10 techniques de harcèlement au travail qui doivent vous alerter
2/5/2024

Ces 10 techniques de harcèlement au travail qui doivent vous alerter

Le harcèlement au travail est une réalité insidieuse, souvent minimisée, parfois banalisée, mais dont les effets psychologiques peuvent être profondément destructeurs. Derrière des mots blessants, des silences méprisants ou des regards humiliants, ce sont des mécanismes de pouvoir, de contrôle et d’écrasement subjectif qui s’exercent dans l’ombre des open spaces et des réunions d’équipe. En mobilisant une lecture psychanalytique, on peut mieux saisir les mouvements inconscients qui sous-tendent ces violences. Car il ne s’agit pas seulement de conflits interpersonnels : le harcèlement révèle souvent des enjeux de désir, de rivalité, de castration symbolique, que l’organisation elle-même peut favoriser, tolérer, voire alimenter. Identifier les signes avant-coureurs, oser les nommer, se protéger : telles sont les étapes clés pour sortir du silence et retrouver un pouvoir d’agir. Ce guide vous propose d’explorer les 10 techniques les plus fréquentes de harcèlement moral au travail, leurs mécanismes psychiques, leurs impacts profonds, et surtout les ressources concrètes pour y faire face.

Table des matières

Qu'est-ce que le harcèlement au travail ?

Le harcèlement au travail désigne un ensemble de comportements abusifs, répétés et déstabilisants, qui visent à affaiblir, isoler ou anéantir psychiquement une personne dans son cadre professionnel.

Il peut être verbal, psychologique ou physique, mais il agit toujours comme une violence insidieuse, souvent difficile à prouver, et pourtant ravageuse.

Selon la loi, le harcèlement moral se caractérise par des agissements qui ont pour objet ou pour effet de :

  • Dégrader les conditions de travail ;
  • Porter atteinte aux droits ou à la dignité ;
  • Altérer la santé mentale ou physique du salarié ;
  • Ou encore compromettre son avenir professionnel.

Cela peut prendre la forme de critiques constantes, de mises à l’écart, de menaces voilées, de rumeurs destructrices, de dénigrements systématiques ou de tâches absurdes imposées. Le harcèlement sexuel, quant à lui, concerne tout comportement à connotation sexuelle non désiré, qu’il soit physique, verbal ou gestuel.

Une mécanique perverse sous des apparences banales

Le plus souvent, ces comportements se déroulent dans la durée, de manière subtile, parfois sous couvert de « blagues », de « simples observations », ou de « management exigeant ». C’est précisément ce caractère ambigu et souterrain qui rend le harcèlement si difficile à identifier… et si destructeur.

Du point de vue de la psychanalyse, ces actes ne sont jamais anodins. Ils traduisent une tentative de domination psychique, un désir inconscient de soumettre l’autre, de l’objectiver, de le priver de sa parole et de son désir propre. Le harceleur cherche à réduire l’autre à une fonction, à un objet dans le discours, plutôt qu’à reconnaître un sujet.

Il s’agit donc moins d’un conflit entre deux personnes que de la mise en œuvre d’un rapport de pouvoir pathologique, qui s’inscrit parfois dans une culture d’entreprise défaillante ou complice.

Les 10 techniques de harcèlement qui doivent vous alerter

1. Isolement professionnel et social : le premier signal d’alerte

L’isolement au travail est souvent le premier symptôme d’un climat délétère.

Il commence discrètement : vous n’êtes plus convié·e aux réunions, vos messages restent sans réponse, les pauses café se passent sans vous.

Peu à peu, vous sentez que votre présence est tolérée mais ignorée, comme si vous étiez devenu·e invisible.

Dans une lecture psychanalytique, l’exclusion du lien symbolique équivaut à une tentative de déliaison : vous ne faites plus partie du récit collectif. Cela fragilise votre identité professionnelle… et votre intégrité psychique.

Comment se manifeste ce type de harcèlement ?

  • Exclusion des décisions importantes : vous êtes systématiquement écarté·e des échanges stratégiques, ce qui vous empêche de contribuer pleinement et fragilise votre légitimité.
  • Rupture des opportunités relationnelles : être tenu·e à l’écart, c’est aussi perdre des chances de réseautage, de mobilité interne et de visibilité dans l’entreprise.
  • Impact sur la santé mentale : ce sentiment de rejet peut entraîner anxiété, troubles du sommeil, dépression. L’humain est un être de lien. L’isolement professionnel est une atteinte narcissique majeure.
  • Baisse de reconnaissance : en étant invisibilisé·e, vos compétences passent inaperçues, vos réussites sont tues. Votre estime de soi s’effondre.

Une stratégie insidieuse… souvent déguisée

Le plus pervers dans cette technique ?

Elle peut être justifiée par des arguments apparemment rationnels : "pas indispensable à cette réunion", "pas assez senior", "manque d’initiative". Cette rationalisation du harcèlement rend la situation plus difficile à dénoncer… et donc plus toxique.

2. Dévalorisation systématique

Recevoir des critiques constantes, se voir minimisé·e à chaque prise de parole, avoir l’impression que rien de ce que vous faites n’est jamais assez bien

La dévalorisation au travail est l’une des formes les plus courantes — et les plus destructrices — de harcèlement moral.

Sous couvert d’exigence professionnelle ou de perfectionnisme, le harceleur cherche à affaiblir progressivement le moi de sa cible. En termes psychanalytiques, il s’agit d’une attaque narcissique qui vise à briser le sentiment d’identité, à désarmer le sujet de son désir, et à l’amener à douter de sa légitimité existentielle.

Les manifestations typiques de la dévalorisation professionnelle

  • Critiques infondées et répétées : elles ne reposent pas sur des faits objectifs, mais sur des jugements flous, subjectifs, souvent exagérés, qui cultivent le doute permanent.
  • Remarques blessantes sur la personne : ce ne sont plus les tâches ou résultats qui sont remis en question, mais l’individu lui-même : son style, sa posture, son intelligence, sa manière d’être.
  • Comparaisons humiliantes : vous êtes sans cesse mesuré·e à d’autres collègues, toujours présentés comme « meilleurs », « plus fiables », « plus compétents ».
  • Minimisation ou effacement des réussites : vos efforts sont ignorés, vos idées reprisent sans vous créditer, vos succès attribués à d’autres.
  • Dégradation de la motivation : peu à peu, cette érosion continue de votre valeur perçue vous pousse à vous désengager, à éviter les prises d’initiative, à vous autocensurer.

Pourquoi cette stratégie est-elle si violente ?

Parce qu’elle détruit de l’intérieur. Vous finissez par intérioriser les attaques, par vous demander si le problème ne vient pas de vous. Ce glissement du discours externe au discours interne est précisément ce que vise le harceleur : faire en sorte que la victime s’auto-détruise psychiquement, sans avoir à lever la voix.

3. Surveillance excessive

Être constamment observé·e, sentir que chacun de vos gestes est scruté, vos horaires notés, vos mails disséqués…

La surveillance excessive au travail dépasse le simple encadrement : elle devient un outil de contrôle psychique et de réduction de la liberté intérieure.

Dans une perspective psychanalytique, on peut y lire une mise en œuvre du regard comme instrument de pouvoir. Lacan nous rappelle que le regard n’est pas neutre : il structure le sujet, le fige ou le libère. Ici, il emprisonne, traque, désubjective.

Comment cette surveillance se manifeste-t-elle concrètement ?

  • Monitoring intrusif : chaque action est contrôlée — connexion aux logiciels, temps passé sur une tâche, pauses minutées, retours en temps réel exigés.
  • Demande de justifications constantes : "Pourquoi ce choix ?", "Pourquoi n’est-ce pas encore fait ?", "Tu étais où ?" — des interrogations répétées qui installent un climat de soupçon permanent.
  • Technologies de surveillance abusives : logiciels espions, caméras, traçabilité numérique — l’espace de travail devient un espace sous contrôle total.
  • Hyperdisponibilité exigée : répondre à toute heure, y compris hors du temps de travail, comme si la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle devait disparaître.
  • Réduction de l’initiative : sous un contrôle permanent, la personne n’ose plus proposer, créer ou improviser. La peur de mal faire inhibe toute spontanéité.

Les effets psychiques : de l’anxiété à la perte de soi

Être soumis·e à une surveillance continue génère un état d’hypervigilance, souvent associé à de l’anxiété, de la fatigue mentale, voire à des symptômes proches du burn-out.

On se sent dépossédé·e de son autonomie, infantilisé·e, déshumanisé·e.

Ce harcèlement par le regard crée une scène imaginaire constante : le salarié devient l’acteur d’un théâtre permanent, privé d’intimité psychique, réduit à un objet évalué en continu.

4. Communication hostile

Dans un cadre professionnel, le langage devrait être un outil de collaboration.

Mais entre les mains d’un harceleur, il devient une arme redoutable, utilisée pour blesser, humilier, rabaisser. La communication hostile s’installe dans les silences lourds, les sarcasmes à répétition, les remarques acides qui laissent une trace.

Du point de vue de la psychanalyse, ces paroles ne sont pas anodines. Lacan rappelle que le langage structure l’inconscient : ce que nous entendons vient s’inscrire profondément en nous. Les mots du harceleur marquent le sujet, l’attaquent au plus intime de son être.

Formes courantes de communication toxique

  • Sarcasmes, ironie constante : "C’est de l’humour", dira-t-on. Mais ce soi-disant humour est en réalité un outil de domination, qui déstabilise et empêche toute riposte sans passer pour « susceptible ».
  • Critiques humiliantes, souvent en public : elles visent à réduire la personne au silence, à l’infantiliser devant ses collègues, créant un climat d’intimidation.
  • Menaces voilées : "Tu sais, tout peut s’arrêter vite dans une boîte comme celle-ci", ou "Tu n’es pas à l’abri d’une réorganisation…" — des sous-entendus lourds qui instillent la peur.
  • Réponses condescendantes : votre supérieur vous coupe la parole ? Vous corrige en réunion avec un sourire méprisant ? C’est une manière de vous invisibiliser symboliquement.
  • Langage non verbal agressif : soupirs, regards méprisants, haussements d’épaules… le harcèlement passe aussi par ce qui n’est pas dit, mais qui se ressent violemment.

Un climat anxiogène qui épuise

Être exposé·e jour après jour à une communication agressive entraîne une hypervigilance émotionnelle : on craint chaque réunion, chaque e-mail, chaque prise de parole. La peur d’être humilié·e conduit à l’auto-censure, à la retraite psychique, et parfois au refus de parler. On se désengage, on s’efface.

Ce harcèlement par la parole attaque non seulement l’estime de soi, mais le lien au langage lui-même : ce qui nous fait sujet.

5. Tâches dévalorisantes ou absurdes

Être assigné·e à des tâches qui n’ont aucun intérêt, qui sont en-dessous de vos compétences, ou qui vous ridiculisent aux yeux des autres, n’est pas seulement démoralisant : c’est une forme de violence symbolique.

Dans la logique du harcèlement professionnel, il ne s’agit pas de vous occuper utilement, mais de vous déposséder de votre désir de réalisation. La psychanalyse nous enseigne que ce qui donne sens à l’existence, c’est la possibilité de se sentir sujet dans ses actes.

En vous confiant des tâches vides ou absurdes, on vous réduit à l’état d’objet.

Comment cette stratégie se manifeste-t-elle ?

  • Missions sans rapport avec vos qualifications : vous avez un poste d’expert·e, mais on vous demande de faire des photocopies à longueur de journée ou de ranger les archives — un message implicite : "Tu ne mérites pas mieux".
  • Répétition de tâches monotones et inutiles : confier encore et encore des activités mécaniques sans intérêt ni évolution possible, alors que vos collègues participent à des projets stimulants.
  • Manque de reconnaissance : même lorsqu’elles sont bien faites, ces tâches ne donnent lieu à aucun remerciement, aucune valorisation. Vous êtes instrumentalisé·e, vidé·e de toute fonction symbolique.
  • Assignation punitive : certains harceleurs utilisent cette stratégie pour "punir" une prise de parole, un refus, une demande légitime, en vous isolant dans des missions stériles.
  • Impact sur l’identité professionnelle : à force d’accomplir des tâches sans valeur, on finit par se croire sans valeur. La confiance en soi s’effondre, et le désengagement psychique s’installe.

Quand le travail ne fait plus sujet

Dans cette configuration, le travail n’est plus un espace de reconnaissance, mais un lieu de dépossession de soi.

On vous ôte le droit au désir, à la création, à la parole. C’est une atteinte à la subjectivité, et c’est ce qui en fait un levier de harcèlement redoutable.

Lire aussi Le brown-out, quand l'âme se débranche du travail

6. Menaces voilées ou explicites

Dans un environnement de travail toxique, les menaces — même implicites — sont des instruments redoutables de soumission psychique.

Elles visent à briser la sécurité intérieure, à faire taire, à maintenir la personne sous emprise. Plus encore que la punition, c’est l’anticipation de la punition qui devient paralysante.

La psychanalyse nous éclaire ici : menacer, c’est atteindre l’intégrité symbolique du sujet, son image dans le miroir social, pour reprendre Lacan. C’est faire trembler l’inscription du sujet dans le monde, le confronter à la castration sociale, à la chute de sa place.

Comment les menaces se manifestent-elles au travail ?

  • Menaces sur l’emploi : phrases insinuantes comme « tu sais, tout le monde est remplaçable », ou encore « attention à ton avenir ici ».
  • Menaces de représailles professionnelles : "Tu ne seras jamais promu·e", "Avec ce que tu fais, tu ne passeras pas la prochaine évaluation" — autant de sabres suspendus au-dessus de la tête.
  • Menaces voilées dans le ton ou les sous-entendus : elles ne sont jamais formulées clairement, mais elles sont entendues, ressenties, intégrées — et c’est précisément ce flou qui les rend plus pernicieuses.
  • Chantage affectif ou statutaire : "Je t’ai protégé·e jusqu’ici, mais je ne pourrai plus rien pour toi…" — une désintrication du lien utilisée pour culpabiliser ou museler.

Les effets psychiques : sidération et repli

Les menaces, même subtiles, instaurent un climat de terreur silencieuse.

La victime anticipe le pire, modifie ses comportements, renonce à dire non, s’autocensure. Ce climat instable peut conduire à une hypervigilance pathologique, à de l’anxiété chronique, voire à des troubles du sommeil ou à une dépression sévère.

On finit par intérioriser l’idée que le monde est dangereux, que l’on ne peut compter que sur soi, et surtout qu’il faut se taire pour survivre.

7. Critiques constantes : éroder la confiance, jour après jour

Les critiques incessantes, surtout lorsqu’elles sont infondées, disproportionnées, ou humiliantes, constituent l’un des outils les plus répandus du harcèlement moral au travail.

Sous prétexte d’« encadrement » ou de « feedback », le harceleur met en place un discours répétitif et dévalorisant, qui vise à affaiblir psychiquement sa cible.

En psychanalyse, cette technique peut être vue comme une attaque du moi, une tentative de désorganisation narcissique. En sapant la confiance en soi de façon systématique, on désubjective, on fragilise le socle identitaire du sujet.

Comment se manifeste ce harcèlement par la critique ?

  • Remarques négatives permanentes : "Tu ne fais jamais bien", "Tu prends trop de temps", "Ce n’est pas comme ça qu’il faut faire". Ces commentaires reviennent quotidiennement, même en l’absence d’erreur réelle.
  • Absence de reconnaissance : les réussites sont passées sous silence ou minimisées, tandis que le moindre faux pas est surexposé.
  • Critiques en public : humilier la personne devant ses collègues est une manière de l’attaquer dans son image sociale, de casser son autorité ou son sentiment de légitimité.
  • Jugements personnels déguisés en conseils : "Tu manques vraiment de maturité", "Tu devrais apprendre à penser plus vite" — ce ne sont plus des remarques professionnelles, mais des attaques identitaires.

Les conséquences psychiques : déstabilisation, retrait, effondrement

Exposé·e à ce discours négatif constant, la victime finit par intérioriser la voix du harceleur : elle doute d’elle-même, relit chaque action sous l’angle de l’échec, n’ose plus proposer, créer, agir.

Ce type de harcèlement mine progressivement la motivation, conduit à une perte de sens au travail, et peut déclencher un état dépressif sévère, voire une forme de désengagement total.

Dans une logique perverse, les critiques entraînent une baisse de performance… qui servira ensuite de justification à encore plus de critiques. C’est le cercle vicieux parfait du harcèlement moral.

8. Sous-évaluation des compétences

Être constamment dévalorisé·e, voir son travail ignoré ou ses idées attribuées à d’autres, c’est vivre une forme insidieuse de harcèlement au travail : la sous-évaluation des compétences.

Elle agit comme un lent poison, sapant la confiance professionnelle, rendant invisible toute forme d’expertise ou d’investissement.

La psychanalyse éclaire cette dynamique à travers la notion de désaveu du désir : en niant la valeur de ce que le sujet produit, le harceleur cherche à frustrer son besoin de reconnaissance, à lui ôter toute inscription symbolique dans l’univers professionnel.

Signes fréquents de ce type de harcèlement

  • Ignorance des contributions : vos propositions ne sont pas prises en compte, vos idées sont laissées sans suite… jusqu’à ce qu’un autre les exprime, et reçoive les félicitations.
  • Minimisation systématique des réussites : même lorsque les résultats sont excellents, on vous dit "tu as juste eu de la chance", ou "ce n’était pas si compliqué".
  • Comparaisons injustes : vous êtes sans cesse comparé·e à d’autres, souvent présenté·e comme « pas assez bon·ne », malgré des performances équivalentes ou supérieures.
  • Feedbacks biaisés : vos évaluations de performance ne reflètent pas vos réels apports, et les retours constructifs sont absents ou tronqués.
  • Blocage des évolutions : promotions, formations, projets à responsabilités… tout vous échappe sans raison claire, comme si vous étiez étiqueté·e "pas assez compétent·e".

Effets psychiques : perte de repères et doute identitaire

Petit à petit, cette stratégie sape la construction narcissique du sujet : si rien n’est jamais reconnu, pourquoi continuer ?

La motivation s’effondre, la culpabilité s’installe, et l’on en vient parfois à penser : "Je suis nul·le. Je ne mérite pas mieux."

C’est là que réside la violence symbolique : le sujet ne se reconnaît plus dans ce qu’il fait. Il est déconnecté de son propre désir, et devient spectateur désabusé de son travail.

9. Propagation de rumeurs : attaquer l’identité sociale

Les rumeurs au travail ne sont pas de simples bavardages.

Lorsqu’elles sont répétées, insistantes et malveillantes, elles deviennent un puissant levier de harcèlement moral.

Le harceleur ne vous attaque plus frontalement, mais infiltre le collectif pour modifier l’image que les autres ont de vous. C’est une attaque contre votre identité sociale, là où s’articulent reconnaissance, estime et appartenance.

Pour la psychanalyse, cela touche directement au registre de l’imaginaire, celui qui façonne la représentation de soi dans le regard de l’autre. Être la cible de rumeurs, c’est voir son reflet altéré, déformé, dissocié de sa vérité subjective.

Comment reconnaître ce type de harcèlement ?

  • Diffusion d’informations fausses ou déformées : on répand des allégations sur votre comportement, vos compétences, voire votre vie privée, sans jamais vous confronter directement.
  • Chuchotements dans les couloirs : vous sentez les regards changer, les conversations s’arrêter à votre approche… sans jamais pouvoir identifier clairement l’origine du rejet.
  • Rumeurs insidieuses et persistantes : elles prennent racine dans le flou, se nourrissent d’ambiguïté, et finissent par être prises pour vraies, simplement parce qu’elles circulent.
  • Altération de vos relations professionnelles : collègues qui s’éloignent, confiance rompue, projets qui vous échappent — sans que personne n’ose vous dire pourquoi.

Les impacts : isolement, perte de crédibilité, souffrance psychique

Les rumeurs sont redoutables car elles désorganisent votre réseau relationnel.

Vous perdez vos allié·es, votre réputation est entachée, et vos initiatives sont perçues avec suspicion. Cela mène à un isolement progressif, à une baisse d’estime de soi, et à une grande souffrance existentielle.

Ce harcèlement diffus agit en profondeur : il altère l’image que vous avez de vous-même, et ébranle le sentiment d’appartenance au collectif. Il laisse souvent les victimes sans mot, car difficile à prouver, difficile à confronter.

10. Blocage du développement professionnel : couper l’élan, tuer le désir

Lorsque votre évolution est freinée sans justification, que vos demandes de formation, de mobilité interne ou de promotion sont ignorées ou rejetées, il ne s’agit pas toujours d’une simple inertie organisationnelle.

Cela peut relever d’une forme de harcèlement moral visant à immobiliser psychiquement la personne.

La psychanalyse nous enseigne que le désir de progression est un moteur essentiel de la vie psychique. Empêcher quelqu’un d’avancer, c’est s’attaquer à sa capacité de projection, à sa représentation de l’avenir, à ce qu’il a de plus vivant : son élan vital.

Comment se manifeste ce blocage ?

  • Refus d’accès à la formation : alors que d’autres y ont droit, vous êtes systématiquement écarté·e sans explication valable.
  • Éviction de projets porteurs : vous n’êtes jamais choisi·e pour les missions visibles, innovantes ou stratégiques, ce qui limite votre exposition et vos chances d’avancer.
  • Absence de promotion malgré vos résultats** : même avec un excellent bilan, vous restez au même poste, sans perspectives.
  • Rétention d’information ou de reconnaissance : on vous empêche d’être vu·e, entendu·e, valorisé·e — votre visibilité est volontairement entravée.
  • Feedback dévalorisant pour justifier le statu quo : vos évaluations sont biaisées, voire injustes, pour masquer une volonté de vous garder à l’écart.

Les effets psychiques : frustration, perte de sens, repli

Face à cette forme de harcèlement, le ressenti est souvent douloureusement diffus. On a l’impression de faire du surplace, d’« être puni·e sans faute », de « ne jamais être le bon profil ». Le sujet finit par douter de son droit à désirer, à progresser, à exister.

Ce blocage professionnel est une castration symbolique : on vous prive non seulement d’une reconnaissance extérieure, mais aussi de votre pouvoir d’agir sur votre destin.

L’impact psychologique du harcèlement

Le harcèlement au travail ne s’arrête pas à la porte du bureau. Il s’infiltre dans les pensées, les émotions, le corps.

Il hante les nuits, rôde dans les silences, rongent les certitudes. C’est une violence sourde, parfois invisible, mais aux effets dévastateurs.

La psychanalyse nous rappelle que le moi se construit dans le lien à l’autre, dans la reconnaissance, dans le symbolique. Être harcelé·e, c’est vivre une attaque contre ce moi, une désorganisation du sentiment d’existence, une mise à mal du narcissisme fondamental.

Des symptômes profonds et durables

  • Anxiété chronique : vous êtes en état d’alerte permanent, comme si chaque mail, chaque regard pouvait contenir une menace.
  • Dépression : la perte de sens, l’épuisement émotionnel, le sentiment d’impuissance peuvent conduire à un état de vide intérieur, de désinvestissement total.
  • Insomnies, cauchemars, troubles psychosomatiques : le corps parle quand la parole est empêchée. Les douleurs inexpliquées, les maux de ventre, les tensions musculaires sont souvent les signes physiques d’un psychisme malmené.
  • Isolement social : par honte, par peur de ne pas être cru·e, ou parce que le harceleur a semé le doute, vous vous retranchez — ce qui aggrave encore la souffrance.
  • Perte de confiance en soi : on finit par croire que tout est de sa faute, que l’on mérite ce qui arrive, que l’on n’est « plus capable ».

Un traumatisme qui peut laisser des traces durables

Dans les cas prolongés, le harcèlement peut provoquer des symptômes comparables à ceux du trouble de stress post-traumatique (TSPT) : flashbacks, hypervigilance, évitement, irritabilité, fatigue extrême.

Ce n’est pas « juste un mauvais moment à passer » : c’est parfois une désintégration de l’identité subjective, une forme de meurtre symbolique.

Et parce que le lieu de travail est censé être un espace structurant, productif, socialisant, lorsque cet espace devient dangereux, c’est tout le rapport au monde qui peut vaciller.

Se défendre face au harcèlement au travail

Face au harcèlement moral au travail, l’un des premiers réflexes est souvent le silence. Par peur, par doute, par fatigue. Mais ce silence, s’il protège un temps, isole, enferme, use.

La psychanalyse nous enseigne que la parole est acte. Pouvoir dire ce qui fait mal, mettre en mots ce qui vous ronge, c’est commencer à reprendre la main sur une situation qui cherche justement à vous faire taire. Vous n’êtes pas seul·e. Et vous avez des ressources concrètes pour réagir.

🔹 Briser l’isolement : la première étape pour sortir de l’emprise

Le harcèlement agit dans l’ombre. Il se nourrit du repli, de la culpabilité, du doute. C’est pourquoi il est vital de parler à quelqu’un : un·e collègue de confiance, un·e représentant·e du personnel, un·e psychologue du travail, un·e thérapeute.

S’autoriser à parler, c’est sortir de l’emprise psychique, remettre du symbolique là où le lien était devenu toxique.

🔹 Documenter chaque acte : objectiver le subjectif

Notez chaque incident : dates, heures, lieux, contenu des échanges, témoins éventuels. Ce journal de bord pourra constituer une preuve importante si vous engagez une démarche auprès des ressources humaines ou des instances juridiques.

Ce travail d’écriture est aussi une reconquête subjective : il vous permet de réorganiser votre récit, de reprendre le fil de ce qui vous arrive.

🔹 Confronter (si possible) le harceleur

Si vous vous sentez en sécurité, il peut être utile de formuler clairement à la personne concernée que son comportement est inacceptable, en citant la loi sur le harcèlement moral. Restez factuel·le, posé·e, assertif·ve.

Mais si cela vous met en danger, n’agissez pas seul·e. Vous n’avez pas à affronter la violence sans soutien.

🔹 Alerter la hiérarchie ou les RH

Prévenez un·e supérieur·e hiérarchique ou le service des ressources humaines, idéalement par écrit, pour garder une trace. S’ils ne réagissent pas, vous pouvez saisir la médecine du travail, l’inspection du travail, ou les représentants du personnel.

Il est essentiel de formaliser votre démarche, même si vous ne vous sentez pas encore prêt·e à engager une procédure complète.

🔹 Envisager un accompagnement thérapeutique

Le harcèlement laisse des blessures profondes, parfois invisibles mais bien réelles. Consulter un·e psychologue ou un·e psychanalyste permet de :

  • Sortir de la confusion psychique ;
  • Retrouver sa place comme sujet parlant ;
  • Réparer l’image de soi qui a été abîmée ;
  • Préparer une sortie de crise — qu’elle soit juridique, professionnelle ou existentielle.

🔹 Ne pas rester seul·e : la solidarité protège

Si vous découvrez que d’autres collègues subissent le même traitement, n’hésitez pas à vous regrouper pour agir ensemble. Le harcèlement repose souvent sur la division. Le soutien collectif, lui, fait résistance.

Harcèlement moral au travail : ce que dit la loi

Le harcèlement moral au travail n’est pas une simple mésentente. C’est un délit reconnu par le Code du travail et le Code pénal, aux conséquences graves, tant pour la victime que pour l’auteur.

🔹 Une définition juridique claire

Selon l’article L1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet ou pour objet :

  • de dégrader ses conditions de travail,
  • de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
  • d’altérer sa santé physique ou mentale,
  • ou de compromettre son avenir professionnel.

Autrement dit, l’intention n’a pas besoin d’être prouvée : ce sont les effets sur la victime qui comptent.

🔹 Des sanctions prévues par la loi

Le harcèlement moral est puni par l’article 222-33-2 du Code pénal :

  • Jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende ;
  • Et jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 € d'amende si les faits ont provoqué une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, ou s’ils ont été commis sur une personne vulnérable.

L’auteur peut être un·e collègue, un·e supérieur·e hiérarchique… mais aussi un·e subordonné·e ou une personne extérieure à l’entreprise (client, prestataire…).

🔹 L’employeur a une obligation de protection

L’entreprise a le devoir légal de prévenir, faire cesser et sanctionner le harcèlement moral. Si elle laisse faire ou couvre les agissements, sa responsabilité peut être engagée aux prud’hommes ou au pénal.

Ne rien faire, c’est s’exposer à des conséquences juridiques importantes.

🔹 Que faire si vous êtes victime ?

  • Conservez les preuves (mails, SMS, témoignages, fiches d’évaluation, journal de bord).
  • Alertez les RH, la hiérarchie, ou la médecine du travail.
  • Contactez l’inspection du travail ou un·e avocat·e spécialisé·e en droit du travail.
  • Vous pouvez aussi saisir le conseil de prud’hommes, voire déposer plainte au pénal si les faits sont graves.

🔹 Ressources officielles et lectures utiles

En finir avec le silence : vous avez le droit d’être respecté·e

Le harcèlement au travail n’est pas un simple « mal-être » ou une affaire personnelle. C’est une violence structurelle, souvent invisible, mais profondément destructrice. Il touche à ce que nous avons de plus intime : notre dignité, notre désir, notre sentiment d’existence.

La psychanalyse nous aide à comprendre à quel point ces attaques ne sont pas seulement comportementales — elles sont symboliques. Être harcelé·e, c’est être effacé·e dans le regard de l’autre, détrôné·e de sa place de sujet, dépossédé·e de sa voix.

Mais rien n’est figé. Même dans le désarroi, il existe des ressources, des mains tendues, des espaces pour se reconstruire.

Vous avez le droit :

  • D’être entendu·e.
  • D’être accompagné·e.
  • De refuser la violence déguisée en exigence.
  • De retrouver votre valeur, votre voix, votre place.

Chez Psy Coach Versailles, nous accueillons ceux et celles qui ont été confronté·es à ces dynamiques douloureuses. À travers une écoute bienveillante, un cadre thérapeutique sécurisé, et une approche qui allie psychanalyse, thérapie stratégique, et accompagnement personnalisé, nous vous aidons à réparer, comprendre… et surtout renaître à vous-même.

Ne restez pas seul·e face au harcèlement. Parler, c’est déjà commencer à reprendre du pouvoir sur sa vie.

Par Frédérique Korzine,
psychanalyste à Versailles
Pour un soutien personnel ou professionnel, je vous propose un suivi adapté à vos besoins favorisant bien-être et épanouissement, à Versailles.

Psychanalyse, hypnose, coaching, supervision et thérapies brèves.

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