Courage, mode d'emploi
20/5/2020

Courage, mode d'emploi

CYNTHIA FLEURY : "LE COURAGE EST LE MOTEUR D'UNE ENTRÉE DANS LE MONDE

Bon courage ! (4|6). Il n’est pas question ici d’héroïsme, mais de cette vertu qui fait tenir au quotidien. Cette semaine, la philosophe explique comment le courage d’exister en tant qu’individu est nécessaire à la régulation de l’espace politique.

Propos recueillis par Julie Clarini Publié le 03 août 2018 à 12h18 - Mis à jour le 03 août 2018 à 12h18

Philosophe, Cynthia Fleury est professeure au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire humanités et santé. Elle a notamment signé La Fin du courage (Fayard, 2010), puis Les Irremplaçables (Gallimard, 2015).

DANS L’IDÉE COMMUNE, LE COURAGE SE MANIFESTE PAR UN ACTE EXCEPTIONNEL QUI FAIT RUPTURE, EST-CE TOUJOURS VRAI ?

Il existe une approche historique du courage où ce dernier est effectivement exceptionnel, porteur d’un commencement. C’est le sens profond de la rupture : commencer une nouvelle histoire, celle de la liberté, celle de la justice, celle de l’amour. Non pas la rupture pour la rupture. Le courage est ainsi le moteur d’une entrée dans le monde, une façon de faire lien avec les autres. Dans La Fin du courage, j’ai essayé de montrer que cette notion recouvre un large spectre, qui va de l’acte exceptionnel de confrontation avec le « réel de la mort » à d’autres qui relèvent plus de la lutte incessante contre le découragement, de la défense d’une décence commune, etc.

LE COURAGEUX, DITES-VOUS, A TOUJOURS PEUR...

L’acte du courage est une conscientisation de la peur, qui va de la considération à sa critique, et à son dépassement. Si l’individu n’a pas peur, il ne peut pas être courageux. Il sera inconscient. Le courage est indissociable d’un acte raisonnable, il relève d’un pacte avec la raison et non avec l’hubris, sinon il devient passion, orgueil, intempestivité, démesure. Dans le cas contraire, tous les passages à l’acte seraient considérés comme courageux – ce qui évidemment serait problématique.

Donc pas de courage sans peur, sans interrogation sur le sens du risque à prendre, sur le sens de l’action à mener, sur le projet qui sous-tend l’acte courageux. C’est cela qui fait du courage quelque chose de l’ordre de la décision – qu’on prend parfois de manière imperceptible parce qu’on la porte en nous depuis longtemps. Ainsi, même si les auteurs d’un acte courageux expliquent que cela s’est tout simplement imposé à eux, il y a toujours quelque chose du sujet dans l’acte.

PEUT-ON DONC PORTER EN SOI CETTE PRÉDISPOSITION AU COURAGE ?

Il y a des cultures, des éducations, des valeurs qui prédisposent au courage, au sens où elles l’enseignent, le corrèlent à un ensemble de moyens et de compétences. Prenons le cas du gendarme Beltrame : il a décidé de prendre la place d’un otage dans l’attentat de Carcassonne [le 23 mars] en fonction, aussi, de ses « compétences » ; il a considéré que c’était son devoir de gendarme et qu’il avait les moyens de retourner la situation par une compétence de négociation.

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