster cette posture pour qu’elle ne soit ni une absence, ni une surcharge émotionnelle.
Dans ce cadre, la supervision devient un outil précieux pour trouver un juste équilibre, et permettre aux praticiens de s’ajuster avec subtilité et intelligence clinique à chaque situation.
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Cette posture repose sur l’idée que le praticien ne peut pas être totalement en retrait, mais qu’il doit ajuster son implication pour répondre aux besoins de la relation thérapeutique ou de supervision. Il s’agit alors de maintenir un équilibre subtil entre présence et retenue, permettant d’accompagner sans envahir, d’être impliqué sans s’identifier.
Comme le rappelle François Roustang (1999) :
👉 « L’analyste ne doit ni disparaître, ni imposer sa présence : il doit être là, disponible, ajusté, sans forcer ni fuir. »
L’analyste, le psychothérapeute, le professionnel de la relation d'aide en général ou même le superviseur n’est pas un automate. Il est traversé par des émotions, des résonances, des intuitions. Plutôt que de les nier, il peut les accueillir et les analyser, sans pour autant qu’elles prennent le dessus sur la relation.
Le contre-transfert n’est pas un obstacle, mais un outil clinique fondamental. Il permet de comprendre les dynamiques inconscientes à l’œuvre dans la relation. Cependant, une neutralité engagée suppose que ces affects soient pensés et élaborés, plutôt que vécus de manière brute en séance.
La neutralité absolue risque de produire un effet d’abandon pour certains patients en grande souffrance. Dans des situations de détresse aiguë, le praticien doit savoir ajuster son positionnement : un mot, un geste, un ajustement du cadre peut parfois être nécessaire et structurant.
👉 « Une présence thérapeutique ne se résume pas à écouter en silence. Elle consiste à être là, dans un échange vivant, où chaque mot, chaque absence de mot, a un sens. » Irvin Yalom
Un cadre trop froid ou impersonnel peut fragiliser des patients ayant besoin d’un ancrage relationnel clair. Il est donc essentiel d’adopter une posture vivante, qui sécurise sans tomber dans un excès d’intervention.
Dans le cadre d’une supervision individuelle ou en groupe, on peut travailler :
✔ Les dilemmes entre distance et implication, notamment face à des situations complexes.
✔ Les moments où la neutralité devient une barrière, empêchant le praticien d’être pleinement efficace.
✔ L’ajustement des interventions verbales et non verbales, pour éviter des prises de position trop rigides ou trop fusionnelles.
✔ L’analyse des affects en séance, en comprenant comment les émotions du praticien influencent son écoute et sa réponse clinique.
👉 "La supervision est le lieu où l'on peut interroger ce qui nous traverse, ce qui nous échappe et ce qui nous engage dans la relation. C’est en prenant conscience de ces mouvements que nous ajustons notre posture." – Cifali (2005)
La posture de neutralité engagée permet d’ajuster sa présence et son implication, sans tomber ni dans une froideur excessive, ni dans une implication débordante.
Loin d’être un simple cadre théorique, cette posture représente un levier essentiel pour les professionnels de la relation d’aide, qu’ils exercent en milieu hospitalier, en entreprise, en institution sociale ou dans le secteur éducatif.
👉 Comment alors affiner cette posture pour l’adapter aux différentes pratiques professionnelles ?
✔ Explorer les difficultés rencontrées dans l’application de la neutralité bienveillante face aux défis du terrain.
✔ Analyser les résonances émotionnelles et le contre-transfert dans la relation avec les patients, clients ou équipes.
✔ Ajuster leur posture et leur communication, pour garantir un cadre éthique tout en restant humainement engagé.
✔ Soutenir leur propre évolution professionnelle, en intégrant les avancées issues de la recherche en psychologie et en psychothérapie.
Les supervisions individuelles et en groupe offrent ainsi un espace d’élaboration où les professionnels peuvent réfléchir à leur pratique, prévenir l’épuisement et affiner leur approche face aux difficultés relationnelles et aux demandes de changement.
Cette réflexion se fait tout au long de la vie professionnelle, à travers une formation continue, des espaces d’échange, et surtout, une supervision régulière qui permet de prendre du recul et d’affiner ses interventions.
Dans un monde en perpétuelle évolution, où les attentes des patients et des professionnels de la santé mentale, de l’entreprise et du travail social évoluent, la capacité à ajuster sa posture avec finesse devient une compétence clé.
❌ Une neutralité rigide peut isoler et entraver la communication.
✅ Une neutralité engagée permet une intervention plus souple, plus adaptée et plus efficace.
La supervision devient alors un véritable espace de recherche clinique et d’accompagnement professionnel, permettant aux psychologues, travailleurs sociaux, thérapeutes et autres professionnels de l’aide d’analyser leurs pratiques, de prendre en compte les dynamiques relationnelles et de s’adapter aux changements du terrain.
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Aucun clinicien n’est totalement neutre : le psychisme du praticien est traversé par ses affects, son histoire, ses mouvements inconscients. Dans la pratique, il ne s’agit pas d'effacer sa subjectivité, mais de la mettre au service du patient, dans un cadre rigoureux de déontologie et de responsabilité thérapeutique.
La psychanalyse, la Gestalt, l’approche systémique ou encore les TCC reconnaissent désormais que la relation fait partie du processus thérapeutique et soutient la guérison. La neutralité n’est donc pas absence, mais présence ajustée.
Le contre-transfert, lui, révèle comment le clinicien est affecté par cette relation. Une posture strictement neutre nierait cet échange psychique, pourtant essentiel en psychanalyse active comme en thérapies psychothérapeutiques modernes. Les psychanalystes comme les psychothérapeutes d’orientation intégrative s’accordent à considérer que le contre-transfert analysé, pensé, élaboré devient un outil thérapeutique, pas un obstacle. Reconnaître ces mouvements permet de guérir sans se perdre dans la fusion.
L’authenticité clinique, telle qu’on la rencontre en Gestalt, en analyse transactionnelle ou en thérapie humaniste, ne contredit pas la rigueur de la psychanalyse ou des TCC.
Un psychologue clinicien ou un psychiatre ajusté saura rester suffisamment neutre pour accueillir la parole, tout en étant vivant, présent, incarné. L’objectif n’est pas d’être invisible, mais de rester disponible à la rencontre, sans satisfaire ses propres enjeux narcissiques. La bonne posture est un équilibre où la relation devient un espace psychothérapeutique contenant, soutenant et transformateur.
Un excès de retrait peut aggraver certains états anxieux, renforcer des vécus d’abandon, ou figer des dynamiques traumatiques. Une froideur pseudo-analytique peut même être ressentie comme violente par des patients en névrose ou en fragilité mentale. Une posture rigide trahit souvent une peur du contre-transfert ou un manque d’élaboration personnelle. Dans une perspective psychopathologique et systémique, la présence ajustée du thérapeute est essentielle pour maintenir un cadre thérapeutique contenant, où la psyché peut se réorganiser. Neutralité n'est pas indifférence.
On y analyse le contre-transfert, les résonances psychiques, les enjeux relationnels et les risques de confusion entre soi et l'autre. C’est un espace de croissance indispensable pour toute personne souhaitant devenir psychothérapeute, quel que soit son courant : psychanalyse, TCC, systémique, Gestalt ou modèle intégratif. La supervision aide à maintenir une posture psychothérapeutique rigoureuse, respectueuse du titre de psychothérapeute quand il est d’usage, et garante du cadre thérapeutique.
Les approches comportementales et TCC sont plus directes, parfois éducatives ; la psychanalyse active ou l’analyse psychodynamique misent sur l’écoute, le transfert et l’après-coup ; les thérapies intégratives, transactionnelles, humanistes ou systémiques mobilisent parfois la subjectivité du thérapeute comme levier. L'objectif ne change pas : guérir et soutenir la transformation psychique.
Ce qui évolue, c’est le rythme, le degré d’interaction et la manière de s’impliquer sans saturer l’espace psychothérapeutique.
La neutralité ajustée reste un fil conducteur.
Intervenir trop vite peut court-circuiter le processus inconscient ; se taire toujours peut figer la personne. La présence ajustée, chère aux auteurs psychodynamiques, consiste à être là sans prendre toute la place, à accompagner sans "guider", à ouvrir des pistes sans forcer la guérison. Cela demande une solide formation, une culture clinique, une supervision régulière et une conscience fine du psychisme et des mécanismes défensifs, qu’ils soient névrotiques, traumatiques ou narcissiques.